Le CRIF en action
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Publié le 17 Octobre 2008

Durban 2 : missions du CRIF à Genève

Dans le cadre du deuxième Comité Préparatoire (Prepcom) à la Conférence de suivi de Durban, plusieurs missions du CRIF se sont rendues aux Nations unies à Genève.


Après une première mission menée par Haïm Musicant et Gérard Fellous qui ont rencontré les responsables de la communauté juive de Genève et assisté au début des travaux du Prepcom, une seconde conduite par Jean-Pierre Allali et Marc Knobel s’est également rendue sur les bords du lac Léman.
En liaison avec l’ONG UN Watch, cette délégation a participé aux travaux qui se tiennent depuis le 6 octobre et qui dureront jusqu’au 17 octobre. Ces travaux devraient permettre, après les interventions des délégués nationaux et des représentant des ONG accréditées, de faire le point, sept ans après la tenue de la Conférence de Durban en Afrique du Sud et quelques mois avant la Conférence d’Examen dite de Durban 2 qui se déroulera en avril 2009 à Genève, sur les avancées et les réalisations opérées dans l’esprit du texte adopté en 2001.
La session à laquelle ont assisté les représentants du CRIF portait sur la question des « bonnes pratiques ». Au préalable, différents groupes régionaux, l’Europe, l’Afrique ou encore le Sri-Lanka, avaient déposé des contributions, constituant la base des discussions. Comme attendu, un grand nombre de propositions de certaines délégations sortaient manifestement du cadre adopté en 2001, notamment en ce qui concerne le Proche-Orient ou le délit de blasphème que d’aucuns aimeraient introduire subrepticement. Le mot « antisémitisme », par ailleurs, était très peu présent dans les documents distribués. La contribution européenne, elle, se distingue par son caractère équilibré qui maintient l’esprit des déclarations de 2001. La délégation a pu constater que chaque intervenant défendait presque exclusivement le point de vue de son groupe régional ou spirituel, les chevauchements d’une proposition à l’autre étant rares.
Dans le cadre de sa visite, la délégation du CRIF a pu rencontrer, lors d’entretiens informels, Omar Shalaby, premier secrétaire à la Mission d’Egypte à Genève, S.E. Jean-Baptiste Mattei, ambassadeur de France, accompagné d’Emmanuel Rousseau, conseiller aux Droits de l’Homme et S.E. Hugo Brauwers, consul général de Belgique.
Au nom de son gouvernement, qu’il ne considère pas impliqué dans les résolutions irresponsables dont il se dissocie, de certaines ONG, et en son nom personnel, le diplomate égyptien a tenu à condamner sans réserve toute manifestation antisémite du type de celles qu’on a pu constater à Durban. Dans cet esprit, il considère que si un Forum des ONG, devait se tenir à Genève, ce qui, pour l’heure, n’est pas acquis, il faudrait mettre sur pied un « environnement contrôlé » pour éviter tout type de dérive. C’est pourquoi Omar Shalaby aurait préféré l’Autriche à la Suisse, car, dit-il, les lois très strictes de ce pays empêcheraient tout débordement. Il avoue que la dénomination de Durban 2 pour la Conférence d’avril 2009, le gêne car il ne s’agit pas de tout remettre sur le tapis, mais de contrôler l’exécution des attendus de Durban 1 à l’aune des événements qui se sont déroulés dans le monde depuis 2001 et notamment de ce qu’il estime être une haine de l’islam. Les représentants du CRIF l’ont rassuré pour ce qui concerne la position du judaïsme français en faisant état des excellentes relations que le CRIF entretient avec la communauté musulmane de France, de la création , sous l’égide du CRIF, de l’Amitié Judéo-Musulmane de France, des périples du Bus de l’Amitié ou encore de la récente présence du président du CRIF à la rupture de jeûne du Ramadan à la mosquée de Drancy. Sur l’affaire des caricatures danoises, Monsieur Shalaby estime que cela n’a pas de rapport avec la liberté d’expression. Il considère par ailleurs que la position européenne n’est pas crédible car plusieurs pays, la Bulgarie, la Roumanie ou encore le Danemark, affirme-t-il, maintiennent dans leur législation une forme de délit de blasphème. En tout état de cause, il est déçu par l’attitude occidentale dont il attendait plus d’empathie. Jean-Pierre Allali et Marc Knobel ont tenu à lui signaler les nombreux cas où le CRIF a protesté officiellement contre des actes racistes visant des musulmans de France. Cette rencontre avec le représentant du plus important pays arabe s’est tenue dans une ambiance conviviale et chaleureuse très prometteuse.
Face à l’ambassadeur de France, les représentants du CRIF ont tenu à souligner leur agrément du texte présenté par l’Europe, notamment ses points 35 à 40, très rassurants si on les compare aux propositions asiatiques. Pour Monsieur Mattei, la position définie par le président Sarkozy et réaffirmée par Rama Yade n’a pas évolué. La France continue de faire preuve d’une grande vigilance, veillant à ce que les lignes rouges ne soient pas franchies. « Si cela déraille, dit l’ambassadeur, nous saurons en tirer toutes les conséquences. Notre participation à ce processus n’est pas irréversible ». Modérément optimiste, Jean-Baptiste Mattei, qui considère qu’à ce jour, les lignes rouges n’ont pas été dépassées, estime que la forte implication de Navanethem Pillay, Haut Commissaire pour les Droits de l’Homme des Nations unies, constitue une grande nouveauté très encourageante. C’est pourquoi beaucoup dépendra de la personnalité de celui ou de celle qui présidera la Conférence de Durban 2.
La France et l’Europe, dans le cadre d’un consensus, sont prêtes à des concessions à condition, encore une fois, que les lignes rouges fixées ne soient pas dépassées.
Considérant qu’ « il y a un certain nombre d’éléments de Durban 1 qu’on aimerait un peu modifier », le consul de Belgique introduit, en plus de la couleur rouge, évoquée à plusieurs reprises par S.E. Mattei, une gamme symbolique de couleurs inspirée des feux tricolores: les lignes vertes constituées par les éléments qu’il convient de promouvoir et de pousser, les lignes oranges, sur lesquelles, malgré la certitude de divergences, il convient de débattre et les lignes rouges dont la Belgique, à l’instar de la France et au diapason de l’Europe, n’acceptera pas le franchissement.
Comme l’ambassadeur Mattei, Hugo Brauwers regrette le retrait des USA et du Canada qui ne sont plus là pour épauler l’Europe. Il tient à ce que les textes adoptés soient équilibrés, notamment en ce qui concerne la mention spécifique de la lutte contre l’antisémitisme. Le grand problème tient à la procédure adoptée qui risque d’accoucher d’un « monstre à la Frankenstein » illisible et ingérable. Les attendus sur lesquels tout le monde est d’accord seraient entrecoupés de propositions entre crochets défendues par une minorité. D’où la question : comment arriver à un compromis lisible avant avril 2009. Pour lui, une deuxième Prepcom semble inéluctable.