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Comment la série a-t-elle été accueillie en Israël?
La plupart des gens ici ont des enfants dans l’armée. Ils ne comprenaient pas pourquoi on montrait en prime time des scènes de kidnapping. Ils y voyaient un message très politique puisqu’ils se disaient : mais comment peut-on encore envoyer ses enfants à l’armée après avoir vu cette série?
Vous-mêmes, vous avez un fils.
Oui, il a seize ans, il part à la guerre dans deux ans. Il refuse de voir la série. Il me dit que c’est trop dur, qu’il n’arrivera pas à s’endormir après. Je vous dis ça comme cela, mais c’est très fort, très intense.
Cette intensité, les téléspectateurs y ont finalement complètement adhéré.
L’audience a été folle. Il faut comprendre qu’en Israël, «Hatufim » est notre réalité. C’est bouleversant parce que c’est la première fois qu’on parle de cette tragédie très politique de manière humaine, psychologique. Du coup cela a eu un effet miroir. Et puis il y a eu l’effet «Homeland». Avec des débats de partout «c’est mieux, c’est moins bien, ce n’est pas pareil ». Ce qui est sûr c’est qu’en termes de budget une saison d’ «Hatufim » c’est quelques minutes d’ «Homeland»!
Ce rôle a-t-il beaucoup influencé la façon dont les gens vous perçoivent?
D’abord ils ont dit «mais t’es grosse !». J’ai pris sept kilos pour le rôle puisque Talia est une femme qui s’est oubliée. Mais désormais ce rôle me colle. Je vais dans des associations pour des post-traumatisés de guerre et on me regarde comme une experte.
Vous l’êtes?
J’ai fait beaucoup de rencontres pour ce rôle. Je suis allée observer la mère de Gilad Shalit sous sa tente à Jérusalem. J’ai estimé que moi Yaël j’avais une grande responsabilité envers mon personnage Talia. Celui d’incarner une femme israélienne qui a choisi de rester dans son pays, de vivre là en sachant qu’on y envoie les enfants à la guerre. Je le fais dans le reste de ma vie aussi, je donne une voix aux femmes.
Vous êtes engagée?
Très. Je pourrais vous parler de mon combat dans une association de femmes battues. Mais c’est au-delà. Pour moi nous sommes toutes des femmes battues. On est d’abord des femmes battues. Quand tu ouvres les yeux là-dessus tu ne peux pas les fermer. Tu vois comme la femme est asservie, comme il n’y a que 25% de femmes à la Knesset, comme ce pays parce qu’il est chauviniste parle le langage de l’armée, parle un langage très homme, comme on gagne 40% de moins que les hommes. Ça veut dire qu’on se doit, que je me dois, d’être forte si je m’engage à jouer un rôle de femme.