Le CRIF en action
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Publié le 2 Février 2004

Intervention de Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, au dîner du CRIF, le 31-01-2004

Madame et messieurs les Premiers ministres,



Monsieur le président du Sénat,

Monsieur le président de l'Assemblée nationale,

Mesdames et messieurs les ministres, d'hier et d'aujourd'hui,

Messieurs les ambassadeurs,

Monsieur le maire de Paris,

Messieurs les représentants des cultes,

Cher monsieur le président du Crif,

Merci de votre accueil, merci de votre engagement, merci aussi de votre vigilance. Je vous ai écouté, je vous ai aussi entendu, comme les nombreux membres du gouvernement qui sont aujourd'hui présents.


Être parmi vous m'apporte une joie sincère à l'occasion de ce rendez-vous annuel de dialogue et de réflexion entre le gouvernement et la communauté juive. J'apprécie le rôle du Crif dans le débat contemporain, sa capacité de réaction, sa capacité également d'explication face à certaines accusations qui veulent créer de la confusion et de la peur chez les Juifs de France.


Je suis également très heureux que le dîner du Crif soit devenu pour les responsables politiques un moment important, où l'on met de côté les querelles partisanes, pour prendre le temps de la réflexion.


Je salue enfin les responsables des grandes religions ici présents. Vous avez su faire, monsieur le président, du dîner du Crif une occasion pour toutes les religions de pratiquer un échange authentique.


Nous avons connu une année 2003 agitée, sur le plan intérieur comme sur le plan extérieur. Je suis venu avec un message d'apaisement.


I – En matière de relations internationales nous voulons donner de la force au droit et au dialogue


A. Quelle est notre vision du Proche Orient ?



La France a une conviction forte face aux défis auxquels est aujourd'hui confrontée la communauté internationale : l'action doit s'appuyer sur l'unité de cette communauté internationale pour être efficace et sur l'exigence de justice que porte le droit international pour être légitime.


Ces principes nous guident pour faire face aux tensions et aux grandes incertitudes que connaissent aussi le Proche et le Moyen-Orient.


La France souhaite la construction de la paix et la stabilisation de l'ensemble de la région, par le droit, le développement et le dialogue des cultures, pour créer les conditions d'une stabilité durable.


Depuis plus de 3 ans, le conflit israélo-palestinien n'a cessé de s'aggraver. Le terrorisme, que la France condamne avec la plus grande force, a frappé cruellement le peuple israélien. Régulièrement la mort aveugle frappe au coeur du peuple.


Ce conflit fait aussi le malheur des Palestiniens, dont la vie est tragiquement affectée.


Cette situation suscite frustration et rancoeurs, aujourd'hui et pour l'avenir.


La paix et la sécurité ne seront obtenues qu'à travers un règlement négocié, fondé sur le droit international et des compromis réciproques. C'est dans cet objectif qu'il faut mettre en oeuvre le plan de paix agréé par le Quartet, accepté par les deux parties et endossé par le Conseil de sécurité tout entier.


Cette feuille de route offre le moyen de parvenir à un règlement qui garantira la sécurité à Israël tout en permettant aux Palestiniens de vivre dans la dignité d'un Etat souverain.


La confiance dans la force de la justice et de l'unité de la communauté internationale guide aussi notre politique en ce qui concerne l'Irak. Nous souhaitons le succès de la reconstruction économique et politique de l'Irak.


Pour y parvenir, ce pays doit retrouver sa souveraineté à l'intérieur et retrouver sa place au sein de la communauté internationale, avec l'appui des Nations-Unies, expression de la légitimité internationale. C'est dans ce cadre que la France est prête à assumer ses responsabilités pour contribuer au processus de reconstruction. C'est dans cet esprit que la France propose la tenue d'une conférence internationale sur l'Irak.


B. La France et Israël


L'État d'Israël et la France sont deux pays amis. Les divergences que la situation au Proche-Orient peut faire naître entre les deux pays ne sauraient en tout état de cause entamer l'amitié profonde qui les lient.


La France et Israël entretiennent une relation forte, nourrie par des liens anciens, toujours renouvelés. Chacun connaît le rôle joué par la France pour aider le jeune Etat d'Israël à assurer son existence. L'importante communauté francophone d'Israël, qui mériterait d'être plus reconnue, et l'importante communauté des juifs de France développent entre nous une relation exceptionnellement forte et active.


