Le CRIF en action
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Publié le 27 Janvier 2011

Guillaume Pepy, président de la SNCF : «Notre entreprise a participé à cette mécanique de l’inhumain» pendant la Shoah

De la ville de Bobigny d'où furent déportées « près de 25.000 personnes » durant la Seconde guerre mondiale, le président de la SNCF Guillaume Pepy a reconnu mardi 25 janvier 2011 que l'entreprise ferroviaire avait été un « rouage de la machine d'extermination nazie ». « Nous ne l'oublierons pas », a-t-il assuré lors d'un discours, rappelant sa décision de mettre le terrain de l'ancienne gare de cette commune de Seine-Saint-Denis à disposition de la mairie pour qu'il puisse devenir, selon son souhait, un « lieu de mémoire reconnu et pérennisé ». « Avec le Mémorial voisin de Drancy, il sera le témoin de la folie qui, un jour, s'est emparée des hommes », a-t-il souligné.




Guillaume Pepy et Catherine Peyge, maire de la ville de Bobigny ont signé un protocole de coopération entre la SNCF et la ville de Bobigny en vue de la réhabilitation du site de départ des convois de déportés du camp de Drancy. La SNCF avait exprimé pour la première fois l'an dernier « peine » et « regret » pour son rôle dans la déportation des Juifs durant la Seconde guerre mondiale. Une part de mémoire « très douloureuse » à nouveau évoquée mardi 25 janvier par Guillaume Pepy, qui a rappelé la déportation de 76000 juifs, français ou étrangers, dont une « infime partie » survécut.



« La SNCF de l'époque, réquisitionnée, prit part à cette mécanique de l'inhumain conformément au programme de l'occupant nazi et de ses collaborateurs français », a-t-il rappelé. « Contrainte certes, notre entreprise a acheminé (des) trains jusqu'à la frontière. Elle l'a fait. » Précisant que les archives de la SNCF étaient « ouvertes depuis 1996 », « totalement », il a souligné que l'entreprise installait des plaques commémoratives dans les gares de départ de la déportation et contribuerait « à nouveau à maintenir la mémoire vivante » comme elle l'a « fait en 2005 lors de la rénovation du Mémorial de la Shoah ». « En ces jours de malheur, notre entreprise avait tous les visages de la France (...). Ceux aussi de l'insoumission et de la révolte, masquée ou totale », a-t-il déclaré, saluant les « 2000 cheminots, fusillés ou morts en déportation, qui ont payé de leur vie leur insoumission » et « leur résistance ». Le président de la SNCF a ainsi souligné qu'il lançait « une démarche de mémoire pour connaître qui ils étaient, ce qu'était leur vie, ce qu'ont été leurs actes de courage et de résistance ». « Le chemin de fer a été utilisé par les nazis pour leur œuvre de mort. Les cheminots résistants ont été l'honneur de l'entreprise et de la France, comme les actes anonymes en ont été la conscience », a-t-il déclaré.



Le président du CRIF Richard Prasquier a reconnu la participation de cheminots à la Résistance mais a souhaité « une étude historique sans œillères » sur le rôle de la SNCF. «Ce sont bien les trains de la SNCF qui ont transporté les juifs dans des conditions épouvantables sans qu'il n'y ait eu ni soutien ni aide de sa part aux déportés», a ajouté Richard Prasquier. Le responsable du CRIF s'est dit «très satisfait» de l'initiative menée aujourd'hui par la compagnie ferroviaire.
De nombreuses personnalités ont participé à cette cérémonie dont Simone Veil, présidente d’honneur de la FMS, Serge Klarsfeld, vice-président, Jean- Christophe Lagarde, député-maire de Drancy, Christian Lambert, préfet de la Seine-Saint-Denis, Francois Zimeray, ambassadeur pour les droits de l’Homme, Hubert Heilbronn, membre du conseil d’administration du Mémorial de la Shoah et des anciens déportés.



L'intérêt de l'entreprise pour des projets de ligne ferroviaire à grande vitesse en Californie et en Floride a suscité l'opposition de certains juifs américains hostiles à l'octroi d'un contrat à une entreprise ayant joué un rôle dans les déportations. Guillaume Pepy a déclaré mardi 25 janvier que les actions de mémoire de l'entreprise n'étaient « pas dictées par les circonstances » mais par ses « convictions ».



Photo : D.R.