Etudes du CRIF
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Publié le 3 Septembre 2020

Crif - Étude du Crif n°59 : Les débuts du secondaire juif en France. La fondation de l’École Maïmonide (1935-1939)

Ce nouveau numéro aborde un sujet très original et relativement peu traité, celui de l’enseignement juif en France. L’auteur, Joseph Voignac, historien et journaliste qui prépare un livre sur l’histoire de l’École Maïmonide, dont il a lui-même été élève, nous fait découvrir comment, en 1935, est né le premier lycée juif de France.

Les débuts du secondaire juif en France : La fondation de l’École Maïmonide (1935-1939)

Par Joseph Voignac

 

Le nouveau numéro des Études du Crif que dirige, avec brio et discernement, le dynamique Marc Knobel, témoigne de la grande diversité des sujets abordés par cette revue de référence au cours des années. Si l’antisémitisme, la Shoah et les questions relatives à Israël demeurent des sujets privilégiés et récurrents, d’autres thèmes n’ont pas manqué d’être abordés : L’école avec Iannis Roder (N°12), les relations entre Juifs et Noirs par Gaston Kelman ( N°16), la citoyenneté et l’identité nationale (Jean-Philippe Moinet, N°17 et N°43), les drames du Soudan et du Darfour (Richard Rossin, N°21), la discrimination positive (Éric Keslassy et Yonathan Arfi, N°24), la circoncision (Georges-Elia Sarfati, N°27), les intellectuels juifs (Sandrine Szwarc N°31, N°41 et N°55) ou encore les peintres juifs de Paris (Anne Le Diberder, N°47). Les communautés juives du monde n’ont pas été oubliées avec les Juifs de Belgique (Joël Kotek, N°4), les Juifs du Maroc (Salomon Malka et Victor Malka (N°46) et ceux de Grèce (Anastasio Karababas, N°51). Sans oublier les Juifs des terres d’Oc ( Michaël Iancu, N°57).

Ce nouveau numéro aborde un sujet très original et relativement peu traité, celui de l’enseignement juif en France. L’auteur, Joseph Voignac, historien et journaliste qui prépare un livre sur l’histoire de l’École Maïmonide, dont il a lui-même été élève, nous fait découvrir comment, en 1935, est né le premier lycée juif de France. Une création  qui, à l’époque, « révèle un changement identitaire fondamental au sein de la communauté juive française organisée ». Car, en effet, dès le lendemain de la Révolution, les établissements scolaires juifs, notamment à Bordeaux en 1817,  s’étaient donné comme mission essentielle de favoriser l’intégration de jeunes enfants juifs, souvent défavorisés et parlant mal la langue française, au sein de la République. C’est la fameuse phrase du comte de Clermont-Tonnerre qui a valeur à l’époque de philosophie générale : « Refuser tout aux Juifs comme nation et accorder tout aux Juifs comme individus ». Michel Berr, membre du Comité Consistorial à l’origine de la première école juive élémentaire de Paris, s’opposera même, en 1820, à la création d’une école secondaire juive. En 1935, on se dirige vers une nouvelle option : il s’agit de freiner une assimilation qui devient menaçante pour la transmission du judaïsme en France. Dès lors, aux côtés du même enseignement général proposé dans les lycées non-confessionnels, va s’adjoindre un enseignement des valeurs juives et de la langue hébraïque. Par ailleurs, dès les premières années de ce lycée juif qui s’installera dans le paysage national, la question du sionisme et d’un État juif en gestation se posera rapidement.

C’est d’une certaine manière l’affaire Dreyfus qui donnera le coup d’envoi de ce qu’on appellera le « réveil juif français », avec tout à la fois une insertion plus affirmée dans la communauté nationale -le nombre de Juifs qui se sacrifieront pour la patrie lors de la Première Guerre mondiale en témoigne- et une redécouverte de l’originalité du judaïsme chantée notamment par André Spire et Edmond Fleg. Petit à petit, les Juifs de France vont rompre avec l’assimilationnisme forcené de leurs aînés.

C’est dans cet esprit, d’ailleurs, que naîtra, en 1923, sous l’impulsion de Robert Gamzon, le mouvement scout des Éclaireurs Israélites de France dans lequel s’incarneront parfaitement tous les paramètres du « réveil juif ».

Le premier directeur de l’École Maïmonide sera le linguiste Marcus Cohn, fils de l’astronome Bernard Cohn, né à Strasbourg au sein d’une famille d’origine allemande. L’École, qui ouvre officiellement le 23 octobre 1935, sera localisée au 60 de la rue Claude-Bernard dans le 5ème arrondissement de Paris  avant de rejoindre le 11 de la rue des Abondances à Boulogne-Billancourt. Parmi les premiers élèves de « Maïmo », on comptera Ady Steg, futur grand urologue et président du CRIF et Théo Klein, futur grand avocat et, lui-aussi, plus tard, président du Crif.

Comme l’aurait dit Max Nordau, le compagnon de route de Theodor Herzl, l’École Maïmonide cherchera à substituer à l’image de l’Ancien Juif livresque celle du Nouveau Juif alliant culture du corps et de l’esprit. Pour mémoire, c’est Georges Loinger qui sera le responsable de l’enseignement sportif à l’École Maïmonide.

Cette nouvelle orientation du judaïsme n’empêchera en rien le maintien du pacte de fidélité entre les Juifs de France et leur patrie comme en témoignera un événement organisé au sein de l’École Maïmonide, quelques années après sa création : la commémoration du cent-cinquantenaire de la Révolution française.

Bien que contrainte de fermer ses portes, au lendemain de l’entrée en guerre de la France en 1939, l’École, qui mènera une existence clandestine sous l’Occupation, rouvrira officiellement en 1945.

Prisonnier de guerre de 1940 à 1945, Marcus Cohn participera, à son retour de captivité à l’ouverture de deux autres fleurons de l’enseignement secondaire juif en France : le lycée Yabné à Paris et le lycée Aquiba de Strasbourg.

Cette belle étude, dédiée à la mémoire de Nissim Azogui (1953-2020) qui fut conseiller principal d’Éducation puis directeur adjoint de l’École Maïmonide , fourmille de détails aussi intéressants qu’édifiants. Bravo Joseph Voignac, bravo Marc Knobel.

 

Jean-Pierre Allali

(*) N°59 des Études du CRIF. Juin 2020. 44 pages. 10 €.

 

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