Comme chaque année depuis quinze ans, samedi passé, 17 février, s’est tenu à Sofia, une manifestation réunissant les nostalgiques d’Hristo Lukov, figure militaire Bulgare de la collaboration avec les nazis. A la tête de l’Union Bulgare des légions nationales, Lukov fut l’un des artisans des lois antisémites et son mouvement a collaboré à la déportation de 11 340 Juifs vers le camp d’extermination de Treblinka. Ainsi le 17 février, plus de 1,500 personnes ont arpenté les rues de la ville, des flambeaux à la main en scandant le nom de Hristo Lukov.
Comme chaque année, la municipalité n’a pas donné d’autorisation à cette manifestation, et comme chaque année, celle-ci a tout de même eu lieu. En effet, si la maire de Sofia, Jordanka Fandakova, a déclaré que la marche « n'avait pas sa place dans sa ville » un tribunal l'a en définitive autorisée. Dimanche, la ministre bulgare des Affaires étrangères, Ekaterina Zaharieva, a jugé "absolument inacceptable" un acte "glorifiant l'idéologie nazie". Une déclaration bienvenue qui connaît ses limites quand on sait que le gouvernement de coalition en place compte quatre ministres issus du parti nationaliste.
Cette situation kafkaïenne témoigne de l’absence de réelles mesures régaliennes visant à interdire ce rassemblement. L’espace public bulgare est ainsi abandonné à de groupes néo fascistes, révisionnistes et plus largement extrémistes.
Robert Singer, directeur général et vice-président exécutif du Congrès juif mondial a remis vendredi 2 février au Premier ministre Bulgare, Boyko Borisov, une pétition internationale signée par plus de 175 000 personnes demandant la prise de mesures gouvernementales, sous la forme d'une interdiction administrative, pour empêcher cette manifestation.
La Bulgarie vient de prendre la présidence tournante du conseil de l’Union Européenne et elle se doit d’incarner les valeurs européennes de tolérance et de rejet de l’extrémisme. Situation paradoxale pour dire le moins, quand on sait que la marche de Lukov est le point de convergence des mouvance nationalistes européennes : chaque année des groupes hongrois, estoniens, scandinaves, français ou allemand font le déplacement.
Ce phénomène est donc très préoccupant pour la Bulgarie dont on connaît le prix du long cheminement vers la démocratie, mais aussi pour l’Europe en son ensemble, où on observe une recrudescence très inquiétante de mouvements populistes prônant des valeurs anti-démocratiques.
Déborah Lichentin, WJC JDCorps, Paris
Le WJC JDCorps, un programme phare du Congrès juif mondial, est un réseau de jeunes professionnels juifs agissant dans le domaine de la diplomatie et de la politique publique. Il regroupe quelques 200 personnes à travers plus de 40 pays. Les membres, connus sous le nom de "Jewish Diplomats" (JD), viennent d'un large éventail de milieux professionnels.