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Publié le 25 Novembre 2013

En tenue d'Eve, féminin, pudeur et judaïsme, par Delphine Horvilleur (*)

C'est un ouvrage très original, tout à la fois riche en enseignements et d'une fraîcheur délicate que nous propose l'auteur, femme rabbin au Mouvement Libéral Juif de France. À la question « Le judaïsme d'aujourd'hui est-il misogyne par la voix de ses interprètes et de ses représentants religieux contemporains ? », l'auteur répond que bien souvent la réponse est positive.

À lire absolument

« Oui, le judaïsme, comme toutes les autres traditions religieuses, est misogyne lorsqu'il ne s'interroge pas sur la place du féminin dans son système de pensée, lorsqu'il lit les textes qui parlent des femmes, qu'il s'agisse du Talmud ou de littérature rabbinique, de façon résolument anhistorique, sans jamais prendre en compte le contexte des lectures et des interprétations. Il est misogyne lorsqu'il ne conçoit pas d'autre place pour la femme que celle assignée par son corps, ses fonctions reproductrices ou les attributs de son genre, lorsqu'il ferme aux femmes les portes des maisons d'étude et de l'exégèse, lorsqu'il choisit de ne pas apporter de réponse à la détresse des femmes opprimées par une loi religieuse patriarcale ».

 

Delphine Horvilleur rappelle à juste titre les performances intellectuelles de Berouriah, femme de Rabbi Meïr, qui débattait au IIe siècle avec les hommes, qui tînt tête à un célèbre sage de son temps, Rabbi Yossef le Galiléen et qui, lit-on dans le Talmud, « apprenait chaque jour 300 leçons de 300 maîtres différents ». Cela n'empêcha pas Rachi, de brosser un sombre tableau de sa fin dans le stupre et la mort violente. Et Delphine Horvilleur de se demander : « Berouriah s'est-elle tuée ou a-t-elle été assassinée parce qu'elle était devenue un témoin trop gênant ? ».

 

L'auteur prend régulièrement à témoin la langue hébraïque dans ses démonstrations. Ainsi, à propos du débat sur le mariage pour tous, elle note que le Grand Rabbin Gilles Bernheim, tout comme le pape Benoit XVI écrivent à propos du verset biblique relatif à la naissance du premier homme : « homme et femme il les créa ». Or, les mots hébraïques utilisés sont « zakhar » et « nekeva », qu'on peut traduire par mâle et femelle ou par masculin et féminin. Il n'est pas écrit « ish » et « isha » !

 

L'humour n'est pas absent de ce beau livre où un chapitre s'intitule : « L'homme, une femme comme les autres ? », un autre « Cachez ce saint que je ne saurais voir ! » et où l'on évoque le « no woman's land », « la femme, héros ou zéro ? », « le saint...des seins » ou encore les excès de « textostérone ».

 

À lire absolument.

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions Grasset. Septembre 2013. 208 pages. 17 euros.

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