Le CRIF en action
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Publié le 9 Décembre 2008

A Drancy, Musulmans et Juifs réunis pour l’Aïd

Invité par l’imam Hassen Chalghoumi, Richard Prasquier, accompagné d’Albert Cohen a pris la parole à la mosquée de Drancy, le 8 décembre à l’occasion de l’Aïd.


Le président du CRIF a devant 1500 fidèles a lancé un appel pour un « dialogue dans l’amitié » Il a estimé que « nous pouvons, nous, dans notre pays, la France, aider à la solution du conflit israélo-palestinien, en donnant l'exemple, en montrant que nous savons nous parler, que nous savons nous écouter, nous savons avancer ensemble dans le chemin du respect, de l'échange d'idées, d'espoirs et d'expériences qui est le chemin de la paix ».
On lira ci-dessous le texte de l’intervention de Richard Prasquier :
« Comme Président du CRIF, le Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, c'est un honneur particulier que de prendre la parole, pour la première fois, à l'Aïd el Kebir., et je remercie chaleureusement l'Imam de Drancy, M. Hassan Chalghoumi de m'avoir donné cette possibilité. Grâce à vous, Monsieur l'Imam, grâce aux hommes qui travaillent avec vous et aux hommes qui se conduisent comme vous, nous retrouvons le sens de la fraternité, la fraternité en actes et non pas seulement en paroles. Votre présence nous fait du bien, votre amitié nous honore. Que ce jour et les suivants soient pour vous et pour votre famille, vos amis et votre communauté tout entière des jours de paix et de bonheur.
L'Aid el Kebir, c'est la fête qui honore notre ancêtre commun,Ibrahim, que nous appelons Abraham, le père de la croyance et de la confiance absolue en un Dieu unique. Mais Abraham, ou Ibrahim, est aussi l'homme de l'accueil, l'homme de l'hospitalité et du partage, l'homme de la convivialité. A nous de l'imiter, à nous de nous préoccuper les uns des autres, et de montrer que nous savons transformer en richesses les différences dans nos coutumes, dans nos croyances et dans nos habitudes. Parce que nous avons été créés pour la vie et pas pour la mort, parce que la vie c'est le partage de nos expériences avec les autres hommes, nous fils d'Abraham, ou d'Ibrahim, nous devons plus souvent nous parler ensemble, nous réjouir ensemble, nous inquiéter ensemble. Dans ce sens, je garde précieusement le souvenir fraternel de la rupture du Ramadan partagée ici même avec vous, il y a quelques semaines.
Ces mots sont importants pour le CRIF c'est pourquoi, autant les actions que nous menons que celles que nous soutenons oeuvrent dans ce sens. Sachez que chaque fois que nous avons appris qu'un musulman en France avait été agressé, frappé ou insulté parce qu'il état musulman, le CRIF est intervenu. Notre commission des relations judéo musulmane est très active. Nous sommes heureux de trouver en M. Mohamed Messaoui, président du CFCM, le Conseil du Culte Musulman de France, un ami véritable, un homme de culture, un homme de foi, un homme de dialogue et de sincérité.
Le CRIF soutient aussi toutes les initiatives, comme l'Amitié judéo-musulmane, le projet Coexist et les groupes de dialogue qui se sont développés sur ces principes. J'ai moi même participé, il y a quelques semaines au colloque de Fez sur le dialogue des cultures: oui, les cultures doivent dialoguer. Et il ne s'agit pas seulement d'un engagement moral, mais bien d'un engagement politique dans toute la noblesse du terme; mieux se connaître, mieux s'apprécier, mieux se respecter pour mieux vivre ensemble.
Le respect des uns envers les autres est une obligation absolue. C'est pourquoi nous devons lutter de façon incessante contre les stéréotypes. Parler d'un homme en l'englobant dans des catégories, toujours négatives, mine chaque jour un peu plus l’humanité. Un homme est comme il est, les hommes ont tous potentiellement les mêmes qualités et les mêmes défauts, il n'y a pas de groupe humain qui soit supérieur aux autres. Lorsque les Juifs pendant la guerre ont été en Europe persécutés, pourchassés, raflés, déportés ou exterminés, il y a toujours eu dans tous les pays, même dans ceux où existait une très forte propagande anti-juive, un très fort antisémitisme, des hommes et des femmes qui ont su prendre des risques considérables pour les aider, et d'autres qui sont restés indifférents. Il n'y a pas de peuple, pas de groupe, qui ait telle ou telle caractéristique. Lorsque nous comprendrons, et que nos enfants comprendront, que utiliser des clichés pour humilier, dévaluer ou haïr le groupe des "autres", est un abaissement terrible de l'esprit, lorsqu'ils sauront détecter et rejeter la propagande imbécile de la haine qui se déverse par exemple sur Internet, dans certaines chaînes de télévision ou de façon officielle dans certains pays que je préfère ne pas citer, il y aura un avenir de paix. l
Le CRIF le sait, comme il sait que l'un de ses objectifs les plus essentiels, la lutte contre l'antisémitisme, doit se faire avant tout dans le cadre d'un apprentissage au niveau scolaire des valeurs du "vivre ensemble" dans la société républicaine, laïque démocratique et ouverte qui est celle de la France et qui est celle que nous aimons. Plus largement, l'Union pour la Méditerranée, qui se met en place, et en faveur de laquelle le Président de la République Française a tellement œuvré, doit être un lieu de partage de mémoires et de projets de paix pour l'avenir.
Dialoguer dans l'amitié, ici en France où se trouvent la plus importante communauté musulmane et la plus importante communauté juive d'Europe, ne signifie pas que nous devrons avoir les mêmes positions sur tous les sujets. Parmi nous et probablement parmi vous, il y a, et c'est bien normal, des différences de sensibilité dans bien des domaines.
C'est à chaque être humain de réfléchir pour lui-même, et ne pas se laisser dicter par la propagande. Je suis à titre personnel très attaché à la vision universelle des Droits de l'Homme dont nous fêtons aujourd'hui le soixantième anniversaire.
Comme l'immense majorité des Juifs de France, mon attachement à Israël est très fort et je suis complètement choqué de la façon dont ce pays est souvent caricaturé comme s'il était le seul responsable des drames du monde. Mais je rêve également d'un avenir de dignité et de prospérité pour le peuple palestinien qui a beaucoup souffert et qui doit avoir un Etat viable. Nous pouvons, nous, dans notre pays, la France, aider à la solution du conflit israélo-palestinien, en donnant l'exemple, en montrant que nous savons nous parler, que nous savons nous écouter, nous savons avancer ensemble dans le chemin du respect, de l'échange d'idées, d'espoirs et d'expériences qui est le chemin de la paix.
La paix dans nos cœurs, la paix dans la cité, la paix dans le monde........ »
Photo Alain Azria DR