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Publié le 2 Décembre 2025

L'entretien du Crif – Jean-François Copé : « il faut répliquer politiquement aux nationaux-populismes »

L’ancien Ministre Jean-François Copé, Maire LR de Meaux qui a été président de l’UMP, revient sur le devant de la scène pour jouer un rôle dans le débat public en perspective de la prochaine élection présidentielle. Présent à la dernière Convention nationale du Crif, il répond aux questions de Jean-Philippe Moinet sur l’avenir de la droite républicaine, la manière de faire face aux nationaux-populismes, la lutte contre l’antisémitisme et toutes formes de racisme.

Le Crif : Lors de la table ronde de la Convention nationale du Crif « La Constitution, rempart contre le populisme ? », vous avez insisté sur le renforcement d’une réplique d’abord politique aux nationaux-populismes des deux extrêmes, La France insoumise (LFI) et le Rassemblement National (RN) avez-vous précisé, cette réplique passant selon vous par le rétablissement du clivage gauche-droite. Dans un paysage de tri-polarité, issu notamment des dernières élections législatives, comment pensez-vous favoriser un schéma politiquement binaire ?

Jean-François Copé : La tripolarisation actuelle est le produit d’un dysfonctionnement politique que nous avons laissé s’installer depuis 2017. Le « en même temps » macroniste a contredit un principe fondamental que tout étudiant en droit constitutionnel connaît : la Ve République repose sur le clivage gauche-droite. En voulant dépasser ce clivage, le « en même temps » a surtout nourri la défiance politique et accentué la radicalisation des idées, ouvrant ainsi un boulevard aux forces populistes et extrémistes.
Revenir au clivage gauche-droite suppose d’abord la reconstruction de véritables partis de gouvernement. Cela implique ensuite une clarification sans ambiguïté des alliances. Il n’y aura pas de retour à un schéma binaire tant que certains accepteront des compromissions avec les extrêmes. C’est une ligne rouge infranchissable. Le Parti socialiste a d’ailleurs montré, en se compromettant avec Jean-Luc Mélenchon, le prix politique et moral de cette dérive.

 

« La droite de gouvernement et l’extrême droite ne partagent ni la même histoire, ni la même culture politique »

 

Le Crif : Vous qui avez été président de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) (qui regroupait la droite républicaine et le centre), vous êtes de ceux à Les Républicains (LR) qui veulent maintenir une ligne d’intransigeance face au parti lepéniste, dont on voit la progression aux élections et dans l’opinion depuis plusieurs années. Pour quelle raison fondamentale, la ligne gaulliste et chiraquienne de refus de toute alliance avec l’ex-Front National (FN) devenu RN doit-elle continuer à s’appliquer sans faiblesse ?

Jean-François Copé : La droite que je défends depuis toujours est une droite décomplexée, au sens noble du terme : une droite qui assume d’être de droite, qui ose nommer les problèmes mais qui, parce qu’elle est totalement étanche à l’extrême droite, est capable d’apporter des solutions concrètes, réalistes et responsables. Être un parti de gouvernement, c’est pouvoir parler de tous les sujets sans démagogie et sans slogans simplistes. C’est précisément ce que les extrêmes, à gauche comme à droite, sont incapables de faire.
C’est pour cela que je refuse catégoriquement ce que certains appellent aujourd’hui « l’union des droites ». Cette tentation repose sur un immense malentendu : faire croire que partager un constat sur l’insécurité ou l’immigration suffirait à effacer tous les autres désaccords fondamentaux. Il existe d’abord une incompatibilité économique majeure. Le RN est économiquement socialiste. Il l’a démontré par ses votes : contre la réforme des retraites, pour le rétablissement de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF), pour des hausses massives de fiscalité sur les entreprises, pour des taxes qui sapent l’attractivité de notre pays. Il existe ensuite une incompatibilité historique.
La droite de gouvernement et l’extrême droite ne partagent ni la même histoire, ni la même culture politique. Les dirigeants du RN s’inscrivent dans la continuité d’un courant qui, de Maurras à Drumont, de Bainville à Barrès, a toujours exécré la droite de gouvernement. Aujourd’hui, les uns sont nationalistes, anti-européens, étatistes et fiscalistes tandis que les autres sont patriotes, européens, libéraux et attachés à la responsabilité budgétaire. Ce sont deux conceptions incompatibles de la France.

