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Une recension de Jean-Pierre Allali
Née en 1959 dans un kibboutz de Galilée, Zeruya Shalev, mariée, mère de trois enfants, vit à Jérusalem. Elle est aujourd'hui l'une des écrivaines les plus réputées d'Israël et le prix Femina Étranger 2014 qui lui a été attribué est amplement mérité. Après « Vie amoureuse », « Mari et femme » et « Thèra », best-sellers internationaux, son nouveau roman, malgré une écriture dense, est à couper le souffle. Cette auteure n'a pas son égale pour nous décrire l'âme humaine sous tous ses aspects y compris les plus sombres et les plus désespérants. Car « ténébreux sont les complots qui se trament sous un même toit au nom de l'amour et du sacrifice, sans contrat ni témoin, sans mots ni indulgence, des complots que même le diable n'aurait pas osé ourdir, cachés derrière notre impuissance, nous décidons à la légère du sort de ceux qui nous sont pourtant les plus proches ». Comme se le demande Dina, Dinette pour les intimes, l'héroïne de ce roman superbe, qui se voit vieillir peu à peu et qui s'angoisse face à la vie qui s'étiole : « Sommes-nous toutes censées y revenir, à cet état antérieur, n'en plus bouger pour ce qui nous reste de jours et avec ce qui nous reste de forces, après avoir déployé d'immenses efforts pour la famille et nous en occuper, après avoir vu nos enfants grandir, nos maris vieillir et nos parents mourir, sommes-nous toutes condamnées à retrouver une verdeur immature, égoïste et repliée sur elle-même, à lécher nos blessures en silence, trahisons et abandons successifs, bandage et débandage, débandage et rebandage ? ». À 46 ans, Dina Horowitch-Yarden, professeure d'histoire médiévale dans un institut d'études supérieures, s'interroge sur le sens de la vie à l'heure de la ménopause. Peut-elle, doit-elle, se contenter de sa seule fille, Nitzane, ou, contre l'avis des siens, chercher à tout prix à adopter un enfant fut-ce en effectuant un voyage dans un pays lointain ?
Dans cette véritable saga familiale où tous les personnages semblent désabusés, on découvre aussi le mari de Dina, Amos, son frère cadet, Avner, dit Avni, avocat défenseur convaincu des Bédouins, sa femme, Salomé et ses enfants Tomer et Yoram et, surtout, la mère, Hemda Horowitch, « un nom de vache qui veut dire précieuse ou délicieuse » qui n'en finit pas de mourir. Sans oublier le chat Lapinou et le chien Casanova.
On l'aura compris. Une forme de pessimisme exaspéré enveloppe ce livre où la peur de la ménopause rejoint les affres de la vieillesse et de la maladie.
Un grand texte.
Note :
(*) Éditions Gallimard. Juin 2014. 430 pages. 22,90 euros.