Ce soir, à la différence des années précédentes, je voudrais commencer par souligner les moments positifs que nous avons vécus dans notre région et vous dire combien nous sommes fiers et satisfaits des bonnes relations entretenues tant avec les autorités administratives qu’avec les autorités judiciaires, les élus nationaux ou locaux, à quelques exceptions prés, mais nous y reviendrons, sans oublier les autorités religieuses chrétiennes.
Pourquoi ne citer que les autorités religieuses chrétiennes?
Eh bien, il se trouve que cette année sera la troisième année où deux autorités du monde musulman local, Mr Kamel Kabtane, recteur de la grande mosquée de Lyon et, Mr Gaci président du CRCM, ne répondent plus à notre invitation à ce dîner annuel.
Qu’ils sachent que nous le regrettons vivement ; mais par contre, nous saluons tous nos amis musulmans ici présents et plus particulièrement la présence courageuse de Mr Hassen Chalgoumi, Imam de Drancy.
Pendant des années, la réputation de notre cité lyonnaise a été sévèrement entachée par l’une de ses universités, fer de lance du négationnisme.
En devenant la ville de la mémoire, la capitale de la résistance reprend aujourd’hui sa place d’honneur dans l’histoire.
Ainsi, c’est avec fierté que nous avons pu assister à l’inauguration du Parc dédié à l’ancien grand rabbin de France Jacob Kaplan, à la reconversion en mémorial de la Prison de Montluc , à la création du Mémorial Jean Moulin à Caluire, à l’inauguration du square des enfants d’Izieu, et d’une place de Lyon du nom de Marc Aron, militant de la mémoire et ancien président du CRIF Rhône-Alpes, et enfin, tout récemment à la pose d’une nouvelle plaque listant enfin les noms des 86 juifs tombés dans la souricière du 12 de la rue Ste Catherine.
Rappelons également le travail magnifique de poses de plaques commémoratives dans différents lycées et collèges de la région, évoquant le nom des collégiens scolarisés dans chacun de ces établissements et qui furent déportés à jamais.
Merci à toutes les associations qui se sont dévouées et battues pour la réalisation de ces projets.
Merci à monsieur Jacques Gérault, ancien préfet de région et au procureur général Jean-Olivier Vioux qui se sont investis pour le mémorial de la prison Montluc et le mémorial Jean Moulin. Merci à monsieur Gérard Colomb, sénateur maire de Lyon et à monsieur le président de la région Jean Jacques Queyrane, qui ont permis l’aboutissement de tous ces projets.
Madame l’ambassadeur, Mesdames et messieurs, la communauté juive, au sens républicain du terme, rêve de ce moment où, comme je viens de le faire, elle n’aurait qu’à exprimer des paroles de bienvenue, souhaitant que la soirée soit uniquement l’occasion d’échanges conviviaux et amicaux avec les représentants de la république, des communautés religieuses et culturelles.
Mais non...
Année après année, la réalité nous rappelle à l’ordre !
Avoir comme invité d’honneur à ce dîner l’ambassadeur de France à l’Unesco a été pour nous un vrai choix,
Unesco dont, je cite que « l’objectif est de contribuer au maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, en resserrant par l’éducation, la science, la culture et la communication, la collaboration entre nations afin d’assurer le respect universel de la justice, de la loi, des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».
Le rapport à la culture a de tout temps été profondément ancré dans la tradition juive.
La réflexion, la controverse, voire la polémique sur les textes sacrés... Cette vieille tradition rabbinique s’est étendue à tout le champ du savoir.
C’est dire combien, madame l’ambassadeur, votre place parmi nous ce soir est opportune !
Peut-on imaginer une agression plus flagrante contre les principes que vous défendez à l’Unesco que la campagne de boycott contre Israël, campagne que nous voyons jour après jour s’intensifier sur notre territoire ?
Que cette campagne soit initiée et orchestrée par les habituels agitateurs des extrêmes,
extrême gauche
extrême droite
extrémistes islamistes,
Cela n’est pas fait pour nous étonner !
Mais, que des hommes et des femmes de culture, des intellectuels, des politiques appartenant à des partis réputés comme républicains s’y associent et relaient cette campagne, cela nous est insupportable.
Mais la notoriété intellectuelle n’est pas un barrage aux pires dérives… !
