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De nombreuses illustrations agrémentent cet ouvrage très intéressant
Albert-Armand Maarek, dans son analyse magistrale et très documentée, a choisi de limiter son investigation dans le temps . Deux dates encadrent son étude : 1857 et 1958. Un siècle décisif pour la communauté juive tunisienne qui, en optant définitivement pour l'occidentalisation, va, en quelque sorte, sortir du giron arabo-musulman dans lequel elle s'était inscrite au cours des siècles.
Pour cet historien, c'est l'affaire dite « Batou Sfez » qui va jouer le rôle de déclencheur et entraîner, à court terme, l'instauration du protectorat. Batou Sfez, cocher du caïd des Juifs, Nissim Scemama, lors d'une altercation avec un Musulman, en juin 1857, est accusé d'avoir blasphémé la religion musulmane. Arrêté, il est jugé et condamné à mort. Malgré les interventions vigoureuses du consul de France, Léon Roches, le bey Mohammed ne put que céder aux exigences des oulémas et au tribunal de la Charâa. Le vendredi 26 juin 1857, dans la cour du palais beylical de La Marsa, le bourreau tranchait la tête du malheureux Juif. Cet incident aura été, pour Maarek, la goutte d'eau qui fera déborder le vase et conduira la France à imposer, par le traité du Bardo, en 1881, son protectorat, permettant, entre autres, la disparition du statut inférieur de « dhimmis » qui était jusqu'alors imposé aux Juifs. Le protectorat sera précédé par la signature, en septembre 1857 du Pacte fondamental qui constituera une amélioration quelque peu éphémère du statut des Juifs.
Albert-Armand Maarek consacre un remarquable développement à l'affaire dite du « Cimetière » de l'avenue de Londres à Tunis, un cimetière qui faisait depuis longtemps l'objet de convoitise de la municipalité et qui sera exproprié en 1958. Des milliers de tombes juives ont été recouvertes pour laisser la place à un jardin dont une photo récente constitue la couverture de l'ouvrage, photo qui ne sera pas sans émouvoir les « Tunes » : les ossements épars de leurs ancêtres reposent sous les bosquets, les jets d'eau et les bancs publics.
L'auteur examine avec précision l'influence culturelle de la France par le biais des écoles de l'Alliance Israélite Universelle et la montée en force des idées sionistes dans une couche importante de la population.
Les chapitres sur Sousse et sur Nabeul amènent des précisions intéressantes sur deux communautés peu connues, sur les querelles de clans et sur les véritables dynasties locales de rabbins et de dirigeants qui se sont constituées sur place.
De nombreuses illustrations agrémentent cet ouvrage très intéressant.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Glyphe. Novembre 2013. 2ème édition. Préface de Michel Abitbol. 464 pages. 25 euros.