L'invention de nos vies, par Karine Tuil (*)

De Samir à Sami, il n'y a aussi qu'un petit « r » de rien ou presque et de Samir Tahar, l'un des héros de son roman, à Sam Tahar, on passe allègrement du monde arabo-musulman à la judéité. Il était une fois deux amis, l'un juif l'autre arabe, Samuel Baron et Samir Tahar amoureux de la même fille, Nina Roche. Et ce qui devait arriver arriva. Nina fut amenée à choisir et ce fut Samuel. Samir, fils d'Abdelkader Tahar et de Nawel Yahyaoui, dépité, va se lancer à corps perdu dans une carrière d'avocat international où, pour réussir, ou, qui sait, par vengeance, il va carrément voler l'identité et l'histoire personnelle de son ancien ami, se faisant plus juif que juif, épousant une riche Juive américaine, Ruth  Berg et élevant ses enfants dans la Loi de Moïse. Tandis qu'à Paris, écrivain raté, Samuel végète avec Nina. Mais la vie réserve parfois des rebondissements inattendus. Samir va se retrouver embringué, à cause de son demi-frère François alias Djamal, dans une affaire de terrorisme sur fond d'Al Qaïda et de Guantanamo, tandis que Samuel, rencontrant enfin le succès, devient la coqueluche du Tout-Paris littéraire. La deuxième partie de ce beau roman prend des allures de thriller. Karine Tuil qui fait partie, avec cet ouvrage, de la première sélection pour le Prix Goncourt 2013, se distingue par une écriture finement ciselée, l'utilisation opportune de vocables rares et la pratique détournée de notes en fin de page pour le moins originale. Quel souffle ! À lire absolument.

Jean-Pierre Allali

(*) Éditions Grasset. Août 2013. 504 pages. 20,90 euros.