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Publié le 2 Décembre 2013

YOUNG PEREZ CHAMPION De Tunis à Auschwitz, son histoire

par André Nahum (*)

La sortie récente du film de Jacques Ouaniche consacré à Young Perez, avec dans le rôle du champion du monde des poids mouche, le boxeur Brahim Asloum, a braqué les projecteurs sur une figure méconnue de nos jours mais qui fut, dans les années trente, un véritable héros pour les Juifs de Tunisie et pour tous les amateurs du noble art à travers le monde. Plusieurs auteurs ont, au cours des ans, évoqué, de manière plus ou moins détaillée, la destinée tragique de Young Perez, déporté et assassiné à Auschwitz. Ainsi Émile Brami dans son roman, « Histoire de la poupée » (1). Tout comme Paul Steinberg, dans « Chroniques d'ailleurs » (2). Par la suite, Noah Klieger reviendra sur le sujet dans « La boxe ou la vie » (3). Avec « Champion » (4), Gilles Rapaport en a même fait une bande dessinée. Dans « Les arabesques de la destinée. Histoires étonnantes du peuple d'Israël » (5), Jean-Pierre Allali raconte, entre autres, l'épopée de Young Perez, récit qu'il reprendra plus tard dans « Il était une fois les Tunes...Images et paroles de mémoire » (6).

Sans oublier « Les champions juifs dans l'Histoire. Des sportifs face à l'antisémitisme » de Philippe Assoulen (7). Mais c'est incontestablement André Nahum qui a, en 2002 (8) proposé le texte le plus complet sur l'histoire du champion : « Quatre boules de cuir ou l'étrange destin de Young Perez, champion du monde de boxe. Tunis 1911-Auschwitz 1945». Ce beau livre est de nos jours introuvable. C'est pourquoi l'idée de le rééditer sous un autre titre avec un texte légèrement amendé et quelques illustrations, est une excellente initiative.

Puisant aux meilleures sources y compris familiales et, bien sûr, pugilistiques, André Nahum, qui voue une véritable passion pour Young Perez, remonte le temps et nous raconte la vie du jeune Juif Victor Perez et de sa famille dans le quartier juif de Tunis, la Hara. André Nahum fait renaître sous sa plume alerte et riche en couleurs, la vie de tout un petit peuple avec ses joies et ses misères. Obsédé par l'idée de devenir un jour champion du monde de boxe, Young Perez va tout quitter, ses parents et sa petite amie, Poupette, pour rejoindre Paris, ville-lumière avec ses tentations et l'espoir qu'elle peut susciter chez un jeune homme démuni qui n'a pour lui que ses prédispositions incontestable pour le noble art. Tel un reporter, André Nahum suit au plus près l'ascension du jeune boxeur juif : entraînements, premiers combats, premières victoires mais aussi premières défaites. Jusqu'au match décisif, le lundi 24 octobre 1931 où, devant seize mille spectateurs rassemblés au Palais des Sports de Paris, Young Perez, coaché par Léon Bellières, l'emporte par K.O. à la deuxième reprise, sur l'Américain Frankie Genaro, devenant, à vingt ans, le plus jeune champion du monde de l'histoire de la boxe. Younkie entre de plain-pied dans le monde des vedettes, l'argent coule à flots, il fréquente la bonne société et devient l'amant d'une actrice en vue, Mireille Balin. De retour à Tunis, l'enfant du pays est acclamé et vénéré. Une chanson « Être tunisien », qui lui est dédiée est sur toutes les lèvres (9). Puis les choses vont aller en s'accélérant et Young ne restera pas longtemps invaincu. Par ailleurs, sur le plan politico-militaire, la situation devient critique. Hitler a entrepris sa folle conquête de l'Europe qu'il imagine judenrein, vide de Juifs. Young Perez, quelque peu imprudent, inconscient même, accepte de livrer un combat à Berlin où il débarque un 9 novembre 1938 en pleine « Nuit de Cristal ». Dans une ambiance antisémite, il est battu aux points par son adversaire et rentre à Paris par le premier avion. Le 21 septembre 1943, il est arrêté à son domicile par la milice française, interné à Drancy puis déporté à Auschwitz. Alors que, comme tous les déportés, il est décharné et presque devenu un « Musselman », on lui impose un combat contre un adversaire allemand en pleine santé, plus grand, plus fort et, surtout, mieux nourri que lui. Pourtant Young Perez se défendra avec l'énergie du désespoir obtenant un match nul. En janvier 1945, il sera froidement abattu lors de la « Marche de la mort ». Il n'avait pas trente-quatre ans. Un très beau livre.

Éliahou Hillel

(*) Éditions Télémaque. Novembre 2013. 176 pages. 15,90 euros.

  1. Éditions Écriture, 2000.
  2. Éditions Ramsay, 2000 ( Préface de Jorge Semprun).
  3. Éditions Elkana, Jérusalem, 2008 (Préface d'Élie Wiesel).
  4. Éditions Circonflexe, 2005.
  5. Éditions Gil Wern, 1996 (Préface de Marek Halter).
  6. Éditions Glyphe, 2013.
  7. Éditions Auzas Imago, 2009 ( Préface de Phillipe Grimbert).
  8. Éditions Bibliophane.
  9. Signalée par Émile Brami dans son roman, cette chanson est entièrement retranscrite dans les deux livres mentionnés plus haut de Jean-Pierre Allali.
CRIF