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Monsieur le Grand Rabbin de France,
Monsieur le Président du Conseil représentatif des institutions juives de France,
Chers Amis,
Je suis particulièrement heureux de vous accueillir en ce mercredi 24 septembre afin de célébrer le 60ème anniversaire du CRIF. J’observe d’ailleurs que cette date est particulièrement symbolique puisque c’est en septembre 1944, à Lyon, qu’eut lieu la première réunion officielle du CRIF, après la libération de cette ville.
Célébrer le 60ème anniversaire du CRIF, c’est tout d’abord faire mémoire et savoir regarder le passé de la société française.
C’est en 1943, à l’une des plus sombres périodes de notre histoire, que fut créé le comité général de défense juive qui devait un an plus tard aboutir à la création d’un organisme alors clandestin le Conseil représentatif des israélites de France qui devint lui-même, ultérieurement, le Conseil représentatif des institutions juives de France.
La mémoire est l’une des missions principales que s’est assignée le CRIF.
Il me paraît important que tous les Français sachent ce qu’a été le passé de leur pays. Il est en effet indispensable de savoir regarder le passé pour vivre le présent avec cœur et intelligence. Le CRIF contribue pleinement à ce devoir de mémoire, dont le Président de la République a souvent rappelé l’importance, notamment dans son discours de 1995 au Vel’ d’Hiv.
Avec lucidité, avec courage, sachons observer les conditions dans lesquelles l’irréparable, l’indicible a pu être commis. Ce n’est pas faire preuve de faiblesse que savoir reconnaître les fautes passées ; c’est faire preuve de courage, d’un courage qui permet de vivre pour l’avenir. En cet instant, je ne peux que citer une phrase de Primo LEVI : « oublier le passé, c’est être condamné à le revivre ».
C’est pourquoi il nous faut poursuivre, sans relâche, le travail de pédagogie sur la Shoah. C’est en ce sens que j’ai souhaité que fût rénové le Pavillon français d’Auschwitz et je sais l’attention que porte Hamlaoui MEKACHERA à la conduite de cette opération que nous voulons exemplaire.
C’est en rappelant de façon claire et constante, les circonstances dans lesquelles l’horreur est arrivée que nous saurons empêcher qu’elle ne se renouvelle.
Honorer le CRIF, aujourd’hui c’est savoir faire face et combattre l’inacceptable.
En 2001-2002, la France a été marquée par une vague inacceptable d’actes antisémites.
Sous l’impulsion de Nicolas SARKOZY, des mesures indispensables ont été prises. Une coopération, que j’estime remarquable , avec le Conseil représentatif des institutions juives de France a été mise en œuvre. Notre législation a été renforcée, notamment avec la proposition déposée par Pierre LELLOUCHE et soutenue par le Gouvernement.
Même si le nombre d’actes antisémites a diminué, la situation est encore insatisfaisante car, tant qu’un acte antisémite sera commis en France, nous serons face à une situation inacceptable. Une vigilance constante s’impose donc.
Je souhaite le redire avec solennité : la lutte contre les actes antisémites est une priorité absolue pour moi et pour mon gouvernement.
La lutte contre l’antisémitisme, c’est évidemment aussi à l’école qu’elle doit se déployer. J’ai été très marqué par les témoignages recueillis dans l’ouvrage sur « Les territoires perdus de la République » que vous m’aviez remis, monsieur le Président, lors du dernier dîner du CRIF.
Je sais la détermination du ministre de la jeunesse de l’éducation nationale et de la recherche et du ministre délégué à l’enseignement scolaire dans ce domaine. C’est ce qui les a conduits le 27 février dernier à annoncer une série des mesures pour juguler et combattre les incidents à caractère antisémite constatés dans les établissements scolaires.
Lutter contre un phénomène, c’est d’abord le reconnaître et c’est savoir le mesurer. Ce n’était jusqu’alors pas fait et les instructions ont été données afin de dresser un bilan de l’ensemble de ces incidents. Au sein du ministère de l’éducation nationale et dans chaque rectorat, une cellule de veille et de suivi des incidents à caractère antisémite et raciste a été créée.
Le renforcement des sanctions concernant les propos antisémites et racistes a été prévu afin que les services de la justice et de la protection judiciaire de la jeunesse puissent agir utilement. Des consignes de fermeté ont été données aux Recteurs en ce sens. Enfin, un guide d’action qui permet aux équipes enseignantes de répondre avec efficacité et célérité aux incidents antisémites ou racistes a été mise en œuvre.
Il importe d’intervenir au moindre incident, même verbal et de ne « rien laisser passer sans punir ni expliquer » pour reprendre les mots de Luc FERRY.
