Le CRIF en action
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Publié le 29 Octobre 2009

Bruno Tertrais au CRIF : qui peut arrêter l’Iran?

À l’heure où l’Iran fait la une de l’actualité et où l’inquiétude, face aux prétentions nucléaires de Mahmoud Ahmadinejad se fait grandissante à travers le monde, le Comité Directeur du CRIF, en présence du président Richard Prasquier, a reçu le 26 octobre 2009, Bruno Tertrais, maître de recherche à la Fondation pour la Recherche Stratégique et spécialiste des questions stratégiques. Son dernier ouvrage s’intitule « Le Marché noir de la Bombe ».




Pour Bruno Tertrais, une chose est sûre : « La bombe que le régime actuel se prépare à posséder n’est pas la même que celle qu’avait cherché à acquérir le shah ». L’Histoire, affirme-t-il, nous enseigne deux choses : 1/ Tous les pays qui autant investi pour disposer de la bombe, l’ont finalement possédée. On peut donc considérer que si l’Iran, à ce stade, arrêtait son programme, cela serait une première historique 2/ Quand un gouvernement est en grande difficulté, que des troubles agitent le pays et qu’il est engagé dans un programme nucléaire, il protège ce dernier mais se trouve dans l’incapacité de prendre des décisions cruciales. Telle est aujourd’hui la situation de l’Iran. D’où le pessimisme vérifié de Bruno Tertrais qui ajoute que dans les débats en cours avec les Occidentaux, les deux parties sont sur la défensive. Pour lui, l’offre occidentale sera refusée, mais de manière diplomatique.



Pour la clarté du débat, Bruno Tertrais a donné des chiffres. Ainsi, a-t-il révélé, l’Iran dispose actuellement d’environ 1900 kilos d’uranium faiblement enrichi (5%). Or, le petit réacteur à vocation médicale installé à Téhéran va manquer de combustible. La proposition occidentale est la suivante : faire sortir d’Iran la majeure partie du stock d’uranium faiblement enrichi (1200 kilos), le transférer en Russie puis l’acheminer en France où il serait converti en combustible avant d’être retourné en Iran. Dans ce scénario, il serait très difficile de réutiliser cette matière à des fins militaires. On gagnerait donc du temps. Mais Bruno Tertrais fait par ailleurs remarquer qu’il existe des filières parallèles de fabrication d’une bombe atomique avec l’utilisation du plutonium. Il note enfin que l’Iran s’est doté de familles diversifiée de missiles balistiques et que, grâce à l’aide technique de la Corée du Nord et de la Russie, ses progrès dans ce domaine, ont été rapides.



Une série de questions posées par l’auditoire après l’exposé liminaire du conférencier, a permis d’aborder les questions les plus diverses : la position des pays arabes, notamment de l’Arabie Saoudite, du Qatar, des Émirats, d’Oman et du Bahrein, le rôle de l’A.E.I.A. et de Mohamed El Baradeï, l’éventualité d’une intervention militaire ( « Je pense que Nétanyahou n’a pas le doigt sur la gâchette »), le poids des sanctions économiques (« Cela peut marcher, mais généralement cela met trop de temps pour être efficace ».



Comment se fait-il qu’un pays en difficulté économique comme l’Iran puisse mettre sur pied un tel programme nucléaire nécessairement coûteux ? Réponse étonnante : « Le nucléaire n’est pas si cher que cela. Il ne faut que cent millions de dollars pour acquérir la plupart des ingrédients nécessaires à la fabrication d’une bombe ».



Alors, quelle fourchette pour que l’Iran, si rien ne vient entraver la marche effrayante de ce pays, dispose de la bombe ? Réponse de Bruno Tertrais: 2010-2015, en fonction des choix qui seraient faits par Téhéran et des difficultés techniques que le pays rencontrerait éventuellement.


Photo : D.R.