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Avec la publication du livre de Paul Netter, on pénètre plus intimement dans le quotidien du Grand rabbin Bloch. L'auteur a puisé à de nombreuses sources familiales et officielles.
Né au sein d'un famille juive alsacienne bas-rhinoise qui a compté de nombreux rabbins, Abraham Bloch voit le jour le 7 novembre 1859 à Paris. Peu avant ses 18 ans, il intègre le Séminaire Israélite. Son frère cadet, Armand, futur Grand rabbin de Belgique, fera de même deux ans plus tard. Abraham Bloch obtient son premier degré rabbinique le 24 septembre 1883. Il entre dans la carrière à 25 ans comme rabbin de Remiremont dans les Vosges où vivent 86 familles juives, 333 âmes en tout. En 1891, Abraham Bloch épouse à Paris Berthe Eudlitz dont il aura deux enfants, Moïse qui naît en 1893 et qui mourra très jeune, le 6 mai 1898 et Jeanne, née en 1895.
La carrière d'Abraham Bloch prend un tournant décisif avec sa décision de se porter candidat au poste de Grand rabbin d'Alger. Il est désormais titulaire du diplôme de deuxième degré rabbinique. Le 4 avril 1897, Abraham Bloch est élu à l'unanimité, Grand rabbin d'Alger. C'est un poste d'une toute autre dimension car la ville compte alors 17 000 Juifs et l'Algérie abrite une communauté juive de près de 50 000 âmes. Le Grand rabbin Bloch va devoir faire face à un antisémitisme virulent. C'est l'époque d'Édouard Drumont , antisémite notoire et de Max Régis qui dirige « L'Antijuif ». Des émeutes antijuives sont fomentées au cours desquelles la populace, excitée par des agitateurs, saccage et pille les quartiers juifs. Dans un tout autre domaine, Abraham Bloch se verra confronté à une polémique sur le « droit du couteau », dénomination de la taxe sur la viande cacher. Abraham Bloch va demeurer onze années à Alger qui marqueront le judaïsme algérien de manière indélébile au point que la municipalité de la ville décidera , le 27 novembre 1925, de donner le nom d'Abraham Bloch à une rue proche de la place Randon où se trouve la Grande Synagogue d'Alger (1).
D' Alger, le Grand rabbin Bloch va rejoindre Lyon où il succède à Alfred Lévy en 1908.
1913 : les bruits de bottes se font menaçants. Malgré son âge, 53 ans, le Grand rabbin Bloch décide de répondre favorablement à une demande de l'administration et se porte candidat comme aumônier militaire et quand, le 1er août 1914, le gouvernement français déclare la mobilisation générale, c'est tout naturellement que le Grand rabbin Bloch va rejoindre le théâtre des opérations au sein du 14ème Corps d'Armée. Son carnet de guerre et les nombreuses lettres qu'il adresse à son épouse et à sa famille sont un témoignage précieux sur l'ambiance qui règne au sein des troupes françaises à la frontière allemande.
Le 29 août 1914, au lieu dit Anozel près de Taintrux, c'est le drame : touché par un obus ennemi qui lui emporte la cuisse gauche, le Grand rabbin Bloch meurt au combat. Dès lors une véritable légende va se forger autour de cette disparition. On apprend que c'est en portant, à ses risques et périls, à la demande d'un soldat catholique moribond, un crucifix sur ses lèvres, que le Grand rabbin a reçu le projectile mortel. « C'est ainsi, raconte Paul Netter, qu' Abraham Bloch, -un rabbin-juif!-est tué à l'ennemi, un samedi, jour de shabbat, le 29 août 1914. »
Un monument sera érigé au col d'Anozel en mémoire d'Abraham Bloch et le grand compositeur britannique Benjamin Britten intègrera un texte relatif à l'action du Grand rabbin dans l'une de ses œuvres, « The World of the Spirit ».
Un arbre généalogique et de très nombreuses illustrations agrémentent cet ouvrage particulièrement intéressant.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Italiques. Préface de Philippe Landau. 4ème trimestre 2013. 144 pages.
(1) Paul Netter signale que le 11 décembre 1960, la Grande Synagogue d'Alger a été profanée, pillée et incendiée. Après l'indépendance de l'Algérie, ajoute-t-il, la place Abraham Bloch a été débaptisée et la Grande Synagogue transformée en mosquée.