Souvenons nous…durant l’occupation, nombre d’intellectuels, d’artistes, se sont complus dans la fange nazie…et, notamment, Céline que certains ont récemment tenté de proposer à la célébration nationale…
Devons-nous aussi rappeler que nombre d’intellectuels à la mode, il y a 60 ans, ont donné, lors des procès de Moscou et de Prague, leur caution à Staline et aux Staliniens, à ceux qui, déjà, disaient sionistes pour dire Juifs …
Appel à boycotter des produits israéliens, des produits culturels : films, salons du livre, concerts, des événements sportifs ou pire encore des échanges universitaires !!...
Cet appel au boycott s’appuie sur une parfaite désinformation à l’égard d’Israël.
Juste quelques exemples :
Qui parle du travail main dans la main dans les hôpitaux et dans la recherche de médecins et scientifiques israéliens et palestiniens?
Qui parle des interventions en chirurgie cardiaque pédiatrique dont bénéficient chaque année des enfants palestiniens, égyptiens, jordaniens… ?
Qui évoque les collaborations mutuelles lors des récents incendies au Mont Carmel et à Bethléem?
Qui indique que le président du tribunal qui a jugé l’ex-président Katsav pour délit sexuel (et ce n’est pas une gloire !..) était un arabe israélien ?
Qui parle de la présence au parlement israélien de députés arabes ?…
Le but de la manœuvre est de diaboliser Israël.
La méthode n’est pas nouvelle: elle date du Moyen- Age !
Mais ne nous y trompons pas !
Ce boycott d’Israël, madame l’ambassadeur, nous le savons, est orchestré loin de l’Europe et de la France ; il a démarré insidieusement il y a quelques années pour prendre aujourd’hui des proportions pour le moins démesurées.
Il s’inscrit dans une stratégie politique de délégitimation d’Israël, qui vise à sa disparition et, cherche et trouve, des complicités en France.
A ce sujet, je veux ici remercier monsieur le Sénateur Maire de Lyon pour le courage dont il a fait preuve lors de décisions récentes qu’il a été amené à prendre.
Délégitimation, disparition d’Israël... A l’heure où l’on assistait à la révolution du Jasmin en Tunisie, puis au soulèvement en Egypte, le président iranien Ahmadinejad s’est exclamé en célébrant le 32ème anniversaire de la révolution islamique je cite : « le Proche Orient sera bientôt débarrassé des Etats-Unis et d’Israël ».
Madame l’Ambassadeur, mesdames et messieurs, ce problème du boycott nous touche particulièrement :
-il est injuste – oui il est injuste en s’attaquant spécifiquement à Israël et en s’appuyant sur un slogan publicitaire d’indignation partisan, parfaitement silencieux sur le reste du monde !!
-oui il est injuste en faisant d’Israël, comme souvent pour les juifs, le bouc émissaire de toutes les frustrations.
Il nous est rétorqué que ce boycott ne touche qu’Israël et non les juifs en tant que tels. Cette distinction est de pure rhétorique et fallacieuse.
Il suffit de consulter quelques sites antisionistes et d’appel au boycott pour y trouver indifféremment les deux qualificatifs juifs ou sioniste amalgamés.
Délégitimer Israël, n’est-ce pas le début de notre propre délégitimation ?
Jusqu’où ?
Devons- nous craindre pour la première fois depuis la dernière guerre, qu’on appelle à nouveau à ne plus acheter des produits fabriqués ou vendus par des juifs ?
Nous nous interrogeons d’autant plus que nous connaissons bien, à nos dépens, la chronologie de cette petite musique : d’abord le boycott, puis l’exclusion, puis…puis…puis !!!
Le boycott d’Israël est dangereux. Aussi dangereux que l’est l’importation du conflit israélo-palestinien dans notre pays et nos cités.
Et certaines municipalités n’hésitent pas à jouer avec le feu.
Ainsi, dans le Rhône, dans le grand Lyon, plus précisément à Vaulx-en-Velin, il y a encore peu vivaient 250 familles juives. Depuis quatre ans, le climat de plus en plus irrespirable pour eux a porté à 17 le nombre de familles qui y demeurent encore.
Aujourd’hui, la petite synagogue construite dans les années 70 s’interroge sur son devenir.
Aujourd’hui, le drapeau palestinien, à côté du drapeau français et du drapeau de la ville, flotte sur le fronton de l’hôtel de ville, à l’initiative de son maire, fervent partisan du boycott.
A ce jour, bien que nous ayons alerté au plus haut niveau les autorités rien n’a été fait ou n’a pu être fait !
