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Publié le 6 Juin 2023

Interview - Caroline Yadan, Députée de Paris : où en est la dissolution du collectif Palestine vaincra ?

Alors que le gouvernement avait prononcé en mars 2022 la dissolution du Collectif Palestine Vaincra ainsi que d’une autre organisation propalestinienne, cette décision avait été suspendue par le Conseil d’État quelques mois plus tard. La députée Caroline Yadan, qui a récemment adressé une question écrite au Ministre de l’Intérieur à ce sujet, répond à nos questions pour nous faire connaître l’avancée des démarches.

Le Crif : Le 23 mai dernier, vous avez interrogé le gouvernement par le biais d’une question écrite concernant la dissolution du Collectif Palestine Vaincra (CPV). En premier lieu, pouvez-vous rappeler en quoi consistent les activités de ce collectif et pourquoi celles-ci ont poussé le gouvernement à décréter sa dissolution ?

Caroline Yadan : Le Collectif Palestine Vaincra est implanté dans la région toulousaine depuis une dizaine d’années. Il s’est officiellement structuré depuis 2019 et revendique des actions de « résistance » en soutien au peuple palestinien et en particulier à des prisonniers tels que Georges Ibrahim Abdallah, ce militant de la cause palestinienne condamné à la perpétuité depuis 1986 pour possession d'un faux passeport et complicité dans l’assassinat des deux diplomates israéliens et américains.

Sous couvert de campagnes de sensibilisation, le CPV appelle régulièrement à la discrimination et à la haine envers Israël et les Israéliens en dénonçant un « Apartheid d’État ». Au-delà d’une propagande orchestrée au niveau local demandant par exemple aux pouvoirs politiques de la ville de mettre fin au jumelage entre la ville de Toulouse et Tel Aviv, le CPV appelle au boycott notamment de produits israéliens, dans la rue, au moyen de flyers, et sur les réseaux sociaux. Par ses diverses publications et en ne modérant pas des commentaires ouvertement antisémites notamment sur Facebook, le CPV n’a de cesse de diaboliser Israël et d’inciter au recours à la violence envers les Israéliens.

Prenant acte de ces faits, mais aussi de ses liens avérés avec des organisations terroristes, le Ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé le 9 mars 2022 la dissolution de ce collectif, auquel il est notamment reproché d’appeler « à la haine, à la violence et à la discrimination ».

 

Le Crif : Le décret du 9 mars 2022 mentionne, à diverses reprises, le soutien du CPV envers des organisations terroristes, et notamment le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), qui figure sur la liste des organisations reconnues comme terroristes par l’Union européenne. D'après votre expertise, quelle est la nature des liens entre le CPV et le FPLP ?

Caroline Yadan : Les liens entre le CPV et le FPLP sont étroits.

Dans un communiqué du 29 mars 2019, le FPLP indique être en contact direct avec le CPV.

Le CPV revendique ouvertement, de son côté, sur son site internet son partenariat avec le FPLP.

Leïla Khaled, dirigeante du FPLP et responsable du détournement de plusieurs avions de ligne, est aussi nommée en sa qualité de membre d’honneur dans la charte du CPV.

De son côté, le secrétaire général du FPLP, Ahmad Saadat, condamné en 2008 à trente ans de prison par la justice israélienne, avait adressé par courrier « son soutien au travail effectué par le Collectif Palestine Vaincra à Toulouse ».

En 2021 et 2019, des activistes du CPV se sont rendus au Liban et ont rencontré des membres du FPLP.

En 2021, le CPV a collecté 6 000 euros au profit de l’association « Les enfants du martyr de Ghassan Kanafani » (ancien leader du FPLP) pour l’organisation d'un camp de vacances pour des enfants de Gaza organisé par le FPLP. Ce camp a été le théâtre de l'endoctrinement et de l’apologie du terrorisme, notamment par la mise en scène d'une opération de guérilla exécutée par les mineurs déguisés en terroristes du FPLP, équipés de fusils d’assaut et de roquettes.

