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Français
Chers amis,
Les Français prennent le chemin de la rentrée. Dans ce temps habituellement optimiste, plein de bonnes résolutions et de volontarisme, règne cette année au contraire une atmosphère empreinte d'inquiétude et de fatalisme. Les perspectives politiques, d'abord, promettent des temps incertains, à l'heure où notre pays n'a plus les moyens de s'offrir le luxe de l'instabilité.
Pour les Français juifs, cet été 2025 aura été aussi celui d’un grand vertige, provoqué par de fortes secousses antisémites. Qui, autour de lui, n'a pas l’écho de familles juives s'interrogeant désormais à voix haute sur leur avenir, inquiètes de voir la haine des Juifs se banaliser chaque jour davantage ?
Qu'on tronçonne l'arbre en hommage à Ilan Halimi ou qu'on tague d'un « Free Palestine » les voitures de touristes juifs, l’ingrédient principal est toujours le même : une approche obsessionnelle et caricaturale du conflit au Proche-Orient, à travers l’essentialisation de tous les Juifs, assignés à répondre d’événements qui se déroulent à 3 000 km. En bref, la haine d'Israël est devenue le carburant de la haine des Juifs. Tandis que le prêt-à-penser est devenu le moteur du prêt-à-haïr.
Face à cette poussée de haine, le défi auquel nous faisons face est simple : la France va-t-elle devenir, sous nos yeux, un pays foncièrement, profondément antisioniste ?
Car, au fond, le risque n'est pas tant que la France devienne un pays antisémite, éventualité face à laquelle, j'en suis certain il y a encore de solides garde-fous institutionnels ou politiques. Le risque c’est bien que règne demain en France et en Europe une hégémonie culturelle de la haine d'Israël.
Or, quoi que chacun pense de la guerre à Gaza ou des choix politiques du gouvernement israélien, quels que soient les sentiments légitimes vis-à-vis de la détresse de populations civiles que personne ne peut ignorer, ceux qui imaginent que les Juifs pourraient vivre sereinement dans un pays qui deviendrait un jour radicalement hostile à Israël se trompent.
Il suffit pour cela de regarder l’Histoire : n'oublions jamais que c'est la haine d'Israël qui a chassé les Juifs du monde arabo-musulman après 1948. N'oublions jamais que les politiques ayant de fait chassé les Juifs du bloc soviétique après-guerre étaient officiellement antisionistes et non explicitement antisémites.
Ainsi les débats aujourd’hui ne concernent pas seulement le regard des Français sur le gouvernement ou la politique d’Israël mais bien la condition des Juifs à terme dans la société française.
Dans ce contexte, la mobilisation des pouvoirs publics pour sécuriser les synagogues et lieux de vie juive en concertation avec les institutions de la communauté ou encore les efforts en termes d'éducation et de Mémoire de la Shoah, sont réels. Il est de notre responsabilité collective de le rappeler, à ceux en France ou à l’étranger, qui l’ignorent ou l’oublient.
Mais si nous sommes protégés, – et nous en sommes reconnaissants –, grandit en revanche l’idée que, trop souvent, nous ne sommes plus compris par une partie de la société française. Notre inquiétude face à la reconnaissance sans conditions d'un État palestinien par la France dans quelques semaines est un des symptômes de cette incompréhension. Alors répétons-le : notre rejet d'une reconnaissance sans conditions d'un État palestinien est d'abord celle de citoyens français républicains inquiets de voir ce geste de notre diplomatie donner raison à La France insoumise (LFI) et son hystérisation du débat public sur Gaza depuis le 7-Octobre. Inquiets de ce symbole tragique alors qu’il y a encore des otages retenus par le Hamas à Gaza. Inquiets de voir ce geste discréditer à terme le dialogue direct entre Israéliens et Palestiniens, seule option pour parvenir un jour à la paix.
Tout l’été, le Crif a été sur la ligne de front, mobilisé sans relâche, au niveau national comme aux quatre coins des régions de France. À chaque fois, nous avons défendu le droit des Français juifs à vivre sereinement en France, en rappelant que combattre l'antisémitisme, c'est toujours défendre la République. En cette rentrée mouvementée, soyez à nouveau assurés de mon engagement total autant que celui des équipes et des élus du Crif.
D’ores et déjà, je vous donne rendez-vous tous les vendredis à 12h15 pour continuer à appeler ensemble à la libération des otages et souhaite à chacune et chacun d’entre vous une bonne rentrée, avec la certitude que tant que nous resterons unis et fidèles à nos idéaux profondément républicains, résolument sionistes et passionnément humanistes, rien ne pourra éteindre la lumière de l’espérance.