Jean Pierre Allali

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Lectures de Jean-Pierre Allali - Jacques Soustelle : l'ami d'Israël, par Alain Herbeth

17 Juin 2020 | 282 vue(s)
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Jacques Soustelle : l'ami d'Israël, par Alain Herbeth (*)

 

On a tendance, c’est un fait, à associer le nom de Soustelle à l’Algérie française dont il fut le gouverneur, en oubliant un pan essentiel de sa carrière et de ses luttes, à savoir son amour total et son soutien indéfectible au sionisme et à l’État d’Israël. C’est pourquoi, il est bon de rappeler en préambule, ces propos sans ambiguïté prononcés en 1958 alors que Jacques Soustelle était président de l’Alliance France-Israël, et qui demeurent d’une actualité brûlante : « Les voisins d’Israël proclament ouvertement leur volonté d’anéantir ce jeune État qui subit le boycott et le blocus. Des fanatiques assassinent sur son sol et l’ONU fait semblant de ne rien voir. Lorsqu’elle émet un blâme, c’est contre Israël, coupable de se défendre ».

Protestant cévenol, ethnologue spécialiste des civilisations amérindiennes, ancien ministre, académicien, Jacques Soustelle, dont on ignore souvent qu’i a, en 1971, présidé la fédération du Rhône de la LICRA aura été un ami fidèle du peuple juif et de l’État d’Israël.

Tout compte fait, le livre ne parle pas beaucoup de Soustelle sinon par le biais de nombreuses citations éparses et de quelques textes proposés en annexe, mais raconte les débuts de la création d’Israël, la lutte simultanée contre les occupants anglais qui, manieront tour à tour le chaud et le froid à l’égard des Juifs, limitant au maximum l’entrée des Juifs en Terre Sainte et contre les Arabes, souvent tentés par l’amitié avec les nazis et formellement opposés à la création d’un État juif sur la moindre parcelle de la Palestine mandataire. On connaît la célèbre phrase de David Ben Gourion : « Nous nous battrons contre Hitler aux côtés de l’Angleterre et des Alliés, comme s’il n’y avait pas de Livre Blanc. Nous lutterons contre le Livre Blanc comme s’il n’y avait pas Hitler ».

Très opportunément le livre nous rappelle les réticences françaises quant au partage de la Palestine malgré la catastrophe de la Shoah désormais connue de tous. Fort heureusement et en dépit de l’opposition du Quai d’Orsay, Georges Bidault, au nom de la France, finira par dire « oui ». Le vendredi 14 mai, le dernier soldat britannique quitte le sol de la Palestine et le dernier haut-commissaire de Sa Gracieuse Majesté, Sir Alan Cunningham fait amener l’Union Jack. On connaît la suite : la proclamation d’indépendance de l’État juif par Ben Gourion, l’agression militaire de sept armées arabes coalisées, la victoire décisive d’Israël, le cessez-le-feu, l »armistice signé à Rhodes.

Peu avant la création d’Israël, le général De Gaulle crée le RFP dont Jacques Soustelle sera le secrétaire général. Il fera partie de ceux qui, tels André Philip ou le général Koenig, s’engageront avec détermination aux côtés d’Israël. En liaison étroite avec l’Irgoun, Jacques Soustelle obtiendra une aide matérielle militaire française.

Pour Jacques Soustelle, « Les négociations secrètes entre le roi Abdallah et les Israéliens montrent que même en 1947 et 1948, il subsistait des espérances de coexistence pacifiques ». L’auteur met l’accent sur l’attitude égoïste et les tergiversations de la France, avant-tout préoccupée par le maintien de son statut autrefois privilégié dans la région et par ses possessions comme le fameux Tombeau des Rois et diverses églises. Le temps sera long avant l’instauration d’une lune de miel entre la France et Israël. Jacques Soustelle écrit : « La lutte qui est imposée à Israël, sachons qu’elle nous est imposée aussi. Si nous voulons y répondre, c’est en soutenant Israël que nous devons le faire. C’est en soutenant Israël que nous devons réussir ».

Alain Herberth met en évidence les quatre mousquetaires, quatre éclaireurs du soutien français à Israël qui permettront de maintenir la supériorité de l’État juif sur ses ennemis, notamment dans le domaine de la fourniture d’armes. Ce sont : Jacques Soustelle, bien sûr, mais aussi Diomède Catroux, le général Koenig et le général Billotte, qui seront les interlocuteurs privilégiés de Shimon Peres dont l’objectif principal est de rompre l’isolement de son pays. Autres amis français d’Israël qui se révéleront précieux : Maurice Bourgès-Maunoury, ministre de la Défense et Guy Mollet, président du Conseil.

Des précisions très intéressantes sont fournies quant à la coopération entre Israël et la France dans le domaine nucléaire. « En 1957, les travaux de la future installation de Dimona, dans le nord du Néguev commencent…Des centaines d’ingénieurs et de cadres français vont participer à ces travaux à partir de 1958. Engagés dans la plus grande discrétion, leur présence en Israël est soigneusement camouflée…Depuis Paris, le chantier est piloté par le CEA et c’est la SACM (Société Alsacienne de Construction Mécanique), qui réalise les travaux. Et, en 1958, quand le général De Gaulle revient au pouvoir, tout est fait pour éviter de le mettre au courant. Cela n’empêchera pas Israël d’être présent, en 1960, lors de la première expérimentation nucléaire française. Et cela grâce à l’influence décisive de Jacques Soustelle, alors ministre de l’énergie atomique.

Des développements importants sont consacrés à l’Algérie, aux Pieds Noirs, à l’OAS, au FLN, aux dirigeants algériens, à l’action du Mossad en Algérie et aux Juifs d’Algérie, à propos desquels on rappelle qu’ils furent souvent victimes d’attentats sanglants et meurtriers de toutes origines. On y apprend, par exemple, qu’un projet de partition du pays avec une enclave européenne dans le Constantinois, à Tlemcem-Aïn Temouchent ou encore dans l’Algérois oranais avait été envisagé. Projets qui, paraît-il, avaient été très bien vus par David Ben Gourion.

En avril 1967, peu avant la Guerre des Six-Jours, Jacques Soustelle visitera Israël et rencontrera Ben Gourion et plusieurs dirigeants du pays. Puis viendra le temps des fameux propos du général sur le peuple juif « sûr de lui et dominateur » et, au fil des ans, la dégradation des liens entre la France et Israël. On connaîtra ensuite le temps des trois « non » arabes de Khartoum, le massacre des athlètes israéliens à Munich en 1972, l’affaire des vedettes de Cherbourg, la Guerre du Kippour, l’alyah massive des Juifs d’Union soviétique et le rapprochement prévisible et inexorable d’Israël et des Éats-Unis.

Jacques Soustelle, lui, sera élu président du mouvement « Progrès et Liberté » en 1971 puis député de Lyon en 1973.

Il s’est éteint le 6 août 1990 à l’âge de 78 ans et repose au cimetière de Miribel dans l’Ain.

Cela dit, s’il est parfois difficile d’accepter de lier, comme le font le préfacier, l’auteur et Jacques Soustelle lui-même  (« La défense de l’Algérie et celle d’Israël formaient un tout… ») , les destinées de l’Algérie et d’Israël, deux questions, qui demeurent, malgré tout, très différentes, même si l’on nous dit que l’Algérie occupa une place particulière dans le divorce franco-israélien, on dispose avec ce livre très intéressant, d’un travail de recherche de qualité très éclairant qu’il convient de découvrir.

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions Fauves. Préface de Charles Benfredj. Janvier 2020.  Pages. 19 €.