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Publié le 15 Avril 2013

Sarah Bernhardt et le Docteur Pozzi, par Caroline de Costa et Francesca Miller (*)

 

Si Sarah Bernhardt, la diva de renommée internationale, est devenue un personnage de légende, le docteur Samuel Pozzi, lui, est relativement peu connu. En entrelaçant leurs parcours, les auteurs de cet ouvrage original nous offrent tout un pan méconnu de la vie de la tragédienne et, parallèlement, une plongée dans le monde de la médecine, notamment de l'obstétrique et de la gynécologie, particulièrement édifiante.

 

Le fil conducteur de cette association qui peut sembler au premier abord incongrue, c'est que Sarah Bernhardt et Samuel Pozzi ont été des amis très proches et, très vite, des amants. La maladie aussi, les unira, puisqu'en février 1898, peu après avoir été élu sénateur de la Dordogne, Samuel Pozzi opérera sa célèbre maîtresse d'un important kyste aux ovaires, de « la taille de la tête d'un enfant de quatorze ans » aux dires du chirurgien.

 

Les auteurs, pour bâtir leur récit, sont allés puiser aux meilleures sources, notamment celle des correspondances familiales. Caroline de Costa est gynécologue-obstétricien, professeur à la faculté de médecine James Cook en Australie. Francesca Miller, elle, est journaliste aux États-Unis.

 

C'est un  voyage passionnant à la Belle Époque, avec ses intrigues, ses amours débridées, ses salons et ses artistes qui nous est proposé dans cet ouvrage richement illustré.

 

Sarah Bernhardt voit le jour à Paris en 1844 au sein d'une famille juive. Sa mère, Youle Bernardt , une demi-mondaine d'origine hollandaise, très éloignée du judaïsme, l'envoie très jeune au couvent où elle sera convertie au catholicisme. Sarah Bernhardt restera cependant fière de ses racines juives tout au long de sa vie.

 

Samuel Pozzi, naît, lui, deux ans plus tard, en 1846, à Bergerac, en Dordogne, dans une famille protestante. Son père Benjamin Pozzy, était un pasteur d'origine italienne. Mais le jeune Samuel abandonnera rapidement la foi pour un athéisme militant.

 

Tandis que Sarah gravit les échelons de sa brillante carrière de comédienne, Samuel entre en médecine et deviendra le père de la gynécologie française auteur d'un fameux « Traité de gynécologie clinique et opératoire ».

 

Leur première rencontre date de 1869. Sarah, véritable bohème, qui n'hésitait pas à entretenir une véritable ménagerie chez elle, vouera tout au long de son existence une véritable passion pour Samuel son « Docteur Dieu ».

 

Des pages très intéressantes sont consacrées au conflit meurtrier de 1870 qui voit la tragédienne se muer en infirmière dans un théâtre de l'Odéon transformé en centre de secours et son amoureux rejoindre un régiment combattant.

 

Plus tard, lors de l'insurrection de la Commune, certains manifestants n'hésiteront pas à crier : « À bas les trônes ! À bas les Républiques ! À bas les riches! À bas les calotins ! À bas les Juifs... »

 

Tout au long des années, Sarah et Samuel vont croiser des personnages célèbres avec lesquels ils se lieront d'amitié : Georges Clemenceau, Félix Faure, Anatole France, Victor Hugo,Théophile Gautier, Fromental Halévy, Adrien Proust et ses fils, Robert, assistant de Pozzi et Marcel, l'écrivain du temps perdu, Joseph Reinach, Réjane, Victorien Sardou, Séverine et bien d'autres.

 

En 1894, quand éclate l'affaire Dreyfus, Sarah Bernhardt et Samuel Pozzi prendront fait et cause avec détermination pour le capitaine juif injustement accusé.

 

Sarah Bernhardt, qui, sur la fin de sa vie, sera amputée d'une jambe, est morte le 23 mars 1923 à Paris dans les bras de son fils Maurice. Fort opportunément, les auteurs mettent un point final à la polémique et aux ragots colportés depuis longtemps sur le sort final de la jambe de l'actrice. Le docteur Samuel Pozzi était décédé, lui, le 13 juin 1918, assassiné par un patient mécontent, Maurice Machu, opéré d'une varicocèle, dilatation variqueuse d'une veine du scrotum, qui l'abattit de deux balles dans le ventre avant de se suicider.

 

Une étude remarquable et bien documentée.

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions Glyphe. Mars 2013. Préface du professeur Jacques Battin de l'Académie de Médecine. Traduction de Francine Siety. 306 pages. 22 euros.