La lutte contre l’antisémitisme n’est évidemment pas un problème exclusivement français et le développement des possibilités des communications offertes par Internet multiplie plus globalement les possibilités de promotion de l’antisémitisme et du racisme.
C’est pour lutter efficacement aussi contre ce mode de diffusion d’idées intolérables que la France a pris des initiatives récentes dans le cadre de l’OSCE. Nous souhaitons que tous les États contribuent concrètement à cette action qui passe d’abord par la collation centralisée des informations sur les sites et services responsables de propagande raciste ou antisémite et qui nécessitera un dialogue constant et approfondi avec les professionnels de l’internet.
Honorer le CRIF enfin c’est aujourd’hui rappeler que tout citoyen doit pouvoir se sentir pleinement Français et pleinement fidèle aux valeurs personnelles qui sont les siennes.
J’ai regretté à plusieurs reprises que notre société soit marquée par le développement du communautarisme.
Le communautarisme, c’est la négation même du pacte national et je sais combien le C.R.I.F. est vigilant à ce sujet.
Le communautarisme, c’est l’idée selon laquelle une juxtaposition de groupes partageant les mêmes valeurs vivrait sur le même territoire. Cette idée est une profonde remise en cause de notre idéal républicain.
C’est en ce sens que je suis, comme vous le savez, un farouche partisan de la laïcité, socle sur lequel le vouloir vivre ensemble doit être construit.
La laïcité, ce n’est pas l’hostilité aux religions. La laïcité, ce n’est pas l’hostilité à l’expression de singularités qui existent très légitimement. La laïcité, c’est le rappel qu’au-delà des convictions individuelles, une société comme la société française est fondée sur le respect mutuel et sur la liberté de conscience et de croyance.
De nombreux débats agitent aujourd’hui notre société à ce sujet. Sachez que le gouvernement sera particulièrement attentif au respect des grands principes républicains et veillera à ce que le communautarisme ne progresse pas, notamment grâce à une politique d’intégration plus dynamique.
La cohésion nationale veut aussi que les citoyens français ne soient pas traumatisés et ne s’opposent pas en raison des conflits extérieurs à notre pays.
Vous savez l’extrême attention que la France porte à la situation au Proche Orient. Vous connaissez la position de la France et de l’Europe. Dans les moments très difficiles vécus aujourd’hui dans cette région, je veux redire solennellement l’horreur que tous les actes de terreur suscitent. Je veux redire solennellement que les dirigeants français ne peuvent admettre que des actes terroristes puissent frapper des innocents, meurtrir des familles. Je veux redire ici combien je comprends que des familles françaises qui ont des amis, parfois des membres de leur famille, touchés par ces évènements, combien je comprends que ces familles soient désemparées et meurtries.
Vous savez les principes autour desquels s’articule la politique de la France. Le Président de la république, voici quelques mois, vous les rappelaient : le premier de ces principes c’est la légitimité d’Israël disait-il, le second la reconnaissance du droit des Palestiniens à disposer d’un État souverain, le troisième c’est la démocratie, le quatrième la coopération.
Je forme le vœu qu’en ces moments particulièrement douloureux où le Proche-Orient est à nouveau secoué par un cycle d’attentats, de douleurs, de haine, la communauté internationale sache aider les Israéliens et les Palestiniens à retrouver le chemin de la table de négociations, à retrouver le moyen de vivre en paix, dans le respect mutuel.
Monsieur le Président, Chers amis, si j’ai souhaité aujourd’hui rendre un hommage particulier au Conseil représentatif des institutions juives de France, c’est qu’il figure aujourd’hui parmi les éléments les plus vivants de notre démocratie sociale.
C’est pour les pouvoirs publics un interlocuteur parfois exigeant mais toujours indispensable. Un interlocuteur qui sait rappeler les grands principes de notre communauté nationale tout en étant un fidèle représentant de la communauté juive de France. Cela, mesdames et messieurs les membres du conseil exécutif vous le devez, notamment, à l’autorité des présidents successifs du CRIF et je souhaite saluer particulièrement aujourd’hui Théo KLEIN, Ady STEG, Jean KAHN, Henri HAJDENBERG et vous-même Cher Roger CUKIERMAN - et vous me permettrez de saluer également M. Haïm MUSICANT, directeur général du CRIF.
Dans trois jours sera fêté ROCH HACHANA. Je souhaite profiter de cette réunion amicale pour souhaiter à toutes et à tous « Que cette année soit pour nous aussi douce que la pomme trempée dans du miel ».
Je vous remercie.