Le CRIF en action
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Publié le 8 Avril 2008

Avril 1943-Avril 2008 : 65 ans après le Soulèvement du Ghetto de Varsovie

(Traduction de l’Allocution faite en yiddish par Stefa SKURNIK, Présidente d’Honneur de l’Union des Sociétés Juives de France, le 6 avril 2008 au Mémorial/CDJC.)


65 ans se sont écoulés depuis l’héroïque Soulèvement du Ghetto de Varsovie.
Tout d’abord, il nous faut rappeler l’intense vie juive en Pologne d’avant-guerre dans les villes, villages et les «shtetlekh», bourgades juives; rappeler Varsovie, imprégnée de la vie juive culturelle et cultuelle ; rappeler la langue parlée : le yiddish… Tout cela, toute cette vie juive, a disparu dans les cendres de la Shoah…
Un autre rappel. Dès le 1er septembre 1939, quand l’armée hitlérienne a, à son tour, envahi la Pologne, des lois anti-juives ont été promulguées. Les occupants nazis ont obligé les Juifs à porter l’infamante étoile jaune ; ils ont ridiculisé des vieillards en coupant leur barbe, les ont battus. Ce n’était que la première marche menant vers l’enfer.
En novembre 1940 l’occupant ordonne la création du Ghetto à Varsovie. Les nazis, aidés par la police polonaise, entassent des dizaines de milliers de Juifs, de Varsovie et des alentours, dans un espace réduit et bientôt isolé du restant de la ville. Le nombre de Juifs ainsi entassés – parfois mille personnes dans un immeuble -, va rapidement atteindre 500.000 personnes, hommes, femmes, enfants, vieillards. Des épidémies comme le typhus et la faim vont décimer quotidiennement les plus démunis. Des rues du Ghetto seront jonchées de cadavres recouverts parfois d’un vieux journal.
Pour autant, le ghetto ne désemplit pas. D’autres populations juives arrêtées dans les villes avoisinantes arrivent sans cesse dans cet espace clos et mortifère.
En janvier 1942, à Wansee, en Allemagne, des dignitaires nazis décident de la « solution finale ». Dans les mois qui vont suivre débuteront les déportations vers les camps d’extermination. De grandes rafles sont organisées à l’intérieur du Ghetto, jusqu’à 10.000 personnes par jour sont destinées à la déportation et les nazis en exigent toujours plus.
Il en est de même des enfants des orphelinats qui, arrêtés, sont dirigés vers l’Umshlagplatz d’où partent les trains pour Auschwitz, Maidanek, Treblinka. Le grand pédagogue, le docteur Janusz Korczak, les accompagne, refusant la vie sauve qui lui est accordée.
Mais la résistance juive commence à se mettre en place. En octobre 1942 prend naissance l’OJC – Organisation Juive de Combat -, qui regroupe toutes les composantes politiques. Un détail, ce sont en majorité des jeunes hommes et de jeunes femmes, issus des mouvements de jeunesse juifs. Des appels sont lancés dans la direction du peuple polonais avec le mot d’ordre « Pour notre liberté et la vôtre ! » mais n’ont que peu d’effet. Arthur Zygelboym, envoyé en émissaire auprès du gouvernement polonais en exil à Londres, se donne la mort en signe de protestation contre l’indifférence du monde face à la destruction des Juifs de Pologne.
1943. Les jeunes combattants du Ghetto choisissent le 19 avril, date symbolique de Erev-Pessah - la sortie de l’esclavage pour le Peuple juif -, comme départ de la révolte armée. Ils sont une poignée - disposant de très peu d’armes, achetées difficilement de l’autre côté du mur - face à la puissance de l’occupant nazi qui possède des tanks, des canons, des avions. Les jeunes combattants pressentent l’issue tragique de leur lutte inégale, mais leur volonté de défendre la dignité du Peuple juif transcende toutes les peurs.
Les combats héroïques vont durer des semaines infligeant des pertes à l’armée nazie qui, prouesse inimaginable, est prise de court. Mais les forces juives s’épuisent, les armes manquent et la poignée de combattants, hommes et femmes, encerclés dans leur bunker de la rue Mila 18, se donnent la mort ; parmi eux le commandant Mordekhai Anielewicz, membre de l’Hashomer Hatzair. Un autre dirigeant de la révolte, Marek Edelman, parvient à se sauver par les égouts. Le 10 mai 1943 sonne la fin du Soulèvement du Ghetto de Varsovie. Du ghetto, incendié par les soldats allemands, il ne reste plus que des ruines.
La révolte du Ghetto de Varsovie devint le symbole de la lutte du Peuple juif pour sa survie et pour son honneur. Dans d’autres ghettos de l’Europe occupée, d’autres soulèvements eurent lieu. Dans celui de Vilno, le poète Hirsh Glik composa, en yiddish, le chant des partisans juifs: « Zog nit keynmol az du gayst dem letztn veg… » - « Ne dis jamais que tu vas ton dernier chemin ».
L’exemple de la lutte des combattants du Ghetto pour la liberté fut présent dans les esprits de ceux qui, après la défaite du nazisme, ont œuvré pour l’indépendance de l’Etat d’Israël.
Le souvenir éternel de l’héroïsme de notre jeunesse reste gravé à jamais.
Gloire éternelle aux combattants du Ghetto de Varsovie !