La situation de Vaulx-en-Velin doit-elle devenir le symbole de notre devenir ?
Nous appelons à la vigilance.
Notre vigilance doit être d’autant plus vive qu’il existe dans notre pays, malheureusement, un bruit de fond antisémite prêt à être exploité.
L’enquête du Monde de mardi dernier est, à ce titre, édifiante : elle montre que dans les recherches automatiques effectuées dans Google, aux noms de personnalités politiques, du spectacle ou des médias s’associent très vite les mots « juif » ...et ensuite homosexuel ! Une spécificité de notre pays... !
Et que dire de la remarque venant d’un responsable politique sur la non origine « terroir » d’un candidat potentiel à la prochaine élection présidentielle ?
Mesdames et messieurs, je vous laisse juges…
N’oubliez pas, comme l’a dit notre président Richard Prasquier : « De par leur histoire ancienne et récente les juifs ont joué un rôle d’indicateur avancé de l’état des valeurs républicaines dans notre pays ».
Lors de la soirée du CRIF à Paris, la semaine dernière, un porte-parole d’un parti s’est étonné que des représentants des Verts et du Parti communiste n’aient pas été invités. Il y a parmi nous ce soir un membre du PC et nous le saluons chaleureusement, mais nous n’avons pas invité les élus soutenant cette campagne de boycott, pas plus que nous n’avons invité de membres du FN.
Les partisans de la discrimination n’ont pas leur place parmi nous.
Mais cette campagne de boycott a au moins un mérite, c’est celui de nous permettre de remercier tous ceux qui s’y opposent clairement.
En premier lieu, au sommet de l’état, le président de la république dont la position est ferme sur ce sujet, mais aussi, monsieur Michel Mercier, ministre de la justice, qui poursuit la politique engagée par ses prédécesseurs.
Le boycott et l’appel au boycott sont des actes discriminatoires qui, selon la loi française, doivent être sévèrement punis.
Nous vous faisons confiance, monsieur le garde des sceaux, pour veiller à ce que la loi soit clairement appliquée tout au long de la chaîne judiciaire.
Nous remercions aussi monsieur Jean Jacques Queyrane, président de la région Rhône –alpes, qui s’est clairement prononcé sur ce sujet.
Madame l’Ambassadeur, nous avons une requête à vous soumettre, requête qui, bien sûr, est du domaine de la culture.
Il est un théologien juif ayant vécu en France au 11ème siècle à Troyes : Rachi.
Il était du « terroir » car, vigneron vivant entre Champagne et Bourgogne, tout un symbole.., et qui se trouve être considéré comme le plus grand théologien du monde juif pour la compréhension de la thora et du talmud.
Il a traduit de l’hébreu en français champenois des centaines de mots.
Il appartient à nos deux cultures et témoigne de ce que, déjà, à cette époque, elles s’enrichissaient l’une de l’autre.
Nous serions très honorés que ce théologien soit reconnu par l’Unesco comme faisant partie du patrimoine culturel Français.
Mais n’oubliez pas de préciser qu’il était juif car ces temps ci, à l’Unesco, nous assistons à une entreprise de négationnisme.
Ainsi, certains ont souhaité transformer en musulman le médecin et penseur Maimonide qui, comme Rachi, est au panthéon des théologiens juifs.
Effectivement, s’il appartient à la culture arabe par ses écrits souvent en arabe, comme le Guide des égarés en témoigne, c’était, en tous cas, pour commenter la thora et le talmud !
Certes, Madame l’Ambassadeur, vous venez tout récemment de prendre vos fonctions à l’Unesco, mais nous souhaitons attirer votre attention sur une mesure incompréhensible et hostile récemment prise par cette institution.
Elle concerne la demande de retirer le tombeau de Rachel de la liste du patrimoine national israélien, alors que ce lieu est un lieu de pèlerinage, uniquement pour les juifs.
Bien sûr, nous avons conscience qu’à l’Unesco, comme dans d’autres instances internationales, les démocraties sont une minorité face aux régimes dictatoriaux, régimes qui trouvent facilement des alliés grâce à leur stratégie énergétique.
Alors, permettez-nous de suggérer un Guide à nos démocraties ? Il s’agit du 2ème verset du chapitre 23 de l’Exode.
« Tu ne suivras pas la multitude pour faire le mal et tu ne témoigneras pas dans un procès en te mettant du côté du grand nombre pour violer la justice. »
Je vous remercie de votre attention !
Photo : D.R.