Richard Prasquier

Ancien Président du CRIF

Le billet de Richard Prasquier - Une effarante interview présidentielle

16 Novembre 2023 | 330 vue(s)
Catégorie(s) :
France

À l'occasion des 80 ans du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), les membres du Crif ont été reçus à l'Élysée par le Président de la République, Emmanuel Macron, et Madame Brigitte Macron, lundi 18 mars 2024. Le Président du Crif, Yonathan Arfi, a prononcé un discours à cette occasion. 

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Le 9 novembre, j’exprimais mon écœurement devant une influenceuse qui faisait de l’humour sur un bébé cuit dans un four et nous avons vu un député La France Insoumise (LFI) prétendre, dans une Tunisie présidée par un antisémite fou furieux, que Israël était responsable de ce crime. 

Je m’étonnais de ces journaux qui, publiant sur Gaza, ne mentionnaient pas la censure impitoyable qui pesait sur leurs correspondants locaux et nous avons vu la photo d’un de ceux-ci embrasser affectueusement Yahia Sinwar, le sanguinaire chef du Hamas. 

 

Qu’un député mélenchoniste en rajoute dans l’ignominie, qu’un journaliste de CNN soit un militant du Hamas, tout cela n’est malheureusement pas surprenant. Mais que le Président de la République française, qui avait jusque-là manifesté tant d’empathie à l’égard d’Israël s’engage dans un discours diffamatoire, ce fut un choc.

 

 

Les déclarations du 10 novembre du Président Macron ont soulevé la stupéfaction en Israël et au sein de la communauté juive de France. Certains ont parlé de coup de poignard dans le dos. La belle lettre du Président contre « l’insupportable résurgence d’un antisémitisme débridé », publiée la veille 

de la grande marche contre l’antisémitisme n’a pas suffi à amortir la colère, d’autant que son absence à cette manifestation a été largement considérée comme une faute politique. 

 

S’exprimant dans une langue anglaise suffisamment fluide pour qu’on n’incrimine pas une insuffisance de vocabulaire, Emmanuel Macron a dit dans son interview qu’il se gardait de « juger » une démocratie qui était aussi un État ami ; il a de plus approuvé la nécessité pour Israël de se débarrasser d’un terrorisme que la France avait déjà eu elle-même à subir. Mais dans un « en même temps » insupportable, il condamnait Israël et semblait chercher à le priver de ses moyens d’action.

 

Il y avait dans ce qu’il a dit trois oublis et deux déclarations choquantes.

 

Le premier oubli, c’est celui des otages enlevés par le Hamas, dont huit sont de nationalité française. Je suis sûr que, dans l’ombre, la France s’active à leur sujet, mais le Président s’exprimait dans le cadre d’un Forum pour la paix ; cela suggère que la prise d’otages n’a rien d’incompatible avec la paix, une conception pour le moins moyenâgeuse…

 

Le second oubli, c’est celui des habitants de Gaza, dans la mesure où ils sont partiellement les otages du Hamas qui les empêche, ou plutôt qui les a empêchés, de se mettre en sûreté vers la zone sud quand l’armée israélienne les alertait avant ses bombardements, ce qu’aucune armée au monde n’a fait d’une façon aussi systématique.  

 

Le troisième oubli a été de s’en tenir à la nécessité de se débarrasser du terrorisme sans même prononcer le nom du Hamas, ni bien entendu celui de « terrorisme islamiste ». Cela rend cette lutte d’autant plus abstraite que le Président ne fournit, et pour cause, aucune proposition pour la mener efficacement.

 

Le lendemain, Madame Colonna avait dû rectifier le tir en disant que le Hamas faisait de la population de Gaza la victime de ses propres atrocités. Cette formulation ne rappelle pas cependant que c’est en Israël et non à Gaza qu’habitaient les victimes du Hamas. Mais peut-être le Quai d’Orsay, dans un sursaut de lucidité, a-t-il évalué que le Hamas avait depuis qu’il est au pouvoir assassiné encore plus de Palestiniens que d’Israéliens…

 

Le dimanche 12 novembre, l’Union européenne condamnait l’utilisation par le Hamas d'hôpitaux et de civils comme boucliers humains. La Maison Blanche en a fait de même. Les preuves en sont désormais patentes. Il est dommage que le Président n’en ait pas fait part.

