Ce vendredi, le jour où nous devrions cuver le réveillon, envoyer des voeux personnalisés, manger des chocolats se réjouir du fait que 2015 est enfin derrière nous et aller bruncher entre amis, … rien ne s’est passé comme prévu.
Le coup d’envoi est donné par un message whatsapp d’une connaissance de France. Trois mots : “tu es où ?”.
Le message interloque (furieuse envie de répondre “en quoi ça t’intéresse”)... mais de manière synchronisée, une deux trois sirènes viennent perturber le quotidien.
Direction Twitter, i24, tous les Aroutz disponibles au compteur… et l’on recoupe les informations.
On a tiré sur une terrasse.
On parle de 5 blessés.
Puis d’un mort.
Puis de deux.
En plein quartier Dizengoff. Le quartier où l’on sort, le quartier où l’on brunche.
D’aucun parlent d’”acte homophobe”. On essaye d’expliquer que c’est tout Tel Aviv qui est gay friendly, que dans certaines boutiques, le drapeau arc en ciel affiché n’empêche pas le vendeur de poser ses téfilines en magasin tous les matins.
La confusion s’installe : un déséquilibré ? un réglement de comptes mafieux ? Une attaque terroriste ? Un extrêmiste de l’un ou l’autre bord ? Assez vite l’information se précise : on comprend vite que c’est Tel Aviv qui est visé. Son art de vivre, son insouciance, sa liberté, sa jeunesse.
On se croirait le 13 novembre.
Gérant une
page francophone sur Tel Aviv, il a fallu rapidement partager du contenu. Un statut d’abord, court et résumant la situation “stupeur et tremblements”. Puis une série de photos de la recherche effrénée du terroriste, rue par rue, immeuble par immeuble. On pense à remercier les forces de l’ordre.
L’après midi, un statut m’informe qu’un ami fait partie des “blessés transportés à l’hôpital dans un état désespéré”. Son chien a disparu. Nous partageons l’avis de recherche. On retrouve le chien. Et le copain va s’en sortir.
Le lendemain, on commence à voir poindre sur des photos de profil le fameux “je suis Tel Aviv”. Toujours en noir et blanc, façon Charlie. Et puis non, Tel Aviv c’est autre chose. Nous lançons avec la page une série de visuels montrant notre Tel Aviv, celui des surfeurs, des couchers de soleil, du soutien à toutes les formes de terrorisme.
Nous avons été Paris, nous sommes maintenant Tel Aviv.
On constate plusieurs phénomènes sur les réseaux sociaux :
1/ Les haters et conspirationnistes habituels sont toujours bien là (c’est le mossad qui a fait ça pour victimiser les juifs / ça leur apprendre à ces colons / “jesuispalestinien” de la part d’un “journaliste” qui a laissé professionalisme et éthique quelque part en Syrie / 2 morts comparés aux centaines d’enfants tués chaque jour (sic) / c’est parce que Daesh en fait c’est Israël mais ils ne veulent pas que ça se sache donc ils en tuent quelques uns etc…)
2/ Au sein de la communauté, la police de la pensée est également de sortie, ne supporte ni les photos colorées (nous sommes en deuil), ni de rire à l’énorme bourde de France 2 qui place Tel Aviv au Brésil (nous sommes en deuil, bis), ni le nom de la page (Yahabibi fait trop “gay” ou trop “arabe” voire les deux) ou qui refuse d’”être Tel Aviv” (car personne n’est Hebron, Jerusalem etc...).
Précisons que les cas 1 et 2 trouvent de toutes façons systématiquement à redire, et qu’ils représentent une frange finalement marginale et à faible audience sur les réseaux sociaux.
Intéressons-nous aux bonnes nouvelles: pour la première fois depuis à peu près tout le temps, nous sortons du communautaire. La dernière fois que nous avions vu cela, c’était pendant Tel Aviv sur Seine où des soutiens de toutes religions et de plusieurs pays avaient afflué.
Tel Aviv a ce côté rassembleur qui provoque une empathie hors de la communauté. C’est une “porte d’entrée” pour comprendre ce qui se passe en Israël.
Les gens intelligents font le rapprochement : ce qui s’est passé rue Dizengoff est similaire à ce qui s’est passé sur les terrasses parisiennes.
Et nous nous en sortirons ensemble. Ca sonne plutôt bien comme bonne résolution pour 2016 non ?