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Publié le 22 Avril 2015

Une enfance sauvée (*), par le Docteur Jean Arouete

Un roman, une vie.
 

Une recension de Jean-Pierre Allali
Dermatologue réputé, le docteur Jean Arouete s'était jusqu'ici fait remarquer par la publication d'ouvrages médicaux de référence sur les greffes de cheveux ou encore sur les peelings. Son dernier livre et premier roman est une autobiographie passionnante où l'on découvre que ce médecin, qui fut aussi un passionné de parachutisme, est, en quelque sorte, un rescapé  de la barbarie nazie.
Si Jean Arouete est né à Paris en 1931, ses parents Maurice Arouete et Linda Behar venaient de Constantinople, qui deviendra plus tard Istanbul. Tandis que ses parents décident de s'installer en France, son oncle, Maër, diamantaire, choisit, tout naturellement, de s'établir à Anvers. Un étonnant personnage, qui sera comme un second père pour Jean Arouete, Edwin Sidi, est omniprésent dans le récit qui nous est proposé.
Alors qu'il est encore adolescent, ce futur patron de la dermatologie française, qui compta parmi ses patients, Anthony Eden, a été victime, dans son adolescence, d'un accident aussi stupide que tragique. Il était en retard et voulut prendre en marche un tram qu'il venait de rater. La manœuvre échoua et il passa littéralement sous le tram. Bilan : deux jambes écrasées. Le jeune homme dut être amputé à la hauteur de la cheville gauche et du genou droit. Il sera transféré à Paris pour une rééducation. C'est à la suite d'une sorte de parrainage par le biais de correspondance suivie que la mère de l'auteur est entrée dans la vie d' Edwin et, très vite, elle en est tombée amoureuse.  On imagine sans peine la réaction de la famille Behar qui s'est montrée intraitable. Épouser un infirme  qui, de surcroît, n'avait encore achevé ses études ! Linda Behar fit donc un mariage de raison et épousa Maurice Arouete. Cela a duré une dizaine d'années, mais, en 1936, le couple s'est séparé. Linda a rejoint Edwin Sidi tandis que Maurice et ses enfants rejoignent l'oncle Maër en Belgique. Les deux enfants sont alors placés en pension alors que la Seconde Guerre mondiale éclate.
Le Directeur de la pension, voyant les choses se gâter a cherché, dès le 10 mai 1940, a restituer les enfants qui lui avaient été confiés à leurs parents. Mais le père de Jean est injoignable et sa mère est toujours en France. Avec un certain nombre d'enfants, la pension est évacuée. En train et à pied, les frères Arouete se  retrouvent en France, à Landrethun, heureux, car  persuadés que la France allait rapidement gagner la guerre. En réalité le conflit les rattrape et ils font demi-tour pour retrouver la Belgique dans un pensionnat des Ardennes.
Dans ce récit alerte d'une lecture agréable, Jean Arouete considère finalement qu'il échappé à la mort à cinq occasions. La première fois, il avait trois ans et survécut à une mastoïdite alors que les sulfamides n'avaient pas encore été découverts. Deuxième miracle : il échappe à la rafle du Vél d'Hiv. Troisième miracle : la roue d'une forteresse volante qui aurait dû l'écraser est tombée à un mètre de lui. Quatrième miracle : son oncle Maër, qui était venu  chercher ses neveux en Belgique a été arrêté par un barrage. Heureusement, car s'il avait réussi à passer tout le monde aurait été arrêté comme enfants juifs accompagnés de leurs parents. Enfin, plus tard, grâce à un avertissement de la Résistance belge, il a réussi à s'enfuir avant l'arrivée des Allemands. On peut y ajouter une sixième fois alors qu'il pratiquait le parachutisme lors de son service militaire en Algérie : son parachute s'est mis en vrille. Il a pu, in extremis, actionner le parachute ventral.
Un roman, une vie. Très sympathique.
(*) Éditions Le Manuscrit. 2013. Préface d'Élie Wiesel. 254 pages. 21,90 euros.
 

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