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Publié le 3 Mai 2013

L'amour sans visage suivi de Les lettres du père, par Hélène Waysbord (*)

 

 

Agrégée de lettres, ancienne enseignante en classes préparatoires aux grandes écoles, Hélène Waysbord, qui a été une proche collaboratrice de François Mitterrand, a succédé à Sabine Zlatin en 2004 comme présidente de la « Maison d'Izieu. Mémorial des Enfants juifs exterminés ». Elle était récemment, le 6 avril 2013, à l'occasion du 69ème anniversaire de la rafle et de la déportation des 44 enfants d'Izieu et de leurs responsables, aux côtés du député Michel Barnier, commissaire européen et des centaines de personnes présentes ce jour-là.

 

Dans le très beau roman fortement autobiographique qu'elle publie, Hélène Waysbord navigue entre la réalité et la fiction, mêlant des souvenirs de sa propre enfance à des récits d'invention. Native d'Argenteuil, l'auteure a vu  ses deux parents, militants communistes juifs originaires de Kojenice en Pologne, arrêtés successivement en 1942 et 1943 pour être conduits vers la mort à travers Beaune-la-Rolande et Drancy puis Auschwitz. Recueillie par un artisan dans un village de la Mayenne, elle va connaître le sort des enfants cachés : la vie à la campagne, les animaux, l'église et le quotidien d'une petite catholique.

 

Cet ouvrage, à l'écriture agréable et remarquablement travaillée, est une manière de surmonter le choc qui, malgré les années, demeure toujours aussi fort, d'une séparation monstrueuse et irréparable.

 

Il est suivi, en deuxième partie, de la publication des lettres, miraculeusement conservées, que Jacques Wajsbard a pu envoyer aux siens depuis Beaune-la-Rolande puis Drancy. Même si le contenu des précieuses missives tourne souvent autour de questions de nourriture et de la composition des colis alimentaires que le détenu espère, l'angoisse du sort réservé à sa fille qu'il sait cependant en de bonnes mains, transparaît. Comme transparaît aussi le sentiment désespérant d'être « un reclus, un maudit ». Hélène Waysbord, qui n'hésite pas à se référer à La lettre au père que Kafka écrivit quatre ans avant sa mort en 1919, y ajoute ses propres commentaires, toujours très éclairants.

 

« Chez Kafka, la souveraineté du père était sa présence non maîtrisée, et pour moi, dit Hélène Waysbord, son absence qui faisait de ma vie entière un mensonge ou une attente ».

 

C'est émouvant et, ce qui ne gâte rien, très bien écrit. Un beau livre.

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions Christian Bourgois. Mai 2013. 296 pages. 17 euros