Le CRIF en action
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Publié le 17 Décembre 2007

Bernard-Henri Lévy à Toulouse : mettre en place des chaînes de solidarité avec les démocrates de l’Islam

Plus de quatre cents personnes sont venus écouter Bernard-Henri Lévy le 3 décembre à Toulouse, à l'occasion de la parution de son ouvrage "Ce grand cadavre à la renverse". Cette manifestation a été organisée par le CRIF à l'initiative de Nouvelles Stratégies en association avec la LICRA, Hébraïca et le Club des Milles.


Le président du CRIF Toulouse-Midi-Pyrenées, Eric Zerbib a d'abord accueilli le public en présentant les trois axes prioritaires de son action : la Mémoire, Israël, la lutte contre l'antisémitisme, sans oublier les actions pour obtenir la libération des trois otages israéliens.
Interviewé par le rédacteur en chef de la Dépêche du Midi, Jean-Christophe Giesbert, Bernard-Henri Lévy a abordé les différents sujets traités dans son dernier livre. Des représentants de l’UEJF lui ont aussi posé quelques questions.
Une première série de questions a porté sur l'engagement politique de Bernard-Henri Lévy. Celui-ci s’est défini avant tout comme un « écrivain, vieil althussérien » qui considère qu’écrire est une pratique et que les mots sont des bombes et des anti-bombes. Le philosophe a décliné ses priorités : le refus de la politique politicienne, la lutte pour les droits de l'homme, le soutien à Israël, la lutte contre l'antisémitisme et le néo-antisémitisme (chapitre central de son livre). Enfin, il a dit refuser l’islamisme radical. Le concept qu'il forge de «fascislamisme» permet, avance-t-il, d'éviter l'amalgame entre islam et islamisme radical. L'origine de ce dernier – contrairement aux analyses actuelles - est à rechercher dans le fascisme allemand, avec sa version arabe, représentée par le grand Mufti de Jérusalem contemporain d’Hitler, les Frères musulmans...
Contre le Hezbollah, le Hamas et le président de l'Iran, il ne s'agit ni de guerre religieuse, ni de libération culturelle, c'est une bataille politique, estime BHL. La guerre de demain aura lieu entre les fascistes islamistes et les démocrates de l'islam avec lesquels, il faut créer des chaînes de solidarité. Il y aura un Etat palestinien, le jour où les leaders palestiniens penseront que l'existence d'Israël est une chance pour la région.
Bernard Henri Lévy a ensuite évoqué la situation en France .Il a expliqué son soutien à Ségolène Royal, « une femme seule sabordée par son parti » qui incarne, avec beaucoup de cran, une gauche moderne.
Il a qualifié Nicolas Sarkozy de « drôle d'animal politique ». Il ne voterait pas pour lui tout en reconnaissant qu'il pose de vraies questions. Toutes les analyses le concernant reposent sur cette ambivalence.
Bernard-Henri Lévy a dit avoir écrit son livre récemment paru, car la droite et la gauche existent toujours mais dans un « inter sens ». Ces deux termes n'ont plus leur signification traditionnelle et n'ont pas encore le sens qu'ils auront plus tard. Le « sarkozisme »qui capte ces moments de flottement est le produit de ce trou d'air. Une nouvelle gauche est à inventer dans ses choix et dans ses alliances. Elle doit mettre fin au fantasme de la « grande famille de gauche » et vider ses placards des cadavres que sont l'antisémitisme, le totalitarisme, le colonialisme. Elle doit enfin rester fidèle aux droits de l'homme et à sa tradition.
Entre autres questions, les représentants de l’UEJF ont demandé à Bernard-Henri Lévy comment conjuguer libéralisme et égalité. Il a expliqué qu'on peut mener de front les deux avec des dosages et selon les circonstances. On peut se battre pour une justice sociale sans faire son deuil d'une idée libérale, fidèle à l'esprit des philosophes du XIX ème, les porte-parole de la Commune n'étant pas des antilibéraux. En citant Tocqueville, Constant, il a précisé que le libéralisme s'autorégule grâce à trois instances du politique, le contrat, la règle et la loi. Il n’a souhaité ni la jungle ni l'alter mondialisme, un idéal est à préserver et à atteindre. Il a fait à ce propos l'éloge de Haïm de Volozin, un disciple du Gaon de Vilna.
Bernard-Henri Lévy s’est dit choqué par les propos« inacceptables » du ministre algérien des Anciens combattants. Le principe du voyage de Nicolas Sarkozy en Algérie lui a semblé« insensé ». C'était un triple affront à la personne du président de la République, à la France, aux Juifs. L'absence de réaction des personnalités a montré, a fait remarquer le philosophe, que l'antisémitisme est banalisé et accepté. Il a mis en garde contre un antisémitisme qui prend des formes nouvelles qui le rendent plus indétectable. Il permet aux acteurs qui commettent des crimes, de croire qu'ils font du bien. Il est légitimé par trois énoncés : le négationnisme, la compétition victimaire (l'évocation de la Shoah ferait écran aux paroles des autres) et l'antisionisme (qui remet en cause la légitimité d'Israël). Un discours antisémite qui articule ces trois énoncés atteint son but. C'est le cas, entre autres, de pays antisémites comme le Pakistan.
Bernard Henry Lévy s’est voulu optimiste en conclusion : « l'antisémitisme sera vaincu grâce à la jeunesse qui aura appris de ses aînés ».
Une soirée réussie à plus d'un titre, notamment par la très grande qualité intellectuelle d'un philosophe pour qui dire, c’est faire et qui permet par ses analyses de revisiter les grandes questions actuelles.