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« Le 29 juillet 2012 à Aguelhok, une petite ville au nord du Mali, alors que plus de la moitié du pays est occupée par des hommes dont la plupart sont venus d’ailleurs, s’est produit dans l’indifférence quasi totale des médias et du monde un crime innommable », a expliqué le réalisateur dans ses notes d’intention. « Un couple d’une trentaine d’années qui a eu le bonheur de faire deux enfants a été lapidé jusqu’à la mort. Leur crime : ils n’étaient pas mariés. La scène de leur mise à mort diffusée sur Internet par les commanditaires est horrible. La femme meurt au premier coup de pierre reçu, et l’homme émet un cri rauque, puis un silence. Peu de temps après, ils seront déterrés pour être enterrés plus loin. Aguelhok n’est ni Damas ni Téhéran. Alors on ne dit rien… Je le sais, je dois raconter, dans l’espoir qu’aucun enfant ne puisse apprendre plus tard que leurs parents peuvent mourir parce qu’ils s’aiment », écrivait-il encore. Lui et ses acteurs se sont émus aux larmes, jeudi 15 mai 2014 à Cannes, lors de la conférence de presse. Avec humilité, Abderrahmane Sissako s’est excusé de ses larmes : « Je pleure pour les autres, les vrais courageux, ce sont ceux qui ont vécu ». Il a expliqué : « J’appartiens au Mali, à l’Afrique noire… Ce n’aurait pas été normal, si je ne m’étais pas approprié cette réalité… Lorsqu’un individu est pris en otage, on a l’habitude de s’y intéresser. Au Mali, c’est tout un pays qui a été pris en otage… Lorsqu’on a la chance de pouvoir faire un film, lorsqu’on en a les moyens, on doit se surpasser et prendre le risque de se tromper en racontant ». Abderrahmane Sissako ne s’est pas trompé. Timbuktu décrit la réalité de l’Islamisme radical fidèlement, avec des scènes parfois très dures. Il décrit la réalité du recrutement et de l’endoctrinement des djihadistes. Il décrit la réalité de leurs comportements, à la fois terrifiants et ridicules. Il décrit la réalité des Musulmans maliens qui se révoltent, parfois au pris de leurs vies, contre les règles aberrantes qu’on veut leur imposer : ne pas fumer, ne pas chanter, ne pas danser… « L’image de l’Islam qui, comme toute foi, est tolérance, a été dégradée dans le monde entier à cause de cela », a regretté le réalisateur. Un film remarquable, qui mérite d’être primé par le jury.