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Par Marc Knobel, Chercheur, Directeur des Etudes du CRIF, publié dans le Times of Israel le 6 avril 2015
Connaissez-vous cette expression ou cette phrase en arabe : « Bellehi goulili enti chkoun enti ? Chkoun enti ? » On peut la traduire par « S’il te plaît, dis-moi qui tu es ? Qui es-tu ? »
Une simple question qui fait de nous des êtres humains, en conscience, de ce que nous sommes, mais ce que nous sommes n’est-il pas le fruit de tout ce qui fut, comme des touches à l’infini, construisant ainsi notre vie et nous reliant en mémoire à ce que nous fûmes et ce que nous sommes ?
L’historien Benjamin Stora le sait mieux que quiconque et s’en ouvre à nous.
Lui qui sonde et explore avec autant de talent et depuis tant d’années l’histoire de l’Algérie et de la guerre du même nom, dévastatrice et cruelle.
Le voilà qui, presque étrangement, explore sa propre histoire et nous raconte son monde, son enfance juive dans la ville de Constantine, dans un ouvrage de 137 pages intitulé : « Les clés retrouvées » aux Editions Stock.
Mais, puisqu’il voulait raconter cette histoire d’enfance, comment découper et retracer cette histoire ? En suivant un ordre chronologique ? En évoquant la « grande » histoire de la guerre d’Algérie, moment où se déroule son enfance ? En associant librement des propos, sans tenir compte d’une cohérence linéaire ?
Finalement, Benjamin Stora pioche, trie, coupe, redécoupe, assemble, et nous passons de l’insouciance, de la joie et de l’allégresse (l’enfance choyée), à l’exil.
Cette année 1962, lorsque son univers bascule, avec la fin de la guerre d’Algérie et le départ définitif vers la France. Il avait douze ans, il lui faut quitter cette vie et cette ville.
Benjamin Stora raconte : « Lorsque nous sommes partis de Constantine le matin du 16 juin 1962, ma mère a lavé consciencieusement tout notre petit appartement. Elle n’a pas versé de l’eau sur le palier, comme elle faisait traditionnellement au moment du départ d’un proche, qui revenait ensuite sur ses pas. » Parce qu’elle savait in fine qu’elle ne reviendrait pas. « Mon père a ensuite fermé lentement la porte avec les clés, et les a données à ma mère qui les a mises dans son sac à main. » Des clés que Benjamin Stora retrouve en 2000, après le décès de sa mère, au fond d’un tiroir de sa table de nuit.
Dans son prologue, l’historien nous rappelle que tout au long de son travail commencé dans les années 1970, il a peut-être cherché sans cesse inconsciemment, écrit-il, ces lambeaux de vie personnelle capables de renouveler aussi bien l’histoire événementielle que celle de la longue durée, mais aussi… la sienne de vie.
Il fallut alors un ou deux déclics pour qu’il écrive alors ce livre. Il raconte qu’au cours d’un grand déménagement de son pavillon en 2013, il ouvrit une boite d’archives qui appartenait à son père, qu’il n’avait plus touché depuis son décès en 1985.
Dans cette boite, son père y avait inscrit la mention « Souvenirs ». Là, Benjamin redécouvrit les lambeaux, les morceaux, les mots, les petites et grandes choses de toute une vie : des factures, des quittances, un vieux livre de la Haggadah, le livre de Pessah, la Pâque juive et des documents de guerre 39-40, ainsi qu’une lettre de son grand-père demandant que sa nationalité française soit préservée, après l’abrogation du décret Crémieux, en octobre 1940.
Benjamin Stora, raconte alors l’épreuve de Vichy ou comment avec cette abrogation, les Juifs n’étaient plus citoyens français. Comment, ils se retrouvèrent alors en situation d’indigénat, privés des droits du citoyen, jusqu’en 1943. Par simple décret, la France pouvait retirer ce qu’elle avait donné. Plus rien par la suite ne sera comme avant, écrit Stora… Lire l’intégralité.
Source: http://frblogs.timesofisrael.com/une-enfance-juive-a-constantine-celle-de-lhistorien-benjamin-stora/#ixzz3WbvPux6g