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ils avaient un vécu, une identité, ils étaient juifs et ils en sont morts
Malgré le froid, un public très nombreux a participé à la cérémonie tenue au Wagon-Souvenir des Milles, sous le haut parrainage de Madame Simone Veil, sur les lieux mêmes du départ pour la déportation vers Auschwitz via Drancy de plus de 2000 hommes, femmes et enfants juifs du Camp des Milles en août et septembre 1942.
La diversité des présents – élus de toutes sensibilités, anciens déportés et résistants, représentants institutionnels et religieux, associations, organisations humanitaires, représentants des communautés juive, chrétienne, musulmane, arménienne et tsigane, illustrait bien le caractère universel de la Shoah que symbolise cette Journée internationale de commémoration, décidée par l’Assemblée générale de l’ONU.
La cérémonie débuta par le « chant des Marais », interprété par la chorale des élèves du Lycée militaire. C’est ensuite dans une grande émotion que furent rappelés les noms des enfants et adolescents déportés des Milles prononcés un à un par chacun de la centaine d’écoliers de toutes les écoles des Milles. Quelques fleurs en leur hommage furent déposées par des écoliers et des élèves du Lycée Cézanne d’Aix-en-Provence devant la stèle commémorative.
Les noms des Justes des Nations ayant œuvré au Camp des Milles ont aussi été lus par ces mêmes élèves « pour se rappeler que, face au mal, il est possible de se lever au nom des valeurs de justice, de tolérance et d’humanité ».
Denise Toros Marter déportée à Auschwitz à 16 ans et présidente de l’Amicale des Déportés d’Auschwitz, lut l’un de ses poèmes « le Testament d’Auschwitz » qui rappelle le souhait des déportés de ne pas oublier les leçons de cette histoire douloureuse. « Puisse le Mémorial des Milles pour lequel nous nous sommes investis depuis des années, apporter aux jeunes gens qui le visiteront toute la dimension pédagogique recherchée pour faire barrage à la haine ! Puisse le flambeau de la Mémoire collective, que nous vous transmettons avant d’arriver au bout de notre voyage, vous protéger à tout jamais d’un nouvel Auschwitz!»
Alain Chouraqui, président de la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Education souligna que « cette commémoration correspond à trois dates qui renforcent le lien entre la mémoire particulière de la Shoah et les leçons à en tirer pour aujourd’hui : la reconnaissance par les Nations Unies du caractère à la fois unique et universel de la Shoah ; le 70e anniversaire des déportations de la zone non occupée, qui rappelle que les nazis n’ont pas été les seuls bourreaux et que le risque existe dans tous les peuples ; l’anniversaire de la libération d’Auschwitz qui montre que face à la barbarie des millions d’hommes ont su se lever et vaincre. Apprendre de cette terrible expérience de l’humanité c’est aujourd’hui être vigilant et réagir plus tôt pour essayer d’éviter de nouvelles tragédies collectives ».
Michèle Teboul, présidente du CRIF-Marseille Provence, déclara : « Pour honorer ces hommes, ces femmes, rendons à chacun au-delà de leur sort tragique de victimes, leur place dans l’histoire, dans l’humanité. Comme chacun de nous, ils ont aimé ou détesté, ils furent courageux ou lâches, riches ou pauvres, modestes ou orgueilleux, ils ont prié, ils ont espéré. Dans leurs faiblesses et dans leur force, ils furent ce que nous sommes, des humains et comme tout ce qui fait la richesse des hommes, ils avaient un vécu, une identité, ils étaient juifs et ils en sont morts. »
Maryse Joissains-Masini, maire d’Aix-en-Provence s’adressa aux enfants des écoles des Milles et leur a déclaré « C’est une journée que vous devez mémoriser. C’est une journée qui va faire partie de votre parcours de vie. Aujourd'hui vous êtes au cœur d'une mémoire collective. Rappelez-vous toute votre vie du nom de l'enfant que vous venez de dire au micro, cela vous aidera à être meilleurs, tout simplement".
Gaelle Lenfant représentant le président du Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur déclara que « cet enseignement de la Résistance, de la Déportation et de la Shoah, est une impérieuse nécessité par ces temps de banalisation des national-populismes au cœur même de l’Europe, notamment en Hongrie. De nos jours, le temps long est battu en brèche par l’instantanéité, la perte de mémoire ; et l’oubli de l’Histoire menace ; c’est dire l’ampleur de la tâche pour les responsables politiques et associatifs, les enseignants et tous les démocrates ».
Hugues Parant, préfet de Région, représentant l’Etat, affirma : « Nous sommes tous porteurs de la responsabilité du souvenir, notamment vis-à-vis des jeunes générations pour que jamais ne soient minimisées les cruautés de l’Holocauste. En ces temps de crise, où chacun est tenté d’opérer un repli sur soi dans un contexte économique qui touche de plus en plus de familles, notre besoin de mémoire et de souvenir est encore plus fondamental. Nous devons tous, dans le cadre de nos fonctions respectives, encourager la mémoire. La mémoire est un droit, que le Camp des Milles rend possible, mais c’est surtout un devoir, pour préserver notre histoire. Le souvenir de l’Holocauste doit nous guider et guider les générations futures pour garantir que les valeurs fondamentales qui permettent à un peuple de vivre ensemble ne soient pas écartées au profit de la barbarie. »
La cérémonie s’est terminée par les dépôts de gerbes. Chaque déposant était accompagné par un enfant et un lycéen, montrant ainsi l’implication des jeunes dans ce nécessaire devoir de mémoire.