Jean Pierre Allali

Membre du Bureau Exécutif du CRIF, Jean-Pierre Allali préside la Commission des Relations avec les Syndicats, les ONG et le Monde Associatif.

Lectures de Jean-Pierre Allali - Zemmour et nous, par Jonathan Hayoun et Judith Cohen-Solal

17 Avril 2023 | 175 vue(s)
Catégorie(s) :
Opinion

Le 23 juin dernier, l’Union des étudiants juifs de France a célébré son 70e anniversaire à l’Hôtel de Ville de Paris. Magie des réseaux sociaux, j’ai vécu à distance cette soirée avec enthousiasme et frustration. L’occasion pour moi de replonger dans mes années Uejf.

Comme chaque été, de nombreux juifs ont décidé de quitter la France pour s’installer en Israël. On parle de 8000 à 10 000 pour l’ensemble de l’année 2015. J’ai moi-même fait ce choix en 2013  et pourtant j’ai, plus que jamais, envie de parler de ceux qui restent. 

Dov Maimon rejoint les auteurs du Blog du Crif !

Ce dernier détaille ici les multiples racines de l’antisémitisme, qui a explosé en France à partir de l’année 2000 et la première « intifada ». Et qui s’est fortement aggravé tout au long de l’année dernière. Marc Knobel évoque notamment l’origine idéologique – soulignée et étudiée par le philosophe et chercheur Pierre-André Tagguief – d’un antisémitisme qui découle d’un antisionisme extrême, lui-même alimenté depuis longtemps par les tenants de l’islamisme radical. Extrême gauche et extrême droite française en passant par « Dieudonné and Co » sont aussi, historiquement et actuellement, parmi les premiers diffuseurs de la haine antisémite en France. Description et analyse en huit points.

Partout en France, des crayons, des stylos et des feutres ont été brandis, les seules armes du courage et de la liberté contre d'autres armes qui tuent, qui souillent, qui meurtrissent à tout jamais.

Pages

Zemmour et nous, par Jonathan Hayoun et Judith Cohen-Solal (*)

 

Bien qu’Éric Zemmour ait, peu à peu, quasiment disparu du paysage politique après son score plus que modeste à la dernière élection présidentielle, le phénomène sociétal qu’il représente n’a pas fini de nous apostropher. Comment peut-on se revendiquer du judaïsme et promouvoir les idées nauséabondes de la droite la plus extrême ? C’est là la question.

Les auteurs, qui racontent avoir croisé Zemmour pour la première fois, alors qu’il priait à la synagogue de la rue des Tournelles dans le quartier du Marais, à Paris, tentent de répondre à cette interrogation. Se considérant comme issu de la tribu berbère des Azemmour, le polémiste se décrit comme un Juif d’Algérie ayant grandi dans la banlieue parisienne. Il a été scolarisé dans des écoles juives, Lucien de Hirsch puis Yabné. Et sa mère, qui était née Lucette Lévy, prônait fermement le principe : « Juif à la maison » ! Cela ne l’empêche pas d’admirer Charles Maurras et Maurice Barrès, de minimiser la diatribe de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz, « point de détail de la Seconde Guerre mondiale », de défendre l’idée saugrenue et contredite par les travaux d’historiens réputés, selon laquelle, Pétain aurait fait tout son possible pour sauver des Juifs ou encore que l’innocence du capitaine Dreyfus reste à démontrer. Et s’il n’a pas beaucoup de sympathie pour l’islam, il n’aime pas non plus les institutions juives. « Le Crif tua Napoléon » écrit-il dans Un suicide français. Président du Crif, Francis Kalifat lui a rendu la monnaie de sa pièce à l’approche des élections : « Pas une voix juive pour Zemmour ».

Poor notre édification, les auteurs sont allés chercher, à travers l’Histoire, des exemples de phénomènes similaires. Voici, par exemple, Otto Weininger, psychologue viennois né en 1880 pour qui : « la judéité est la forme lubrique de la femme qui a rabaissé Dieu le père du rang de l’esprit à celui de la matière inerte ». Voici encore Ferdinand Lassalle, fondateur à Berlin du premier parti socialiste européen qui construisit sa carrière politique en rejetant sa judéité. Ou encore, au Moyen Âge, Nicolas Donin, Juif parisien converti au christianisme, qui, en 1242, alertera le pape sur les dangers que représente le Talmud. Sans oublier Arthur Meyer, petit-fils de rabbin, qui prit la direction du journal antidreyfusard, Le Gaulois, Edmond Bloch qui, à la Libération, témoignera en faveur de Xavier Vallat et le poète André Suarès qui écrivait, en 1923 : « Laissez donc ma naissance dans l’obscurité où elle a été tenue ».

Éric Zemmour a donc de qui tenir, même s’il n’a pas franchi le cap de la conversion. Recherchant les racines de cette façon d’être, nos auteurs se demandent : « La radicalisation d’Éric Zemmour a-t-elle un lien avec le départ des Juifs d’Algérie ? ». C’est probable.

Au final, Zemmour est un personnage étonnant, inquiétant et déroutant : « Il entend donc lui-même qu’on peut être juif et bon patriote français tout en ayant un lien particulier avec Israël… »

Une étude très fouillée et très intéressante.

 

Jean-Pierre Allali

 

(*) Éditions Bouquins, Février 2022, 180 pages, 18 €

 

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