On lira ci-dessous l’intervention d’Alain Belhassen, président du CRIF Sud-est :
« Nous voilà réunis à nouveau pour le dîner du CRIF Sud Est.
Cet évènement est par définition paradoxal !
Alors même que nous sommes ici, chez nous, depuis l’antiquité, il serait absurde d’avoir à confirmer notre appartenance à la nation française.
Notre destin a toujours été lié au destin de notre pays, nos combats partagés avec celles et ceux qui ont lutté pour façonner et parfaire nos institutions, nos lois, notre culture vers toujours plus de liberté, de tolérance et de fraternité.
Historiquement, géographiquement, lorsque nous Juifs étions exclus, nous l’étions de sociétés fermées, de sociétés peureuses qui tentaient désespérément de se protéger de leurs propres fantasmes.
Aujourd’hui, il en est de même, le dernier exemple serait celui du Venezuela de Hugo Chavez, ce pays est-il un modèle d’ouverture et de liberté ? En 5 ans, 2/3 de nos coreligionnaires vénézuéliens ont quitté ce pays, poussés par l’intimidation, la violence, les discours haineux de leur président qui rêve d’une alliance avec l’Iran des mollahs !
Quelle constante, quelle caractéristique particulière nous pousse-t-il dans le camp de la liberté ?
Peut être parce que seule une société libre dans un pays libre est capable de donner à chaque individu sa place d’homme libre !
Alors, ce soir, nous avons voulu placer notre soirée sur ce thème du choix, du choix libre de ceux qui ont un jour décidé, en conscience, de choisir notre pays, comme mère patrie.
Cela fera 150 ans que les niçois, consultés par referendum, décident de leur destin, décident leur rattachement à la France.
La force d’attraction de ce pays de liberté, des lumières et du progrès a emporté leur décision.
Et la France a toujours gardé cette attraction, les républicains Espagnols, les exclus des régimes communistes, et des régimes fascistes, ont tous tournés leurs regards vers la France. Ceux de l’affiche rouge et d’autres ont été accueillis mais surtout ont participés à tous les combats pour la liberté.
Plus récemment, nous sommes nombreux, venant du Maghreb, de Salonique, de méditerranée , d’Europe centrale à avoir choisi la France plutôt que l’Amérique, et même qu’Israël. Suivant l’exemple de nos ancêtres, nous en avons fait notre pays, et ce pays nous a fait tel que nous sommes : fiers d’être français juifs.
C’est ce choix déterminé que nous partageons, nous Français, Niçois et Juifs. !
Le dîner de ce soir a pour nous trois buts :
Le premier, bien sûr, remercier et accueillir ceux qui, tout au long de l’année sont à notre écoute avec bienveillance et efficacité, je veux parler des services de l’Etat mais également de la Région, du Département, représentés ici par…(Président de Région, Préfet, Députés, Maires…) de nos villes avec qui nous avons des projets et des combats.
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Je veux parler des relations inter religieuses que nous entretenons et qui se renforcent, qui nous renforcent.
Je dois dire que le soutien de Monseigneur Sankalé en Janvier nous a été précieux et je veux l’en remercier.
Les actions des amitiés Judéo chrétienne, les relations avec nos amis Arméniens et enfin l’action courageuse des amitiés judéo musulmanes et de notre ami, le président Mohamed Fernane, dont je salue la présence parmi nous.
Je ne pourrais pas tous vous citer, vous, qui, dans la tourmente, avez toujours été à nos côtés, en indéfectibles amis. Ce constat est pour nous un immense réconfort.
Mais si nous voulons prétendre à élever la qualité de nos relations, c’est précisément parce que nous connaissons nos devoirs comme nous connaissons nos droits.
Le second, partager un moment de convivialité républicain, car enfin rares sont les occasions de se réunir chez «des amis communs» pour ensemble redire notre attachement aux valeurs qui fondent notre république !
Nous sommes acteurs de notre ville de notre département, de notre région et nous souhaitons avec vous le meilleur pour notre cadre de vie, pour l’éducation, pour le bien être de tous.
Et ce soir, en venant chez nous vous nous obligez autant que nous vous marquons notre considération.
Le troisième, de dire nos préoccupations, de dire combien nous avons une sensibilité exacerbée à l’injustice, à la violence, au racisme, à l’exclusion.
Alors ce soir je voudrais vous dire combien je suis fier de nos deux invités d’honneur.
