Le CRIF en action
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Publié le 20 Juillet 2009

David de Rothschild à la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français : «Ce passé dont nous sommes, tous, les héritiers»

« Si cette cérémonie est essentielle pour chacun d’entre nous, c’est parce qu’elle est plus qu’un moment de recueillement et d’émotion intenses ; chaque année qui passe et nous éloigne de la tragédie, nous conduit à une confrontation avec ce passé dont nous sommes, tous, les héritiers ; mais elle nous place aussi devant nos responsabilités d’aujourd’hui et de demain.



Je voudrais, en quelques mots, partager avec vous cette préoccupation relative aux responsabilités qui sont les nôtres, quels que soient les fonctions ou les postes que nous occupons.



Cette problématique de la responsabilité, en effet, se posa les 16 et 17 juillet 1942, et au-delà ; il y eut les policiers français qui arrêtèrent les juifs, puis ceux qui verrouillèrent les wagons emportant ces milliers d’enfants juifs vers les chambres à gaz ; mais il y eut aussi ceux qui avertirent à temps, fermèrent les yeux sur ceux qui s’enfuyaient et, avec eux aussi, tous les « Justes » qui cachèrent et sauvèrent les Juifs de la mort.
Il y eut la Collaboration.
Il y eut aussi la Resistance, à laquelle les Juifs, rappelons-le toujours, prirent une part active.
Les plus nombreux furent entre les deux, ceux qui regardèrent ailleurs et laissèrent le crime s’accomplir.



Dans notre pays, après le temps du déni, de la Justice, vint celui de la reconnaissance politique, avec le discours du Président Chirac ; même si nous n’avions pas attendu 1995 pour commémorer les victimes de la rafle du Vel’ d’Hiv’.
Nous sommes aujourd’hui dans le temps de la mémoire, mais la réponse de l’Etat ne varie pas : sa responsabilité dans la déportation des Juifs de France vient, en effet, encore toute récemment, d’être rappelée par le Conseil d’Etat.
La France, je crois, assume son passé qu’elle a tenté de « réparer » et la conférence internationale qui vient de se tenir à Prague, sur ces questions, a montré que notre pays peut s’honorer de ses actions en matière de mémoire, d’enseignement, de restitution et de réparation.



Pourtant, la société civile doit toujours rester vigilante. C’est elle qui, dans nos démocraties, doit assumer ses responsabilités et être attentive au respect des libertés, de la justice et des valeurs qui nous rassemblent. Et je me réjouis que la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, après toutes les Associations de mémoire et avec ces Associations, assume ces missions comme elle assume sa mission de mémoire et d’histoire ; comme elle n’hésite pas à intervenir lorsque cette mémoire est bafouée, banalisée et instrumentalisée.
Je voudrais dire, par ailleurs, à tous nos compatriotes français et européens, que la Communauté juive à laquelle nous appartenons, parce que nous avons une histoire commune, des valeurs et des traditions, n’est pas un facteur de division « communautariste », bien au contraire ; notre appartenance à cette communauté ne nous rend nullement indifférents aux souffrances et aux problèmes de tous. Elle nous conduit, à l’inverse, à être bien souvent aux avant- postes des combats contre toutes les formes de racisme, de xénophobie et d’injustice sociale.
Or, nous sommes aujourd’hui clairement confrontés à des discours de haine antisionistes qui masquent le plus souvent une haine antisémite en France, en Europe et au Moyen Orient.
L’Etat réagit heureusement avec fermeté, et cela nous rassure : nous ne pouvons qu’approuver les représentants français lorsqu’ils quittent l’enceinte de Genève devant les propos négationnistes et incendiaires vis à vis d’Israël, du président iranien.
De même, au récent sommet du G8, nous avons écouté avec attention le Président Nicolas Sarkozy exprimer son extrême préoccupation devant la fin de non-recevoir inacceptable de l’Iran sur le dossier nucléaire, affirmant qu’Israël n’était pas seul mais qu’il fallait regarder la situation avec calme.
Comment pourrions nous, en effet, ne pas être en alerte, nous qui avons encore devant les yeux ces images d’archives où les survivants des camps arrivaient par milliers vers ce qui allait devenir Israël ?
Comment ne pas être inquiets quand nous voyons une survivante d’Auschwitz, le bras encore marqué par un numéro que le temps n’a pas effacé, descendre dans un abri ?
Je pense, qu’il est plus que jamais de notre responsabilité de puiser dans notre Histoire les instruments d’une vigilance citoyenne toujours affutée. Car, l’Histoire nous rappelle à notre communauté de destin et comme l’écrivait Pascal, dans ses Pensées, « nous sommes tous embarqués ». L’Histoire est une chaîne d’évènements et de responsabilités dont nous sommes chacun un maillon essentiel.



La fidélité à la mémoire de la Shoah nous impose d’être attentifs aux vivants, de combattre avec courage et lucidité tous ceux qui sont porteurs de haine et de violence, et de contribuer à faire que notre monde soit plus juste et plus fraternel. »



David de Rothschild, président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah



Photo : D.R.