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Publié le 9 Mai 2014

Pourquoi l'anti-lepénisme a échoué

Article de Said Mahrane publié dans le Point du 8 mai 2014

Dans son essai, Pierre-André Taguieff dénonce les effets pervers de la diabolisation du FN.

L'objectif des diabolisateurs anti-FN était de faire disparaître le parti lepéniste. La diabolisation a au contraire provoqué une hypermédiatisation du diabolisé. (...) D'où une polarisation du débat politique sur le FN. » Bien des intellectuels ont tenté de faire une analyse convaincante de l'antilepénisme et de ses corollaires. Or elle fut souvent quelconque, sectaire ou elle-même diabolisatrice, quand les auteurs, parfois traumatisés par leur passage sur le bûcher efficace de la bien-pensance, ne sombrèrent pas tout bonnement dans le règlement de comptes, voyant des Aymeric Caron partout.

Avant d'être élu maire de Béziers et parce qu'il se disait bâillonné, Robert Ménard a poussé la provocation jusqu'à écrire un petit livre intitulé « Vive Le Pen !». Un « Taguieff», c'est autre chose. C'est un gage de profondeur, de constance, de densité. L'historien a pour lui de connaître parfaitement - et froidement - son sujet : la haine. Car il y a bien souvent, trop souvent, de la haine et de la bave dans la bouche de ceux qui «combattent» le Front national. Là est leur tort Cette haine les aveugle, les rend utilement idiots pour le FN et leur fait dire des énormités anachroniques ou politiques. En somme, à lire le dernier essai de Pierre-André Taguieff, ces esprits manichéens ont échoué. Cela fait quarante ans qu'ils ont tout faux, et le résultat des municipales le prouve encore. La stratégie de diabolisation du FN a en réalité servi d'hormone de croissance à l'entreprise familiale Le Pen - par ailleurs elle-même adepte de la diabolisation. Le chercheur tient que l’antilepénisme est le nom des brigades nouvelles, composées de journalistes, d'animateurs télé, de politiques, d’intellectuels, de people et même d'une ancienne patronne du Medef - Laurence Parisot. Taguieff déconstruit à merveille leur stratégie, met à nu la mécanique bien huilée de la « reductio ad Hitlerum ». Il y a pêle-mêle, chez eux, ces représentants «d'en haut», ces «élites mondialisées», d'abord un fort déni de la réalité, puis l'anathème facile, les références abusives «aux heures les plus sombres de l'Histoire», le discours hypermoral, l'abus du préfixe « ultra » et l'amalgame. Pour ces néorésistants, quand la droite est décomplexée - la démonstration vaut aussi pour Valls -, elle se droitise, va ensuite vers une extrémisation, qui conduit invariablement au nationalisme bête et méchant, puis au fascisme pour, enfin, atteindre le stade ultime de la répugnance historique : l'hitlérisation… Lire la suite.

« Du diable en politique »,

de Pierre-André Taguieff (CNRS Editions, 390 p., 22 €)

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