Présentation du livre de P.-A. Taguieff par Jacques Tarnero
Alors que le mot « race » ressurgit dans le débat public d’une manière aussi sotte qu’inappropriée, voilà que la collection « Que sais-je ? » (PUF) publie à point nommé un remarquable travail de Pierre-André Taguieff sur « L’antisémitisme ».
Au milieu de tout le brouhaha des questions identitaires qui agitent la société française, cette étude, en contrepoint de toutes les polémiques stériles, apparaît comme un indispensable outil pour penser cette question. La plus longue des haines trouve dans ce texte court son décryptage le plus abouti.
En conceptualisant l’histoire de la haine des Juifs et en problématisant les questions qu’elle pose, Taguieff propose une lecture en creux des sociétés où le mythe répulsif du Juif responsable des malheurs du monde reste toujours actif. De l’antijudaïsme religieux (chrétien et musulman) à l’antisémitisme moderne, du projet nazi à la dénonciation du complot sioniste, de la négation de la réalité de la Shoah à la diabolisation de l’État d’Israël, ce sont toutes les étapes historiques ou leurs sauts conceptuels que Taguieff passe en revue dans une synthèse aussi subtile qu’érudite. Dans le moment présent où certains versent des larmes de crocodile sur les cendres d’Auschwitz tout en vouant Israël aux feux de l’enfer, le travail de Taguieff devait être lu par tous les bons esprits qui veulent comprendre pourquoi, au XXIe siècle, les portées du mot « juif » sont toujours l’objet d’une telle fascination/répulsion vieille de plus de 2000 ans.