Depuis son établissement en 2019 le CPV a été évincé au moins à quatre reprises de différentes plateformes, y compris Paypal, Stripe et Shopify. En cause toujours : ses liens avec l'organisation terroriste.

En décembre 2021, au cours des célébrations du 54ème anniversaire de la fondation du FPLP à Gaza, des drapeaux du CPV ont été brandis par la foule.

Le CPV fait aussi parti du réseau Samidoun, la branche internationale du FPLP.

C’est ce lien avéré, cet élément essentiel, qui m’a amené à élaborer justement cette question écrite à Monsieur le Ministre Gérald Darmanin, pour réaffirmer la dangerosité de ce collectif et la nécessité absolue de sa dissolution.

Rappelons que le FPLP est inscrit sur la liste officielle des organisations terroristes d'Israël, des États-Unis, du Canada, de l'Australie, des pays de l'Union européenne et du Japon.

Qu’il est notamment responsable de l’assassinat du ministre Rehavam Zeevi en octobre 2001, de détournements d’avions, d’attaques d’aéroports, du détournement d’Entebbe, de l’attentat contre les enfants du kibboutz Mizgav Am en 1980, d’attentats suicides à Tel Aviv, du massacre de la famille Fogiel en mars 2011, (cinq membres d’une même famille, dont un bébé de trois mois poignardés dans leur sommeil ) ou encore de l’attaque contre la synagogue de Har Nof (six morts et cinq blessés) en novembre 2014.

Sous la présidence du Conseil de l'Europe par la France en 2022, une note, intitulée « Lutter contre la menace représentée par les acteurs contribuant à la radicalisation conduisant au terrorisme», a qualifié le CPV et autres groupes radicaux de « vecteurs » de radicalisation.

 

Le Crif : Le Conseil d’État avait prononcé l’année dernière la suspension en urgence de la dissolution, invoquant l’insuffisance des éléments transmis par l’administration pour démontrer l’incitation à la haine, à la violence ou au terrorisme. La procédure a-t-elle avancé depuis et de nouveaux éléments ont-ils été apportés ?

Caroline Yadan : Effectivement, l’argumentaire à l’appui du décret de dissolution se fonde sur les dispositions de l’article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure qui dispose que sont dissoutes, par décret en Conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait qui soit provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence soit qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger.

Le Conseil d’État se prononcera « au fond » dans les mois à venir et décidera à la suite d’un échange d’arguments écrits et d’une procédure contradictoire d’annuler le décret définitivement ou non.

L’objectif de ma question parlementaire écrite est d’étayer le mémoire de l’État en mettant à jour ces liens organisationnels entre le CPV et le FPLP, éléments qui semblaient insuffisants dans le décret de dissolution.

Le soutien du CPV à diverses organisations terroristes va de pair avec une légitimation des méthodes terroristes qu’elle s’efforce de justifier ou de minimiser au motif qu’il s’agit d’une forme de résistance nécessaire ; les termes de la charte du collectif précisent explicitement qu’il soutient la résistance palestinienne « sous toutes les formes qu’elle juge nécessaire et légitime, y compris armée », ce qui constitue un appel explicite à la commission d’actes de terrorisme à l’étranger.

Par ailleurs, malgré des déconnexions de plusieurs plateformes de paiement et des fermetures de comptes bancaires, le CPV poursuit sa récolte de fonds destinés à des groupes liés au FPLP ou incitant à la haine et à la violence. Tous ces faits confirment, si besoin en était, les liens entre les deux organisations mais aussi l’urgence de la dissolution et son absolue nécessité.

À ce jour, j’ai reçu de la part du Ministre la confirmation de la réception de l’ensemble de ces nouveaux éléments mentionnés dans la question écrite. J’espère vivement qu’ils permettront d’aider le Ministère dans le cadre de la procédure en cours et de confirmer la dissolution dans les meilleurs délais.

 

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