Jean Pierre Allali

Jean-Pierre Allali

Blog du Crif - Les Lembas, des Juifs au Malawi

16 Novembre 2020 | 411 vue(s)
Catégorie(s) :
Israël
Portrait de Marc Lévy
Blog du Crif - Une leçon de vie
|
17 Février 2021
Catégorie : Israël, Opinion

Par un enchaînement de hasards, notre bloggueuse Sophie, plus habituée aux sujets de cyber-sécurité et de contre-terrorisme, s'est retrouvée les mains dans la pâte (à pizza). Et ça lui a donné quelques idées plutôt gourmandes... Elle les partage avec vous cet été à travers ces chroniques culinaires ! 

Le 30 novembre, l’État d’Israël et les communautés juives du monde entier commémorent la Journée dédiée au souvenir de l'expulsion des Juifs des pays arabes et de l’Iran. A cette occasion, nous vous proposons la lecture de ce texte de Jean-Pierre Allali, vice-président de la JJAC (Justice for Jews from Arab Countries).

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Les Lembas, des Juifs au Malawi : pleins feux sur les Juifs noirs

 

Depuis quelques semaines, les surprises se succèdent pour ce qui concerne la diplomatie israélienne. Après les extraordinaires Accords d’Abraham signés avec les Émirats Arabes Unis et le Bahreïn, le Soudan a emboîté le pas de la paix en normalisant ses relations avec l’État juif. Et voici que le Malawi annonce qu’il va installer son ambassade à Jérusalem !

En effet, le 3 novembre dernier, le ministre malawien des Affaires étrangères, Eisenhower Mkaka, dans une conférence de presse conjointe avec son homologue  israélien, Gabi Ashkenazi, a dévoilé le contenu d’un message du président malawien officialisant la décision historique qui devrait se concrétiser à l’été 2021. Et monsieur Mkaka d’ajouter : « Nous avons réaffirmé notre proximité et nos valeurs communes de prospérité et de paix ». Pour Gabi Ashkenazi, il va sans dire que « d’autres dirigeants africains vont suivre cette décision ».

L’ouverture de cette ambassade africaine dans la capitale de l’État juif, la première du genre, est d’autant plus inattendue que le Malawi, qui entretient des liens amicaux avec Israël depuis 1964, n’avait jusqu’ici pas d’ambassade dans le pays.

Le Malawi ? Mais quel est donc ce pays se sont demandés nombre de personnes, notamment au sein de la communauté juive.

Située en Afrique australe, la république  du Malawi, ancienne colonie britannique, est indépendante depuis 1964. D’une superficie de 120 000 km2, peuplé de plus de 20 millions d’habitants, le Malawi est bordé par le Mozambique, la Tanzanie et la Zambie. Il n’a pas de débouché maritime mais dispose d’un grand lac, le Nyassa, qui couvre un cinquième de la superficie du pays.

La capitale du Malawi, Lilongwe, compte 700 000 habitants et l’actuel président se nomme Lazarus Chakwera.

Les Malawiens sont, pour 80% d’entre eux, chrétiens d’obédiences diverses. On compte environ 14% de Musulmans.

Et, par ailleurs, cerise sur le gâteau : une importante communauté de Lembas vit au Malawi. De Lembas ? Mais de quoi s’agit-il ? Eh bien, tout simplement d’une communauté africaine qui se réclame du judaïsme. Ce phénomène n’est pas nouveau dans le monde.

Car s’il est vrai que, de nos jours, l’existence de Falashas et des Falashmuras originaires d’Éthiopie n’étonne plus personne et si les Hébreux Noirs américains longtemps dirigés par Ben Ami Carter se sont peu à peu, malgré les difficultés initiales, bien intégrés à Dimona et dans les environs, l’existence de « Juifs noirs » en terre d’Afrique n’est encore connue que des spécialistes. Pourtant, les Lembas, les Abayoudayas et autres groupes humains constituent un ensemble de plusieurs millions d’individus qui vivent un judaïsme particulier au quotidien.

