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Crédits photos : ©Alain Azria
Comme chaque année, à l’occasion d’une cérémonie organisée conjointement par le ministère des Armées et le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), un hommage a été rendu aux 13 152 personnes – hommes, femmes et enfants – arrêtées au cours de la rafle du Vél d’Hiv, les 16 et 17 juillet 1942. Cette année marquait le 83e anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv.
La cérémonie s’est ouverte par des dépôts de gerbes devant le Jardin mémorial des enfants du Vél d’Hiv. Une première gerbe a été déposée par Laurence Patrice, adjointe à la mairie de Paris en charge de la mémoire et du monde combattant et Philippe Goujon, maire du 15e arrondissement de Paris. Une deuxième gerbe a été déposée par Patricia Mirallès, ministre chargée de la Mémoire et des anciens combattants avant que ne retentisse la sonnerie aux Morts.
Étaient également présents Patrick Bloche, premier adjoint à la mairie de Paris, représentant la maire de Paris, Anne Hidalgo, Osnat Menache, directrice du département de la diplomatie publique, représentant Joshua Zarka, Ambassadeur d’Israël en France, Yonathan Arfi, président du Crif, Haïm Korsia, Grand Rabbin de France, Serge Klarsfeld, président de l’association des Fils et Filles des déportés juifs de France, Pierre-François Veil, président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, Elie Korchia, président du Consistoire de France, Joël Mergui, président du Consistoire de Paris, Patrick Klugman, président du Comité français pour Yad Vashem et Éric de Rothschild, président du Mémorial de la Shoah.
Tous se sont ensuite rendus dans le Jardin mémorial des enfants du Vél d’Hiv, situé au 5 rue Nélaton où ils ont pu se recueillir. Serge Klarsfeld, président de l’association des Fils et Filles des déportés juifs de France a présenté le Jardin mémorial, la statue et le mur où sont gravés les noms des enfants victimes de la rafle du Vél d’Hiv.
Étaient également présents, Jérémy Redler, conseiller régional d’Île-de-France, représentant Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, Hélène Croze, adjointe au préfet, secrétaire générale aux politiques publiques, représentant le préfet de Paris et le préfet de la région Île-de-France.
Pierre-François Veil, président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, a ensuite ouvert la cérémonie, rappelant l’importance de la portée politique du discours du président Jacques Chirac le 16 juillet 1995, « un de ces discours qui marque la vie d’une Nation ». « La mémoire de la Shoah doit être défendue pour ce qu’elle est, pour le respect dû aux millions de morts innocents, victimes de la barbarie nazie. Longtemps elle a aussi été perçue par certains comme un antidote contre le retour de l’antisémitisme mais ce que nous voyons se produire maintenant depuis plusieurs années a fini par vider de sa substance le "plus jamais ça". Autrefois si sincèrement proclamé. »
Serge Klarsfeld, président de l’association des Fils et Filles des déportés juifs de France a ensuite pris la parole, rappelant le rôle du régime de Vichy dans la collaboration. Il a également salué la décision récente du président de la République, Emmanuel Macron, de reconnaître une journée de commémoration nationale pour Alfred Dreyfus, pour la victoire de la justice et de la vérité contre la haine et l’antisémitisme.
Arlette Testyler, survivante de la rafle du Vél d’Hiv et présidente de l’Union des Déportés d’Auschwitz a ensuite livré un témoignage très fort, empli d’émotions. « J’ai eu l’insigne honneur d’intervenir plusieurs fois à l’occasion de cette cérémonie nationale et j’en mesure toute l’importance […] il m’était impossible de redire ce même récit, restituer le même témoignage. » « Nous venons de commémorer le 80e anniversaire de la libération d’Auschwitz, là où treize millions d’hommes, de femmes, 4 000 enfants […] ont été parqués depuis le 16 juillet 1942, sans nourriture, sans eau, sans soins, sans sanitaire… Je n’y avais vu uniquement du sang sanguinolant, des preuves pour une petite fille qui avait bientôt neuf ans et qui ne connaissait rien d’autres, que peut être mourir. » « Plus tard, tous mes amis ont été assassinés en Pologne. » Avec beaucoup d’émotion, elle s’est adressée à sa mère, « maman, nous venons de passer une année où le mot génocide est manipulé sans conscience. Maman, les enfants des rescapés, les descendants des victimes se cachent craignant la pire des violences. Maman, pour les enfants des rescapés, les descendants, ils ont peur. Maman, les Juifs dans leur ensemble sont la cible d’un opprobre, aux quatre coins de la planète, dans un monde qui suinte la peur. Où nous craignons haine, violence, pour nos enfants, pour l’avenir de nos petits-enfants. »

