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Publié le 10 mars 2021 sur le site de Public Sénat
Son constat se veut sévère et, à certains égards, catastrophique. « Chaque jour, de nouveaux travaux montrent que la situation s’aggrave dans l’école », estime l’ancien inspecteur général de l’Education nationale, Jean-Pierre Obin, « La laïcité a perdu une bataille vis-à-vis de la jeunesse musulmane, qui est de plus en plus et très largement pénétrée par l’idéologie islamiste. » Un discours qui a conquis la droite sénatoriale.
Auteur du livre « Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école » (Editions Hermann, 2020), Jean-Pierre Obin a été chargé, par le ministre Jean-Michel Blanquer, d’une mission destinée à harmoniser et améliorer la formation à la laïcité des enseignants.
Son audition par le Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de « loi séparatisme », a dès lors consisté à expliquer comment l’islamisme aurait pris le pas sur les valeurs de la République dans certains établissements scolaires.
Jean-Pierre Obin a commencé son exposé en soulignant l’émergence de revendications religieuses en France, depuis « l’affaire des foulards de Creil » en 1989. Cette année-là, l’exclusion de trois collégiennes, refusant d’ôter leur voile, suscite une vive polémique : « C’est le premier signe, qu’on ne sait pas interpréter, de l’arrivée dans les quartiers d’un certain nombre de prédicateurs qui endoctrinent des jeunes, et notamment des jeunes filles », affirme Jean-Pierre Obin.
Un rapport « enterré »
S’ensuit, au cours des années 1990, la montée en puissance des mouvements islamistes, nés dans le sillage de la guerre civile algérienne. C’est à ce moment-là que Jean-Pierre Obin est nommé au poste d’inspecteur général de l’Education nationale. Il observe l’apparition, dès 1996, de ce que l’on a appelé le « nouvel antisémitisme », nourri par des populations notamment musulmanes.
« Un Principal m’explique alors que ses derniers élèves juifs ont été forcés de quitter le collège », raconte aux sénateurs l’ancien fonctionnaire, qui dénonce « l’omerta des services académiques » : « [Ils] recasent ces élèves de la façon la plus discrète possible sans que jamais ce scandale ne soit mis sur la place publique. »
Au milieu des années 2000, Jean-Pierre Obin rédige un rapport qui lui vaudra, pour certains, son titre de « lanceur d’alerte ». Déjà à l’initiative des réflexions qui mèneront à l’interdiction des signes religieux à l’école, l’inspecteur général a « l’intuition que la question du voile, qui polarise l’attention publique, n’est que l’arbre qui cache la forêt ». L’inspecteur général va rédiger à ce propos un rapport, « qui sera enterré par le ministre de l’Education nationale de l’époque, François Fillon ».
Ce rapport est exhumé par Manuel Valls à la suite des attentats de 2015 : « Tout était déjà là », déclare en conférence de presse le Premier ministre de l’époque. Jean-Pierre Obin ajoute devant les sénateurs : « La situation n’a fait qu’empirer. »
Une « autocensure » chez les enseignants
L’inspecteur général à la retraite va citer, au cours de son audition au Sénat, une série de sondages à l’appui de sa démonstration. « Un quart des musulmans de France adopte des valeurs contraires à celles de la République », explique-t-il, citant les travaux de l’Institut Montaigne. « Mais, ce qu’on n’a pas dit à l’époque, c’est que cette proportion s’élève à 50 % chez les 15-24 ans. » Jean-Pierre Obin souligne cette « rupture générationnelle », relevée par plusieurs sondages sur ces questions.