Lu dans la presse
|
Publié le 21 Avril 2021

France - L’affaire Halimi remet l’irresponsabilité pénale au cœur du débat législatif

Le député LR Guillaume Larrivé propose qu’elle ne soit plus retenue en cas de consommation de drogue.

Publié le 20 avril dans Le Figaro

La Cour de cassation a ouvert la porte et interpellé le législateur sur le silence de la loi. Guillaume Larrivé n’a pas tardé à la prendre au mot pour trancher le nœud gordien de l’irresponsabilité pénale. Le député LR de l’Yonne, expert des questions de justice pour le parti Les Républicains, a déposé, lundi soir, une proposition de loi d’un seul article et «un amendement jumeau» pouvant figurer dans la future loi sur la confiance dans l’institution judiciaire, qui doit bientôt arriver devant l’Assemblée nationale, afin de préciser les contours de l’irresponsabilité pénale. En l’occurrence, celle d’un auteur de crime ayant agi sous l’empire d’une bouffée délirante à cause de la consommation régulière de psychotropes.

À l’article 122-1 du code pénal, qui définit l’irresponsabilité pénale, le député propose de rajouter simplement à la fin du premier alinéa stipulant que «n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes», les mots «sauf si ce trouble résulte de la consommation de produits stupéfiants ou d’alcool». Un complément qui a le mérite de la simplicité pour trancher une affaire qui met à l’opinion publique les nerfs à vif.

«Bouffée délirante»

En effet, la cour suprême judiciaire a créé l’émoi le 14 avril dernier en confirmant l’irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi, tout en entérinant le caractère antisémite du crime. La Cour a en effet constaté que le meurtrier a commis les faits au cours d’une «bouffée délirante» ayant aboli son discernement, selon sept experts. Et que son cas relevait de l’article 122-1 du code pénal: «La loi sur l’irresponsabilité pénale ne distingue pas selon l’origine du trouble mental qui a fait perdre à l’auteur la conscience de ses actes. Or, le juge ne peut distinguer là où le législateur a choisi de ne pas distinguer.»

Pour autant, la Cour de cassation ne dit pas que la simple prise de stupéfiants ou d’alcool suffit à enclencher l’irresponsabilité pénale. En l’absence d’abolition complète ou d’altération du discernement, il s’agit même d’une circonstance aggravante, comme pour les violences sur conjoint par exemple. Dans un autre domaine du droit pénal, celui des infractions au code de la route, la consommation de stupéfiants ou d’alcool est un élément matériel constitutif de l’infraction. Mais, comme le rappelle le professeur de droit pénal Didier Rebut, en matière d’irresponsabilité pénale, «notre droit reste simpliste comparé à d’autres législations, le droit espagnol ou le droit anglo-saxon, qui limitent l’intoxication comme cause d’irresponsabilité pénale».

Un manque d’humanité

Dans son exposé des motifs, Guillaume Larrivé rappelle que les dispositions de l’article 122-1 du code pénal «sont les héritières du code pénal napoléonien, dont l’article 64, rédigé en 1810, énonçait qu’“il n’y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en démence au temps de l’action, ou lorsqu’il a été contraint par une force à laquelle il n’a pu résister”». Et de préciser: «Si le nouveau code pénal a introduit une distinction entre l’abolition du discernement (cause d’irresponsabilité pénale) et l’altération du discernement (cause d’atténuation de la responsabilité), il n’a en revanche pas distingué parmi les causes de l’abolition du discernement.» Quoique parfaitement conforme au droit, «cet arrêt heurte la conscience tant il nous apparaît dénué de toute humanité et fait écho à l’adage “summum jus, summa injuria” qu’énonçait Cicéron dans son Traité des devoirs». Autrement dit «l’application excessive du droit conduit à l’injustice».

Or, le droit pénal étant d’interprétation stricte, les juges suprêmes ne pouvaient juger autrement, sauf à inviter le législateur à revoir sa copie. L’avocat et président de la Licra Mario Stasi complète à voix haute la proposition de Guillaume Larrivé en proposant que «soit ajouté à la consommation de stupéfiants et d’alcool, le fait de cesser volontairement de prendre des traitements médicamenteux dont le manque peut entraîner une perte de contrôle jusqu’à l’abolition du discernement». Conscient que le cas Halimi est aussi une affaire d’experts, Mario Stasi propose que «soit discutée la question de l’irresponsabilité pénale directement au procès et non dans le bureau du juge d’instruction dès lors que les expertises sont contradictoires».