 

« Pour reprendre la formule de Churchill, la primaire est peut-être le pire des systèmes à l’exception de tous les autres »

 

Le Crif : En perspective de la présidentielle de 2027, vous estimez qu’il est impératif d’éviter tout éparpillement des candidatures et vous préconisez l’organisation de primaires ouvertes de la droite et du centre pour désigner le ou la meilleur(e) candidat(e) du « socle commun » (LR et bloc central). Comment doivent s’organiser en 2026 ces primaires, sachant qu’il y a au moins une demi-douzaine de candidats potentiels à convaincre, à commencer par Édouard Philippe, le premier – et seul pour le moment – à s’être déclaré candidat à la présidentielle ?

Jean-François Copé : Si la droite part divisée en 2027, elle est sûre de perdre et surtout de laisser s’installer un duel entre La France insoumise et le Rassemblement National. La dispersion, dans le contexte actuel, est une faute politique majeure. C’est la raison pour laquelle il est impératif de converger vers un candidat unique. Or, aujourd’hui, aucun candidat naturel ne s’impose de lui-même. Il y a plusieurs candidatures potentielles et il faudra bien les départager. Pour reprendre la formule de Churchill, la primaire est peut-être le pire des systèmes à l’exception de tous les autres. C’est aujourd’hui le seul procédé pour trancher entre les prétendants.
Cette démarche suppose évidemment une alliance avec le centre. Il faut rassembler la droite républicaine, les macronistes de droite, Édouard Philippe, et tous ceux qui partagent une vision commune fondée sur l’ordre et le progrès. En revanche, cette primaire sera strictement réservée à la droite de gouvernement : l’extrême droite en est totalement exclue. L’Union des droites républicaines (UDR), Reconquête et le RN n’y auront pas leur place.
La primaire devra donc s’organiser en 2026 pour que le vainqueur ait le temps de rassembler et de construire un projet. Elles supposent surtout un engagement de tous les candidats : le vainqueur sera soutenu et les autres se rassembleront derrière lui. Sans cette discipline, on retomberait dans les mêmes travers. C’est à cette condition seulement que nous pourrons présenter aux Français une alternative crédible en 2027.

 

« Lutter contre l’antisémitisme, le racisme et toutes les haines commence par le combat contre l’intolérance, les amalgames et les instrumentalisations »

 

Le Crif : Lors de la Convention nationale du Crif, vous avez aussi affirmé la nécessité de renforcer la défense des principes républicains fragilisés, de lutter activement contre l’antisémitisme et toutes formes de racisme. Évoquant votre expérience locale à Meaux, vous avez souligné l’importance d’établir des relations continues avec les représentants de la communauté musulmane, relations de dialogue et d’exigence précisiez-vous. Alors que certains aux extrêmes versent dans l’amalgame entre islam et islamisme, pourquoi le renforcement du dialogue avec les représentants musulmans a une telle importance, selon vous ?

Jean-François Copé : Parce que si on ne parle pas avec les responsables musulmans, on laisse le terrain aux extrémistes et aux amalgames. Depuis de nombreuses années, je mène à Meaux un travail régulier avec les représentants de l’ensemble des cultes, juif, catholique, protestant et musulman, réunis dans le cadre du dialogue inter-religieux. Pourquoi ce dialogue est-il si important ? Parce que lutter contre l’antisémitisme, le racisme et toutes les haines commence par le combat contre l’intolérance, les amalgames et les instrumentalisations.

À Meaux, nous faisons se rencontrer les catholiques, les musulmans, les juifs et les protestants pour parler ensemble de la lutte contre l’ignorance, du respect mutuel et aussi encourager une meilleure compréhension entre les religions, en mettant en lumière à la fois leurs spécificités et leurs points communs. Je crois profondément que la laïcité ce n’est pas la négation des religions mais la garantie que chacun puisse exercer sa foi librement à condition de respecter les lois de la République et les autres religions.

 

Propos recueillis par Jean-Philippe Moinet

 

- Les opinions exprimées dans les entretiens n’engagent que leurs auteurs -