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Publié le 16 Juillet 2013

L'éthique biomédicale : posture ou imposture ? Par le professeur Bernard Kanovitch (*)

Personnalité connue de la communauté juive, Bernard Kanovitch a notamment présidé le Centre Rachi d'Art et de Culture et dirigé la Commission des Relations avec les Musulmans au sein du CRIF. Médecin, professeur honoraire à l'université Paris XI, ancien chef de service à la Fondation Rothschild, Bernard Kanovitch a appartenu au Comité consultatif national d'Éthique et au Conseil national du Sida. C'est pourquoi il est particulièrement bien placé pour traiter un sujet aussi délicat que passionnant, celui de la bioéthique. D'entrée de jeu, dès le prologue, l'objet de l'ouvrage apparaît clairement sous forme d'un questionnement: « Les progrès médicaux et chirurgicaux récents sont considérables. Faut-il y mettre des limites, voire des interdits lorsqu'il s'agit, par exemple, de l'expérimentation sur l'embryon ou des recherches sur les cellules souches ou encore d'autoriser l'euthanasie comme une des solutions possibles économiques et dignes de la fin de vie ? ». 

Le vocable lui-même de « bioéthique » a été forgé, rappelle l'auteur, par Potter Van Rensselaer en 1971.

 

Le surgissement  et, désormais l'envahissement sociétal, de l'éthique biomédicale, a connu diverses étapes-clés souvent liées à des conflits armés meurtriers. D'autres étapes ont été plus « scientifiques ». Ainsi la première transplantation cardiaque sur le patient Louis Washkansky par Christian Barnard au Cap en Afrique du Sud  en 1967, la naissance d'un enfant, la petite Louise Brown en Angleterre par fécondation in vitro en 1978 , la création du Comité consultatif national d' Éthique en 1983, le contrôle des naissances, l'éventualité d'un mariage homosexuel...

 

Comment ne pas penser aussi à Laurent Lantiéri, qui, les 26 et 27 juin 2010, a réalisé sur  Jérôme, un patient souffrant de neurofibromatose, une greffe totale du visage et à René Frydman qui, après Amandine, le premier bébé-éprouvette français, née le 24 février 1982, a mis au monde , en 1986, Sarah et Guillaume, les premiers bébés issus en France d'embryons congelés et en 2000, le petit Valentin, né après un diagnostic préimplantatoire destiné à éviter un risque hépatique important dans la famille du nouveau-né.

 

Si la question de la bioéthique passionne notre planète en 2012, l'auteur ne manque pas de rappeler que le sujet était déjà d'actualité dans la plus haute antiquité : depuis le fameux serment d'Hippocrate en passant par Salomon et son fameux jugement ou encore la situation de  mère porteuse que fut en quelque sorte Agar pour Sarah et Abraham.

Dans le Talmud, déjà, d'ailleurs, bien avant Maïmonide, des sages juifs se sont penchés sur le cas étonnant d'une jeune vierge mise enceinte par le sperme de son propre père qui était resté en suspension dans un mikvé, bain rituel, mal récuré. Le statut de l'enfant né de cette manière inhabituelle eut ainsi à être défini au regard de la loi juive.

 

Les religions, bien entendu, ont leur mot à dire dans les débats qui ne manquent pas d'avoir lieu. Ainsi, à propos de l'embryon, l'auteur rappelle que si, pour le judaïsme, l'embryon est une personne humaine dès que l'on peut en distinguer la forme, le Coran, lui, fixe à trente ou quarante jours selon le sexe, la période nécessaire pour faire de l'embryon un être humain à part entière. Quant à la tradition chrétienne, elle est plus rigoureuse : dès la conception, l'embryon est un humain.

 

Dans le livre remarquable que nous propose Bernard Kanovitch, aucun sujet n'est oublié : statut et manipulations de l'embryon, greffes, mères porteuses, dons de gamètes, injections intracytoplasmiques de spermatozoïde, insémination post-mortem, clonage humain, dopage, décryptage du génome humain, conséquences de la loi Léonetti de 2005, soins palliatifs, dépistage prénatal et tri embryonnaire, enfants jetables, grossesses postménopausiques, vitrification des ovules, transmission du Sida, sexualité en prison...

 

Des cas extraordinaires nous sont rapportés tout au long du récit : les attendus de l'arrêt du 27 octobre 1995 de la commune de Morsang-sur-Orge à propos du « lancer de nains », le fameux arrêté  « Nicolas Perruche », à propos d' un enfant né lourdement handicapé du fait que sa mère, enceinte, avait contracté une rubéole non diagnostiquée ou encore le « bébé du double espoir », le petit Umut-Talaha, né en France, par fécondation in vitro, au sein d'une famille d'origine turque, indemne de la bêta-thalassémie, une grave affection dont souffraient ses aînés et qui a pu ainsi jouer le rôle de « bébé-médicament ».

 

Des documents annexes particulièrement précieux comme la liste des 117 avis du CCNE complètent cet ouvrage incontournable pour qui s'intéresse à la question. Passionnant !

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions Odile Jacob. Octobre 2012. 190 pages. 23,90 euros.