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Publié le 10 Février 2022

Interview Crif - Denis Ferrand, professeur d'histoire-géographie, et passeur de mémoire

Nous avons rencontré Denis Ferrand, professeur d'histoire-géographie au lycée de Ribérac, en Dordogne. A l'occasion d'un voyage scolaire à Paris, il a emmené ses élèves de Terminale au Mémorial de la Shoah de Paris pour un atelier pédagogique autour des théories du complot. Rencontre.

Mercredi 9 février, au deuxième étage du Mémorial de la Shoah, au coeur du service pédagogique, nous avons rencontré Denis Ferrand. Il était en bonne compagnie, accompagné de son confrère professeur de Lettres et de ses 27 élèves de Terminale - option cinéma.

 

Le Crif - Vous êtes professeur d’histoire-géographie au lycée Arnaut Daniel, à Ribérac, en Dordogne. Quelle place est accordée à l’enseignement de l’histoire de la Shoah au lycée ?

Denis Ferrand - Dans le programme de tronc commun de Terminale, lors de l’étude de la Seconde Guerre mondiale, un chapitre est consacré à l'enseignement de l’histoire de la Shoah, avec Auschwitz-Birkenau comme point de départ. Cela représente un faible volume horaire.

Par ailleurs, dans le programme d’histoire-géographie des classes de Terminales Sciences politiques - géopolitique, dans le thème “Histoire et mémoire”, il y a une étude beaucoup plus approfondie de la Shoah et des mémoires de la Shoah. On travaille notamment sur le témoignage et le travail des historiens.
Nous travaillons aussi autour du cinéma et de son apport au champ mémoriel.

 

Le Crif - Cela est-il suffisant selon vous ?

Denis Ferrand - Le temps consacré à l'enseignement de l’histoire de la Shoah du tronc commun de Terminale est à mon sens trop faible.
Mais je pense qu’il faut avant tout s’interroger sur la manière d’enseigner l’histoire de la Shoah afin que les élèves en gardent vraiment quelque chose de significatif.
Ce sujet mérite qu'on y consacre du temps et une réflexion permanente sur les angles d'approche.

 

Le Crif - Vous accompagnez cet enseignement d’un véritable engagement pour le travail de mémoire. Parlez-nous des différentes initiatives mises en place dans votre lycée.

Denis Ferrand - Tout d’abord, chaque 27 janvier, depuis plusieurs années, je présente une exposition au CDI du lycée. Cette exposition s’est montée à la suite d’un voyage scolaire à Auschwitz-Birkenau en 2010. Chaque élève avait choisi une photo qui l’avait particulièrement marquée et avait écrit un court texte pour l’illustrer.
Cette exposition est ré-installée tous les ans au lycée et permet aux élèves de vivre en images le parcours de visite du ghetto de Cracovie, de la Synagogue de Cravovie, puis du camp d’Auschwitz-Birkenau.
Au fur et à mesure des années, mes collègues se sont appropriés l’exposition et y emmènent maintenant leurs classes chaque année.

Dans ma classe de Terminale - option cinéma, je travaille aussi beaucoup sous l’angle du cinéma. J’aime notamment m’appuyer sur "La Liste de Schindler" et "Le Fils de Saul".

Par ailleurs, lors de visites scolaires à Paris, un moment est toujours consacré à la visite du Mémorial de la Shoah. Il peut s’agir de la visite du musée ou d’ateliers proposés par le service pédagogique du Mémorial de la Shoah. Dans la mesure du possible, j’essaie aussi de proposer des rencontres-témoignages aux élèves.

En 2020, à l’occasion du 75ème anniversaire de la Libération d’Auschwitz-Birkenau, j’ai organisé une séance de streaming avec l’Union des Déportés d'Auschwitz (UDA), au cinéma Max Linder de Ribérac. Beaucoup de classes du lycée avaient ainsi pu écouter les témoignages de survivants des camps.

 

Le Crif - Hier, vous avez accompagné une classe de Terminale - option cinéma, au Mémorial de la Shoah de Paris, à l’occasion d’un voyage scolaire. Les élèves ont participé à l’atelier pédagogique “La fabrique du complot”. Comment s’est déroulée l'après-midi ?

Denis Ferrand - Comme je le disais, la visite du Mémorial de la Shoah est toujours au programme des voyages scolaires à Paris.
Cette année, j’aurais beaucoup aimé faire travailler les élèves autour de l’exposition “Homosexuels et lesbiennes dans l'Europe nazie”, proposée au Mémorial. La thématique des préjugés et de l’exclusion me semble être particulièrement adaptée pour des lycéens.
L’équipe pédagogique du Mémorial nous a davantage orientés vers un atelier autour des théories du complot qui s’est avéré passionnant.

Après une mise en contexte très vivante, les élèves ont découvert certaines salles du Mémorial, toujours sous l’angle du danger des théories du complot.
Les élèves ont beaucoup participé et je crois que nous avons tous appris de cette après-midi !

Dans le contexte des élections présidentielles et des positions absolument détestables de certains candidats, il me semblait essentiel d’insister sur l’importance de l’esprit critique.
Il me semble que cet atelier a permis aux élèves de comprendre que croire n’importe quoi pouvait mener au pire, comme l’histoire nous l’a malheureusement montré.