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Résumé
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, après la tentative d'extermination du judaïsme, de nombreux penseurs juifs développèrent dans l'Hexagone une expérience intellectuelle inédite. Elle fut connue sous le nom d'École de pensée juive de Paris. Avec l'École d'Orsay, le Colloque des intellectuels juifs de langue française illustra cette expérience marquante de la vie culturelle juive en France après la Shoah. Ces rencontres de haut niveau intellectuel, proposées sur des thèmes le plus souvent liés à l'actualité reposaient sur les textes de la Tradition juive et leurs questionnements. Le Colloque des intellectuels juifs de langue française initia un mouvement de réconciliation identitaire, car, en se rapprochant des valeurs religieuses, morales, culturelles, politiques du judaïsme, et en les insérant dans une pensée universelle, le monde chrétien fut, revers de l'histoire, pris à témoin de cette évolution. Dans ce courant de civilisation judéo-chrétienne, la présence de penseurs chrétiens à ces colloques permit au judaïsme, qui avait toujours été en marge, de s'intégrer à la tradition humanitaire occidentale. L'immigration en Israël de penseurs juifs siégeant au Comité préparatoire après la guerre des Six Jours ainsi que la crise du modèle intellectuel tel qu'il s'était mis en place après la Seconde Guerre mondiale entamèrent le déclin du Colloque des intellectuels juifs à la fin des années soixante-dix. 11 avait néanmoins permis la naissance d'un nouveau type d'intellectuel dont témoignait la pluralité d'initiatives culturelles juives de la France contemporaine.
Docteur en histoire moderne et contemporaine, Sandrine Szwarc s'est intéressée au renouveau de la culture et de la pensée juives au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et notamment aux penseurs du Colloque des intellectuels juifs de langue française (1957-2000) sur lesquels elle a publié de nombreux articles et proposé des conférences. Journaliste, chef de rubrique et membre du comité de rédaction, elle dirige depuis plusieurs années les pages culturelles de l'hebdomadaire Actualité Juive.
Qui êtes-vous ? !
Je suis l'auteur du livre «Les intellectuels juifs en France de 1945 à nos jours», paru aux éditions Le Bord de l'Eau dans la collection «Clair et Net» dirigée par Antoine Spire. Docteur en histoire moderne et contemporaine, diplômée de la section des Sciences religieuses de l'École pratique des Hautes études (EPHE) en Sorbonne, je me suis intéressé au renouveau de la culture et de la pensée juives au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et notamment aux penseurs du Colloque des intellectuels juifs de langue française sur lesquels je publie des articles, donne des conférences et enseigne les points fondamentaux à l'Institut universitaire d'études juives Élie Wiesel à Paris. Journaliste, chef de rubrique et membre du comité de rédaction, je dirige depuis plusieurs années les pages culturelles de l'hebdomadaire Actualité Juive.
Quel est le thème central de ce livre ?
Inspiré de ma thèse de Doctorat, il me semblait intéressant de me pencher sur un groupe juif particulier, les intellectuels. Depuis la création du terme à l'époque de l'Affaire Dreyfus, les combats et la figure même de l'intellectuel ont sans cesse évolué. Aujourd'hui, le mot est d'ailleurs presque devenu péjoratif. Retracer une histoire des intellectuels juifs de 1945 à aujourd'hui m'a d'abord permis d'en apporter une définition et de m'interroger sur sa survivance de nos jours.
Si vous deviez mettre en avant une phrase de ce livre, laquelle choisiriez-vous ?
«Les hommes ont été créés à l'image du Tout-Puissant, tous égaux, respectables et solidaires. La fonction de l'intellectuel juif, héritier et porteur de cette tradition, était de rappeler sans cesse ce message qui s'adressait à tous les hommes, de religion ou non.»
Si ce livre était une musique, quelle serait-elle ?
«Moi, je vous dis bonne chance» de et par Nino Ferrer ou «L'oratorio Isaïe le prophète» composé par Alexandre Tansman. Deux titres cités dans le livre dans un passage sur la musique au lendemain de la Shoah.
Qu'aimeriez-vous partager avec vos lecteurs en priorité ?
Être intellectuel et juif a toujours impliqué de faire cohabiter au sein d'un même individu deux éléments essentiels : être un excellent connaisseur des Textes de la Tradition juive et en même temps être un expert dans les citations de la pensée dite universaliste. Pendant la seconde moitié du XXe siècle, des intellectuels juifs ont anticipé et participé aux grands débats du moment en réussissant à démontrer que le judaïsme pouvait être le point de départ d'une réflexion sociétale universelle. Progressivement, l'impact de ces penseurs juifs a décliné. Aujourd'hui que reste t'il de ce mouvement de pensée inédit en France ? Alors que le modèle de l'intellectuel tel que définit précédemment se fait de plus en rare - qu'ils se comptent sur les dix doigts des mains -, un nouveau souffle est à réinventer. L'ensemble de cette réflexion et le débat que cela occasionne sont donc à découvrir dans mon ouvrage.