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Synopsis
« C’est cette idée de partage qui nous a plu en arrivant ! » Ainsi parle le meilleur ami d’Hanna, vétéran comme elle du kibboutz qu’ils ont contribué à créer. Mais à l’âge de 80 ans, Hannah est poussée plus ou moins délicatement vers la sortie par la nouvelle génération. Les temps changent, les utopies sont désormais des souvenirs et la privatisation du kibboutz, au bord de la faillite, semble inévitable.
Inévitable ? Pas pour Hanna qui va s’y opposer. Même si c’est sa propre fille qui orchestre le démantèlement de ce rêve de toute une jeunesse.
Entretien avec Hadar Friedlichentretien
Comment est né le projet ?
Je voulais parler d'une femme qui vit de grands changements et qui a du mal à accepter ces bouleversements qui lui font peur. D'autant plus que ces changements se produisent alors qu'elle est déjà âgée. Tout à coup, elle est contrainte d'acquérir de nouvelles compétences et cela ne lui plaît pas. Elle avait l'habitude d'être une femme très active, de se sentir utile et nécessaire et, brusquement, elle se sent rejetée.
Le mode de vie propre au kibboutz semble incompatible avec les préoccupations de rentabilité et de mondialisation…
La privatisation des kibboutzim est due essentiellement – mais pas exclusivement – au ralentissement économique. Les premiers kibboutzim privatisés ont fait faillite. Aujourd'hui, la plupart de ceux qui n'ont pas été privatisés sont riches, possèdent un parc immobilier et commercialisent leurs produits dans le monde entier. Il semble que les kibboutzim qui ont de grandes capacités économiques et qui ont bien intégré la mondialisation sont ceux qui fonctionnent toujours sur un mode coopératif. Mais cela a nécessité des changements dans la conception et la gestion des kibboutzim.
Vous mettez en lumière un conflit de générations : la fille d'Hanna ne partage pas les idéaux de sa mère…
Je voulais évoquer un conflit lié à des différences de perception et de conception du bien commun : pour l'une, il s'agit de faire ce qu'il faut pour le bien-être de tous tandis que pour l'autre, il faut faire ce qui nous convient à nous-mêmes en partant du principe que c'est cela qui apportera le bien-être à la collectivité. La fille d'Hanna agit en ce sens parce qu'elle pense que c'est la seule manière d'empêcher le kibboutz de s'effondrer, voire de lui permettre d'exister. Mais je voulais aussi parler d'une relation compliquée entre mère et fille, où aucune des deux n'arrive à se parler, alors même que c'est précisément ce qu'elles voudraient faire.
Les personnages du film – Hanna, sa voisine, sa fille, la jeune fille etc. – sont très seuls. Est-ce emblématique de la société israélienne contemporaine ?
La solitude est un sentiment très subjectif. Malgré toutes les luttes intestines et les désaccords profonds, la société israélienne sait se rassembler pour venir en aide à ceux qui en ont besoin, quand il le faut. Batia Bar, qui incarne Hanna, vivait sur place avant même la fondation de l'État d'Israël. Elle explique que la vie était tellement difficile à l'époque – à la fois sur le plan physique, financier etc. – qu'il était plus facile de vivre en communauté.
Il y a très peu de dialogues dans le film. Pourquoi ?
J'ai tâché d'écrire des dialogues aussi précis que possible, pour exprimer davantage de choses en en disant moins, et de me concentrer plutôt sur la mise en scène, les éclairages et le travail sonore. D'ailleurs, il y avait plus de dialogues au départ dans le scénario, mais j'en ai supprimé pas mal au montage, car ils me semblaient superflus.
La plupart des films israéliens se déroulent dans des paysages urbainsmais ici, la nature domine, et le seul espace où Hanna trouve du réconfort est son jardin.
Quand le mouvement des kibboutzim a été créé, le travail était la valeur la plus importante, et tout particulièrement le travail de la terre. Pour les pionniers, le retour au pays pour travailler la terre était l'accomplissement d'un rêve. Et Hanna est pareille à ces pionniers. En filmant la nature, j'ai essayé de montrer l'amour et l'attachement d'Hanna à cet endroit, à ces paysages, à sa maison. Les espaces verts tranchent également avec la dégradation physique d'Hanna et avec les changements qui se produisent dans le kibboutz.
Comment avez-vous choisi les acteurs ? Sont-ils tous professionnels ?
Il n'y a que deux comédiennes professionnelles : Myriam, la voisine d'Hanna, et Yaël, la fille d'Hanna1. Tous les autres sont des membres du kibboutz. C'était important pour moi de faire appel à de "vrais gens" qui avaient vécu au kibboutz, et qui en connaissaient la réalité quotidienne. Avec le directeur de casting, nous avons sillonné la plupart des kibboutzim du pays, et nous avons rencontré et auditionné beaucoup de gens. Au cours des auditions, ils nous ont raconté leur vie ou des anecdotes personnelles. Chacun avait quelque chose de particulier à nous dire. Je me suis nourrie de ces histoires pour le scénario et les dialogues, car je n'aurais rien pu inventer de mieux. La plupart des interviews vidéo qu'on voit dans le film sont des extraits de véritables interviews que j'ai faites pour les auditions. Cela a été une expérience riche et longue.
Propos recueillis par Franck Garbarz