 

 

La première déclaration choquante porte sur les bombardements israéliens, qui, a dit le Président, tuent des bébés et des femmes, cela est malheureusement vrai, des enfants et des femmes ont été tués au cours des bombardements israéliens, mais résumer l’action israélienne à cela devient une accusation scandaleuse. La BBC, dont on connaît le solide partis pris anti-israélien a sauté sur l’occasion, dans un titre sans équivoque : « Macron demande à Israël d’arrêter de tuer des femmes et des enfants ! ». Au point qu’il a dû préciser le lendemain au Président Herzog qu’il n’avait pas insinué qu’Israël le faisait exprès. Ouf ! Mais le mal était fait…

Le Président Macron dit que tuer des civils va contre les lois de la guerre. Il était pourtant à la tête de notre pays quand une coalition internationale, dont la France était un membre actif, a bombardé et détruit à 80 % en 2017, la ville de Raqqa, fief de Daech. Il ne semble pas avoir alors manifesté des états d’âme, et pourtant des femmes et des enfants sont morts aussi dans ces bombardements. La guerre dans les villes avec un ennemi fanatisé ne peut pas épargner les civils. Fallait-il ne pas mener le siège de Berlin contre Hitler parce que la population civile aurait un lourd tribut à payer ?

 

Le choix de bombarder Gaza massivement n’est pas un acte de vengeance de la part d’Israël, mais un choix militaire. Envoyer des commandos d’élite effectuer des raids contre le Hamas, comme le conseille Dominique de Villepin, dont la compétence militaire doit s’arrêter aux Trois Mousquetaires, était une certitude d’hécatombe, dans un combat urbain particulièrement difficile sur un terrain préparé, des rues minées, des immeubles coupe gorges, communiquant par des souterrains qu’on n’aurait pas pu repérer. 

 

L’armée israélienne n’envoie pas ses soldats au massacre ; elle essaie de transformer de façon moins désavantageuse pour elle le terrain des confrontations. La guerre est terrible, mais si un mort est un mort cela ne signifie pas qu’il y a équivalence morale entre les auteurs de la mort, entre celui qui mène une guerre qui n’est pas une guerre de pacotille, mais essaie de limiter les pertes civiles et celui qui fait la guerre en jouissant de torturer et assassiner des civils. 

 

Cela nous amène à la proposition de cessez-le feu du Président Macron, une proposition qui enchante les idiots utiles du Hamas et par laquelle le Président prétend porter les valeurs humanistes de la France. En l’occurrence, il nous parle de la France de Munich…

 

Un cessez-le-feu ferait du Hamas le vainqueur psychologique du conflit… Il renforcerait sa volonté de détruire l’État d’Israël, et au-delà d’entreprendre la conquête du Dar al Islam, ces territoires que l’Islam a dû abandonner à la chrétienté. C’est là l’objectif des Frères Musulmans dont le Hamas n’est qu’une émanation.

 

Pour ceux qui savent ce qu’il y a dans les films diffusés par les membres des commandos du 7 octobre, pour ceux qui constatent que l’armée israélienne ouvre déjà des couloirs humanitaires et respecte des pauses de plusieurs heures par jour, pour ceux qui ont lu la charte du Hamas, l’idée que l’on envisage avec cette organisation un cessez-le-feu qui conduirait à la paix est aussi absurde qu’obscène. Celui qui ne comprend pas que les abominations du 7 octobre ont reconfiguré la pensée de tous les Israéliens n’a rien compris.

 

C’est le chancelier allemand, qui ne se prend ni pour un intellectuel, ni pour un expert de la communication, qui a remis les pendules à l’heure. Il a dit sobrement que le moment n’est pas celui du cessez-le-feu. Il a réduit les paroles erratiques du Président Macron à un parfum d’inconsistance, aussi populaires soient-elles dans le camp des « réalistes » qui ne sont que des défaitistes. J’en suis navré pour la parole de la France dans le monde, je suis heureux que Olaf Scholz ait rétabli l’âpre vérité des faits.

 

 

Richard Prasquier, Président d’honneur du Crif

 

 

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