Une recension de Jean-Pierre Allali
De notre siècle. Le peintre Gérard Garouste. Né à Paris, en 1946, Gérard Garouste est l'un des artistes contemporains les plus réputés. On lui doit, entre entre, une frise qui orne le plafond de l'un des appartements du Palais de l'Élysée. Dans cet ouvrage publié pour la première fois en 2009 et qui vient d'être réédité , l'auteur se met littéralement à nu, remontant à sa plus tendre enfance avec la découverte d'un père violemment antisémite.
Mon père, dit Gérard Garouste, était « un salopard qui m'aimait ». Un salopard ! Qu'est-ce à dire ? Eh bien, très jeune, le petit Gérard constate que son père est un antisémite forcené. Conduit à l'école le matin, en passant devant une boulangerie, il l'entend lui dire : « Tu ne verras jamais un boulanger juif, parce que c'est un métier difficile, il faut travailler toute la nuit, ils sont trop malins pour faire ça ». Plus tard, Gérard Garouste réalisera, à travers des documents personnels et en accédant aux Archives, que son père a participé, pendant l'Occupation, à la spoliation de plusieurs établissements possédés par des Juifs, notamment le magasin de meubles Lévitan.
« Il n'avait pas pu faire héros. Alors, il avait fait salaud. Son éducation de bon catholique l'y préparait. Il appartenait à un monde d'illusions et de certitudes, où les Juifs avaient sale réputation ». La découverte de ce passé trouble du père entraînera chez le fils, dès l'âge de vingt-huit ans, des crises de délire avec des séjours réguliers en hôpital psychiatrique.
La rencontre avec une femme juive, Élisabeth, va changer le destin du peintre. Il va non seulement l'épouser, mais aussi se plonger littéralement dans la lecture des textes essentiels du judaïsme, apprendre l'hébreu avec passion et, plus tard, franchir le pas décisif de la conversion au judaïsme. Il a été circoncis, a adopté le nouveau prénom d'Abraham et s'est marié religieusement en 2014.
Il y a peu, la brith mila de son petit-fils Marcel a été l'occasion d'une belle fête familiale. « Je me crois enfin débarrassé d'une vieille peau, dit Garouste, d'une croûte qu'on gratte enfant jusqu'au sang. Ma tête s'est ouverte, elle s'est vidée d'un noir mirage, par la peinture et ici avec les mots ». L'intranquille a retrouvé la sérénité. Gérard Garouste a enfin conquis son destin. Passionnant.
Note :
(*) Éditions L 'Iconoclaste. Le Livre de Poche. Avril 2015. 160 pages. 6,10 euros.