Depuis les grandes opérations, « Moïse » et « Josué », de sauvetage des Juifs d’Éthiopie, dans les années 80, tout le monde connaît les Falashas dont on dit qu’ils descendent de Ménélik 1er, fils du roi Salomon et de la reine de Saba. Signalés par les grands voyageurs juifs à travers les siècles, ils ont été « redécouverts » dans les années trente par l’anthropologue Jacques Faitlowitz. La quasi-totalité des Falashas, plusieurs dizaines de milliers, dont la judéité, un temps contestée, a été finalement reconnue par les deux grands rabbins, séfarade, Ovadia Yossef et ashkénaze, Chlomo Goren, vivent aujourd’hui en Israël . Leur intégration et leur adaptation dans un pays moderne a été difficile, mais elle est considérée désormais comme réussie. Des premières promotions de cadres, dans tous les domaines, y compris militaire ont émergé au fil des ans. Un épisode historique avéré demeure peu connu, celui de la reine des Falashas, Yéhoudit, fille de Gédéon IV, qui naquit vers 950 et qui, à l’instar de la fameuse Kahéna nord-africaine, s’opposa farouchement aux « envahisseurs » chrétiens. Elle demeura au pouvoir dans la ville d’Axoum pendant quarante ans et ce n’est qu’avec l’alliance des Chrétiens avec les Musulmans d’Érythrée que le royaume juif d’Éthiopie fut vaincu. Les Falashmuras sont, eux, d’anciens Falashas qui ont été convertis au christianisme, il y a quelques siècles, par des missionnaires. Ils ont, régulièrement, demandé à bénéficier de la Loi du Retour et, petit à petit, au cas par cas, ils ont rejoint Israël et retrouvé leurs « cousins », les Falashas. 

Bien avant l’arrivée massive des Juifs d’Éthiopie en Israël, il existait, essentiellement dans la ville de Dimona et dans ses environs, à Arad et à Mitspé Ramon, des Juifs noirs, les « Black Hebrews ». Venus de Chicago sous l’impulsion de leur leader spirituel Ben Ami Carter, ils avaient d’abord tenté, en 1967, un retour en Afrique, au Libéria. Ce fut un échec. Mal perçus par les Libériens, ils finirent, en 1969, par débarquer en nombre en Israël où, tout en revendiquant leur judaïsme, ils se sont vu accorder le statut de nouveaux immigrants et sont désormais « résidents permanents » dans le pays,.

Un autre exemple étonnant : à Tahiti, en Polynésie française, descendants, dit-on ,d’un Juif anglais, Salmon, qui épousa il y a quelques siècles la reine de Tahiti, Pomaré, de nombreux Noirs portant des patronymes considérés comme juifs : Lévy, Cohen, Solal, Yéroushalmi, Salmon…, bien qu’halakhiquement non Juifs, fréquentent assidûment l’ « Association Cultuelle des Israélites et Sympathisants de Polynésie » , participant notamment à toutes les fêtes juives. Et, en Martinique comme en Guadeloupe, par le biais de mariages « mixtes », un certain nombre de Noirs ont adopté également le judaïsme.  

Pour en revenir à l’Afrique, plusieurs tribus noires se déclarent juives et veulent rejoindre Israël. Des émissaires ont été envoyés sur place pour vérifier le degré de judéité des candidats et organiser éventuellement leur alyah. C’est le cas, en Afrique du Sud, des Lembas, qui sont quelque quarante mille. On retrouve donc des Lembas au Malawi, quelques dizaines de milliers et au Mozambique voisin. 

Encore un exemple : en Nouvelle-Zélande, une centaine d’aborigènes maoris, s’estimant les descendants de la tribu d’Ephraïm, veulent aussi rejoindre Éretz Israël. Tout comme les centaines d’Abayudayas d’Ouganda, convertis au judaïsme en 1919.

Il y a quelques années, le professeur Eliyaou Avihail, grand spécialiste des « Tribus perdues » estimait que 15 millions d’Ibos vivant au Nigeria et au Biafra, que 2 millions d’Imbassas du Cameroun, que 4 millions de Somaliens des tribus des Inoum et des Fayoum ainsi que plusieurs tribus du Zaïre se revendiquent comme Juifs

Décidemment, le peuple juif, par sa diversité infinie, n’a pas fini d’étonner le monde

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Ben Ami Carter, leader de Hébreux Noirs

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Eisenhower Mkaka et Gabi Ashkenazi le 3 novembre 2020

 

Jean-Pierre Allali