Voici le discours prononcé par François Guguenheim, délégué du CRIF Poitou-Charentes, à cette occasion :
A Tours Nord, sur le site de l’ancienne Ecole Normale de jeunes filles, où nous nous réunissions dorénavant tous les deux ans, le dimanche qui suit le 16 juillet, une plaque commémorative est posée sur un mur de ce bâtiment avec le texte suivant qui y est gravé : « Les 15 et 16 juillet 1942, arrêtés par la police nazie, avec la collaboration des autorités françaises de l’époque, 200 juifs de Touraine, hommes, femmes et enfants furent internés en ce lieu avant leur déportation et leur extermination à Auschwitz Birkenau. Souvenons-nous ! »
Il y a donc 69 ans, à Tours comme dans d’innombrables de villes françaises et à Paris au lieu devenu malheureusement célèbre dénommé le Vel d’Hiv, des milliers de juifs ont été arrêtés pour être internés puis déportés dans les camps de la mort, pour la seule raison d’être nés de religion juive.
Tout a pu être dit sur la Shoah, cette honte du XXème siècle où l’innommable, l’inimaginable l’indescriptible a pu se concrétiser grâce à la folie d’un homme qui a su emporter avec lui son peuple, grâce aussi, nous ne le redirons jamais assez, à la collaboration d’un état complice de l’ennemi, d’un état collaborateur, d’un état qui a, à jamais taché l’histoire de notre pays.
Bientôt 70 ans se sont passés, les survivants se font naturellement rares, ce qui permet à certains ici et là, d’extrême gauche comme d’extrême droite, de nier tout simplement cette période, en faisant croire qu’il s’agit d’inventions pures comme si rien ne s’était passé !
Il n’y a pas plus de 15 jours, un couple d’enseignants, ici même à Tours, apprenant que le responsable d’un restaurant où ils venaient souvent était de religion juive a dit à haute et intelligible voix que ces juifs dirigeaient vraiment tout, que la Shoa n’avait pas existé, que l’état d’Israël était raciste, bref le négationnisme dans toute sa splendeur, je vous le dis cela s’est passé ici à Tours à moins d’un kilomètre il y a moins de 15 jours, paroles d’enseignants chargés d’éduquer nos enfants et petits enfants !
Voilà pourquoi nous devons sans cesse enseigner, parler, raconter la seule vérité de cette lamentable période, sans haine mais sans aucune omission, ce qui s’est passé est à jamais gravé dans la mémoire de l’humanité.
Voilà pourquoi nous devons être en permanence vigilants, intolérables vis-à-vis de propos négationnistes, l’avenir même de notre démocratie et de notre dignité est en cause.
Ces millions de déportés sans sépulture nous ont laissé le soin, le devoir de ne jamais les oublier, de ne plus jamais tolérer de telles injustices, de telles atrocités, de telles barbaries dont jamais l’imagination n’avait pu prévoir un tel acharnement.
Ces rafles du 16 juillet 1942, à Tours comme ailleurs, nous incite, 70 anas après à rappeler à tous les citoyens que nous sommes, quel que soit notre rang dans la société, du Ministre au Préfet, en passant par toutes les catégories sociales, il faut être et rester constamment vigilants, il faut savoir dire Non, non à des ordres injustes, non à des ordres stupides, fût-ce au prix de notre vie.
Quoique l’on dise, l’antisémitisme, cette verrue si ancrée dans l’histoire de l’humanité, l’antisémitisme n’est pas mort, loin s’en faut ; qu’il s’appelle antisémitisme ou antisionisme, peu importe, la racine est la même l’objectif est constant ; les antisémites doivent savoir, ils ne l’ont peut être pas encore bien assimilés, que l’histoire nous a appris à nous, juifs de France et juifs du monde entier, à ne jamais laisser passer dans nos démocraties des propos que la loi considère comme illégaux et passibles de sanctions pénales : nous sommes et resterons sans cesse sur le qui vive, sans cesse vigilants, à la mémoire de six millions de victimes innocentes.
