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Crédits photos : ©LeahMarciano
Lundi 17 juin 2025, les Amis du Crif ont reçu trois invités d’exception pour le nouveau format : Les Rencontres du Crif. Mahyar Monshipour, boxeur franco-iranien a ouvert cette rencontre en livrant son témoignage face à l'assemblée. Jean-Philippe Lustyk animait cette première rencontre. Les deux rencontres suivantes étaient animés par le journaliste Benjamin Petrover. Le premier débat a accueilli Philippe Val, journaliste et rédacteur, et ancien directeur de Charlie Hebdo, venu présenter son dernier ouvrage La gauche et l’antisémitisme (Éditions de l’Observatoire, mai 2025). Le dernier échange s’est tenu avec Frédéric Encel, docteur en géopolitique, autour notamment de son ouvrage La guerre mondiale n’aura pas lieu (Éditions Odile Jacob, mars 2025).
Mahyar Monshipour, dont la présence et le courage ont été salués par le président du Crif, est venu témoigner face aux Amis du Crif. Cet entretien était mené par le journaliste Jean-Philippe Lustyk.
Le boxeur franco-iranien a rappelé avec force combien il était essentiel de protéger le peuple iranien qui se tient aux côtés du peuple juif. Mahyar Monshipour a fait part de ses inquiétudes. « Les Iraniens ont la particularité d'être ultra patriotes et nationalistes [...] mais aujourd'hui, ils ont peur ». Il a insisté sur l'importance de libérer le peuple iranien et non pas seulement d'un point de vue militaire car les conséquences pour les Iraniens seraient désastreuses.
Avec beaucoup de courage, le boxeur a rappelé que :
« La haine du Juif va être surmultipliée ; je me fais insulter tous les jours de "sioniste" parce que je ne veux pas que vous disparaissiez de la surface de la terre. »
Il a rappelé qu'en tant que Français, il ne parlait pas au nom des Iraniens mais tenté seulement de traduire et d'alerter nos dirigeants sur ce qu'il se passe en France et ce qu'il pourrait se passer. Il alerte sur une idéologie religieuse qui veut conquérir le monde.
Yonathan Arfi l'a interrogé sur les menaces qui pèsent sur lui depuis ses récentes prises de position, notamment sur le port du voile dans le sport. Il a rappelé avec force combien le corps de la femme était un enjeu de pouvoir, un enjeu politique.

Philippe Val : comprendre les dérives d’une gauche face à l’antisémitisme
Dans son intervention, Philippe Val est revenu sur l’histoire longue et complexe du rapport entre la gauche radicale et l’antisémitisme. En tant qu’ancien patron de Charlie Hebdo, Philippe Val a bien vu l’antisémitisme, « sous le faux nez de l’antisionisme ». Ce phénomène, masqué par l’antisionisme, sous couvert de critique politique, « chauffait à gauche » et dissimulait une hostilité plus profonde. Il a rappelé qu’après la Seconde Guerre mondiale, « l’ordre culturel a régné grâce au Parti communiste », mais que ce dernier, tout comme les « compagnons de route », a largement fermé les yeux sur le retour de l’antisémitisme d’État en URSS. Ce silence, estime-t-il, n’était pas anodin : il révèle une compatibilité idéologique inquiétante. « Ils se sont tus », a-t-il affirmé, « cela veut dire qu’ils étaient compatibles. Et c’est pire que tout ».
Philippe Val a insisté sur la responsabilité accrue des intellectuels après la Shoah : « L’antisémitisme avant la Seconde Guerre mondiale est immonde et odieux. Mais après 1945, tout intellectuel sait où l’antisémitisme a conduit. C’est donc pire d’être antisémite après la guerre qu’avant, parce qu’on sait ».
Interrogé sur les réactions postérieures au 7 octobre 2023, il a exprimé son étonnement face à l’absence d’un mouvement de solidarité massif. « On voit très vite apparaître, dans des journaux très importants, que pour une certaine gauche, Israël est le mal », a-t-il observé. Il dénonce une forme de « jubilation » qui a accompagné la levée de nombreux tabous.
Dans une réflexion plus large sur la civilisation européenne, Philippe Val a rappelé que cette dernière est fondée sur la reconnaissance de l’autre, comme l’enseigne Emmanuel Levinas. « L’Europe est une histoire juive. Ceux qui détestent l’Europe détestent les Juifs. » Et de conclure : « On ne peut pas ne pas être Juif quand on est européen ; on l’est forcément un peu. »
Sa note finale, empreinte d’espoir, a résonné comme un appel : « Si on devient patriote de cet esprit européen, patriote passionné, je crois qu’on s’en sortira. »

Le second débat de la soirée a permis d’éclairer les enjeux stratégiques liés à la guerre entre Israël et le Hamas depuis le 7-Octobre. Pour Frédéric Encel, il est essentiel de ne pas se laisser happer par l’immédiateté et de replacer les événements dans le temps long. « Ce qui est en train de se produire aujourd’hui est la résultante d’un facteur immédiat – le 7-Octobre – et d’un facteur beaucoup plus long et plus large », a-t-il analysé.
Il considère que l’attaque du Hamas, en raison de sa nature barbare et de sa « dimension pogromiste », a constitué un tournant. Le soutien massif accordé à Israël par les États-Unis n’aurait jamais été envisageable si le Hamas s’était « contenté d’une attaque militaire soldats contre soldats ». Ce changement de paradigme a conduit Israël à engager une riposte dont la finalité est claire : « Face à un pogrom, donc à une politique exterminatrice, il fallait faire en sorte de montrer à tous les ennemis ce qu’il en coûterait de recommencer ».
Évoquant le cas iranien, Frédéric Encel a tenu à nuancer les discours alarmistes. À ses yeux, il n’y aura pas de guerre mondiale, ni même de conflit régional élargi, en raison de l’absence d’alliés militaires véritables pour l’Iran : « Dans la région, personne ne va venir soutenir l’Iran ».
Il a également exprimé sa prudence vis-à-vis des discours prophétiques promettant un changement rapide de régime à Téhéran. « Je me méfie comme de la peste de la pensée magique », a-t-il déclaré. Pour lui, « changer un régime fait appel à un nombre de variables beaucoup plus compliqué et important, et engage une population qui n’est pas la vôtre ».
Enfin, Frédéric Encel a terminé sur une note positive et rassurante concernant l’avenir stratégique d’Israël. Il a distingué menace tactique et menace stratégique, rappelant que cette dernière n’existe pas aujourd’hui :
« Même le 7 octobre, qui a été une blessure extrêmement profonde, ne menaçait pas l’existence d’Israël. En revanche, la bombe iranienne l’aurait été. Mais au moment où je vous parle, il n’y a pas de menace stratégique qui pèse sur Israël. »

À l’issue de cette rencontre, Philippe Val et Frédéric Encel ont dédicacé leurs ouvrages, poursuivant les échanges avec le public.
Avec ces deux rencontres, les Amis du Crif inaugurent une nouvelle formule riche en débats d’idées, en lucidité et en engagement. Une série de rendez-vous placés sous le signe de l’analyse et de la parole libre.