Le chant des Marais a ensuite résonné.
Patrick Klugman, président du Comité français pour Yad Vashem a ensuite pris la parole, rappelant combien « depuis qu’on a assassiné 1 250 Juifs en Israël le 7 octobre 2023, on n’a jamais autant attaqué les communautés juives à travers le monde. Un drame n’est jamais une statistique, pourtant un constat s’impose. 80 ans après la Seconde Guerre mondiale, la communauté juive qui représente moins de 0,5 % de la population française subit plus de 50 % des attaques racistes recensés dans notre pays ».
Selon lui compte tenu du fait que nombre d’attaques antisémites dans notre pays ou d’appels ou de provocations à la haine et à la discrimination sont commis sous le prétexte de la dénonciation d’une prétendue complicité de génocide sur la situation incontestablement tragique à Gaza, il a demandé de suivre la recommandation figurant dans le rapport final des Assises de lutte contre l’antisémitisme remis à Aurore Bergé, ministre de l’Égalité entre les Femmes et les Hommes et de la Lutte contre les discriminations. En effet, il convient d’aller dans le sens de la proposition de loi déposée par la députée Caroline Yadan et de veiller, au titre de la préservation de la mémoire de la Shoah, à ne pas dénaturer l’accusation de génocide contre ses victimes juives.
Claude Lauverjon, descendant d’Albert et Rachel Lauverjon, Justes parmi les Nations a ensuite témoigné de l’histoire de ses grands-parents. Ils ont sauvé un enfant et sa famille durant les années noires de la Seconde Guerre mondiale. Albert et Rachel sont ces « héros du quotidien », ces « anonymes » qui ont eu le courage de désobéir et ont pris des risques pour sauver des vies.
Yonathan Arfi, président du Crif a ensuite pris la parole. Il a rappelé combien « le courage des résistants contre la lâcheté des collaborateurs rappelle pour toujours un principe au cœur de l’esprit républicain, de la tradition juive, comme du plus élémentaire idéal d’humanité : le libre arbitre ».
« 80 ans après la Shoah, 80 ans après la fin de la guerre, notre responsabilité est aussi de penser à ceux qui ont quinze ans aujourd’hui.
Quinze ans, c’est l’âge de l’insouciance. Celui des promesses d’avenir et des horizons paisibles. Mais pour beaucoup de jeunes Français juifs, quinze ans, c’est aujourd’hui l’âge des craintes face à la stigmatisation antisémite, quand 16 % des élèves de onze à dix-huit ans en France assument refuser d’être amis avec un camarade parce qu’il est juif.
Avoir quinze ans, après le 7-Octobre, c’est aussi devoir faire face à la vague de haine sur les réseaux sociaux où les Juifs sont massivement affublés du qualificatif mensonger et infamant de « génocidaires » et assignés à répondre d’un conflit qui se déroule à 3 000 km. »
Le président du Crif a souligné que « le combat pour la transmission doit être au cœur de nos préoccupations ». Il a conclu son discours avec ces mots : « Aujourd’hui, en signe d’espérance, je forme le vœu que dans trente ans les générations à venir se retrouvent ici dans une France en paix avec elle-même, où la haine aura enfin laissé place à la concorde ».

La ministre chargée de la Mémoire et des anciens combattants, Patricia Mirallès a pris la parole. « Ce crime fut pensé par l’occupant nazi mais avec le zèle des autorités françaises. Car la rafle du Vél d’Hiv fut une opération française, ordonnée par l’État de Vichy et menée par des policiers et des gendarmes français, des hommes qui portaient un uniforme français mais qui malheureusement ne servaient plus la République. Ils ont commis un crime irréparable, précédés par les lois antijuives [..] du régime de Vichy. Un manquement aux valeurs de la France. Ce n’est que bien plus tard que cette vérité fut dite, il y a tout juste trente ans, le 16 juillet 1995, ici même. Le président Jacques Chirac a eu le courage de prononcé un discours qui restera dans l’histoire. »

Le Grand Rabbin Olivier Kaufmann a ensuite récité les prières « au nom du grand rabbinat de France et au nom du Consistoire central israélite de France ».
Des gerbes ont ensuite été déposées par :

La Sonnerie aux Morts a retenti, suivie d’une minute de silencen puis de la Marseillaise en conclusion de cette cérémonie.
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