Pendant cette dernière guerre, il ya eu trois types de comportements dans notre pays, comme ailleurs, mais je parlerai ici que de notre pays, la France :
Premier comportement, celui des collaborateurs des nazis, et du gouvernement de l’époque dont l’ancien Président Jacques Chirac a eu l’immense courage de reconnaître la responsabilité ; ces collaborateurs resteront pour nous tous, la honte de notre pays qui était pourtant le pays des droits de l’homme !
Deuxième comportement, ceux, les plus nombreux, qui n’ont rien dit, qui n’ont rien fait, ni de bien ni de mal, qui peut les juger ?
Troisième comportement : les combattants de l’ennemi, du gouvernement de la France, les résistants, je parle des vrais résistants et pas de ceux qui se sont considérés comme tels, les héros de la lutte contre le nazisme, contre le racisme, contre l’envahissement du régime allemand du monde libre. Ces héros furent nombreux, particulièrement en France, et là aussi, on en trouve de tous bords, de tous rangs sociaux du Préfet au cheminot, en passant par des hommes d’église, des médecins, des instituteurs, des gendarmes et bien sur des militaires.
Cette journée de commémoration de la rafle du Vel d’Hiv est également la journée d’hommage aux Justes de France, Justes parmi les Nations.
Cette journée commémore d’une part l’horreur de notre société, et son opposé, la fierté d’être un homme courageux fac à son destin. Ainsi en ont décidé nos élus.
Les Justes parmi les nations sont des femmes et des hommes, de religion non juives qui ont eu l’immense courage au péril de leurs propres vies et de leurs familles, de sauver, de protéger, de cacher, de nourrir, pendant des semaines ou des mois, des juifs pourchassés par l’ennemi et par le gouvernement de la France de l’époque, pour la seule raison d’être nés juifs.
Ces Justes parmi les Nations, ont le plus souvent agi en répondant instinctivement à l’appel de leur cœur, à l’appel au refus de toute injustice, ces êtres exceptionnels ont commis des actes qu’ils ont toujours considérés comme des actes normaux, simples et ne méritant pas une quelconque distinction.
L’Etat d’Israël en a décidé autrement et continue à décerner par l’intermédiaire de l’Institut Yad Vashem, la seule médaille civile de l’Etat d’Israël, la médaille des Justes parmi les Nations ; ici même en Touraine, 42 personnes ont été nommées Justes parmi les Nations et sur cette stèle inaugurée en 2005 par Mme Simone Veil devant près de 500 personnes, nous venons de faire graver le nom des Justes nommés postérieurement à cette inauguration.
Permettez-moi de remercier ici même pour leur présence :
Monsieur Bernard Elliaume, avec son indéfectible engagement de la vérité de l’histoire de cette guerre de 39/45, Maire de Maillé, commune par ailleurs si meurtrie le 25 aout 1944 par le si célèbre massacre perpétré par l’armée allemande en déroute, Monsieur Elliaume venu saluer la famille Nabineau,
Madame Béatrice Odink, Maire Adjoint de Monts représentant Monsieur Jacques Durand, Maire de Monts, commune également si touchée par le fameux camp de la Lande, Mme Odink étant venue pour saluer la famille de Mme Beaudiot
M. Gérard Gernot, 1er Adjoint au Maire de Tours et Mme Arlette Bosch représentant Monsieur Jean Germain Maire de Tours, avec qui nous sommes chargés d’organiser prochainement une cérémonie de remise de médaille des Justes parmi les Nations à titre posthume à Sœur Sainte Monique, appelée Geneviève Cadart, qui a sauvé avec d’autres sœurs un petit enfant de 3 ans, Monsieur Georges Gross dans la clinique actuelle Saint Gatien en face de la cathédrale, seul survivant de toute sa famille
Mesdames, Messieurs, le 19 avril 2005, lors de l’inauguration de cette stèle, Simone Veil nous a dit : « Les Justes parmi les Nations sont pour moi l’honneur de la France et ont fait que je suis fière d’être de nationalité française »
A la mémoire de tous les Juifs victimes de la rafle du 16 juillet 1942 et des Justes de France, particulièrement des 42 Justes du département dont je vais citer les noms, je vous remercie à l’issue de cette lecture de respecter une minute de silence.
Photo : D.R.