Claude Lanzmann le créateur, l’éclaireur, l’explorateur de nos identités profondes, multiples, fidèles, celui dont la vie a été consacrée à comprendre et à faire comprendre ! à montrer ! à ouvrir les yeux et les esprits sur le destin de ce peuple à la longévité impressionnante et à la légitimité toujours contestée, notre peuple.
Chacune de ses expériences, je dirais de ses aventures est marquée du double sceau de la France et de SON judaïsme.
Car vous le constatez ce soir le judaïsme est multiple, nous qui cherchons l’universel dans l’acceptation de l’autre, et de sa différence, sommes soumis à l’obligation de l’union.
Le CRIF, conseil représentatif d’une soixantaine d’associations qui vont du laïque au religieux, de la gauche à la droite, en excluant les extrêmes est le creuset de ces différences, de cette richesse.
Nous sommes culturellement conçus pour être solidaires de l’autre même si nous ne fréquentons pas la même synagogue ! et si nous souffrons lorsque l’une de nos institutions traverse des difficultés, car pour citer Emmanuel Levinas, « la relation avec l'avenir, c'est la relation-même avec l'autre »
Pour revenir à Claude Lanzmann, Il a beaucoup donné de son énergie, de sa passion, de sa vie pour servir ce en quoi il croit et en retour nous ne pouvons lui donner que notre immense reconnaissance.
Comme exemple de son talent, nous vous avons remis une de ses œuvres « pourquoi Israël » sans point d’interrogation ! et c’est une œuvre véritable car les années sont passées sur cette œuvre réalisée en 1973 et elle n’a pas pris une ride ! Mais je ne veux pas m’étendre tant je risquerai de ne pas être à la hauteur de cette œuvre dont il nous parlera peut être !
Monsieur le Ministre, Cher Christian Estrosi,
Le CRIF est la voix politique des juifs de France, alors que les consistoires, créés par Napoléon sont en charge des cultes et que le Fonds Social Juif Unifié est l’institution en charge de culture, d’éducation et de solidarité.
Donc un dîner du CRIF est un dîner politique, au sens noble du terme !
Mais cette année je voulais insister non pas sur la dimension politique de notre rencontre mais sur notre histoire, notre engagement républicain, notre amour de la France et de notre région en particulier.
Et nous savons conjuguer l’amour de la France sans les excès du nationalisme étriqué et liberticide de certains ! Car nous avons délibérément choisi de vivre ici et nous connaissons les talents et les richesses de notre pays.
Alors, Cher Christian, ce soir je ne parlerai pas de politique, mais d’engagement.
Le passé nous a largement montré que nos combats sont communs, que nous partageons la même détermination à lutter contre l’exclusion, le racisme, la folie des hommes.
Et parce que vous avez tellement fait par le passé, nous savons que vous pouvez, avec votre conviction, votre courage politique nous aider encore.
Je ne reviendrai pas sur les actions passées qui sont relatées dans la brochure qui vous a été distribuée, je regarderai l’avenir.
Cet avenir fait de promesse, de promesse de paix autour de la méditerranée, de promesse de progrès dans l’éducation et la sécurité de tous.
Mais également de préoccupation.
Monsieur Le ministre de l’Industrie, des opérations de boycott violentes de produits Israéliens sont en préparation par des groupuscules qui, loin de soutenir le peuple Palestinien, instrumentalisent la question Proche Orientale à leur seul profit, comme ils ont pu le faire lors des manifestations de sinistre mémoire du mois de Janvier 2009 dans notre ville de Nice.
Ces opérations sont illegales et l’Etat devra marquer avec fermeté son attachement à la liberté du commerce qui est la marque d’une société libre.
Cette question peut vous paraître dérisoire, ces opérations de boycott de produits Israéliens courants distribués par nos grandes surfaces ne mettront pas en péril l’économie Israélienne, je vous rassure !
Mais quelle image et quelle société cela nous prépare ? Il en va de notre liberté mais aussi et surtout de notre bien être !
Doit-on se priver des médicaments génériques de la société TEVA, des composants électroniques de nos ordinateurs, de la science et des technologies développées par Israël ?
Ce ne sont pas de produits dont je parle mais de culture et de civilisation.
Ma deuxième requête, mais elle est inutile, tant je connais votre engagement, c’est la poursuite et le développement des échanges de haut niveau avec Israël.
Notre pays, et notre région ne doivent pas se priver de la richesse de ces échanges.
Pour les poursuivre il faut le courage politique qui est le votre et pour tout ces combats nous serons à vos cotés. »
Photo (Alain Belhassen) : D.R.