La France et Israël ont souhaité relancer cette relation pour que son immense potentiel s'exprime encore davantage. Telle a été la mission confiée au Groupe de Haut niveau présidé par le Professeur David Khayat et l'Ambassadeur Yehuda Lancry, qui ont identifié un certain nombre de projets emblématiques et durables, telle la création d'un nouvel Institut français à Tel Aviv.


Ce programme d'actions permettra de renforcer nos relations bilatérales à l'avenir dans les domaines politique, scientifique, culturel, économique et commercial.

La très prochaine visite d'Etat du Président Katsav, qui sera fait docteur honoris causa de la Sorbonne, sera une occasion majeure de célébrer cette relation et de lui donner un nouvel élan.


A ce propos, je voudrais vous dire mon émotion face aux menaces de mort adressées au Président de l'Université Paris IV.


Tout sera fait pour retrouver les coupables.


Il - La mobilisation française contre l'antisémitisme


Mesdames, messieurs,


Je sais que les Juifs de France sont particulièrement inquiets des actes antisémites dont le nombre est inacceptable.


La France n'est certes pas un pays antisémite.


II y a certainement encore un fond d'antisémitisme d'extrême droite. II y a également un antisémitisme de ressentiment développé par certains qui se sentent non intégrés, à la recherche d'une identité conflictuelle, qui font des amalgames absurdes et qui développent une logique de haine.


Je veux combattre cet antisémitisme par la répression nécessaire, mais aussi par la prévention.


Je vous le redis ce soir avec force : il est intolérable qu'en France un citoyen puisse être agressé parce qu'il est juif. Mais, ayez confiance, l'ensemble de notre pays se sent concerné et tout mon gouvernement est mobilisé pour lutter contre cette hydre dont les têtes hideuses sont multiples et se reforment régulièrement.


La volonté de mettre en place un dispositif très opérationnel a conduit à la création, à l'initiative du chef de l'État, du comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme que je préside. Cette impulsion politique est essentielle et la mobilisation au sommet de l'Etat demeurera constante.


A. La sécurité


L'action résolue et volontaire des Pouvoirs publics porte d'ores et déjà des fruits : sur l'ensemble de l'année 2003, la violence et les menaces antisémites ont baissé de plus d'un tiers par rapport à 2002.


Mais, tant qu'un acte antisémite sera commis, nous ne pourrons être satisfaits, car la France sera blessée.

Par ailleurs, nombre d'actes ne sont pas comptabilisés, n'étant pas dénoncés aux services de police. Alors, je veux le dire ce soir avec solennité : l'Etat est décidé à agir et à réprimer avec force tous les actes intolérables.


Faites savoir, Monsieur le Président, que les victimes ne doivent pas hésiter à porter plainte car la première des offenses à une victime, c'est le déni.


Je veux souligner que, contrairement à ce qu'on a connu dans le passé, les Pouvoirs publics et le CRIF, se sont rapprochés depuis 2 ans. La concertation s'est développée, d'une part, pour la comptabilisation des actes de nature antisémite et d'autre part, les services de fa Chancellerie, de l'Éducation nationale et le CRIF travaillent maintenant ensemble.


Je souhaite vous en remercier tout particulièrement Monsieur le Président.


En 2002, nous avons commencé par le plus urgent, améliorer les conditions de sécurité et nous poursuivrons dans cette voie. En effet, je ne peux envisager qu'un certain nombre de bâtiments qui accueillent des fidèles ou des élèves puissent être pris pour cible d'actes odieux, criminels et lâches.


C'est pourquoi j'ai décidé que l'Etat participerait à un plan de sécurisation des établissements de la communauté juive. Le coût des travaux a été estimé à 15 millions d'euros sur trois ans. J'appelle les collectivités locales à participer à cette action.


Le ministre de l'Intérieur, Nicolas SARKOZY, met - vous le savez - toute son énergie au service des nécessaires actions fondées sur nos convictions communes. La pleine communion d'objectif est là, comme dans tous les domaines, le gage de l'efficacité de la politique de mon Gouvernement.


B. La justice


Sur le plan judiciaire, à la suite de l'adoption de la loi Lellouche, les instructions les plus fermes ont été données par le garde des Sceaux à l'ensemble des parquets afin que soient sévèrement réprimés les auteurs d'actes ou d'injures antisémites.


Parmi les exemples récents de cette fermeté, je citerai la condamnation, en novembre 2003, par le tribunal correctionnel de Strasbourg, de 6 individus auteurs d'une tentative d'incendie de l'oratoire d'un cimetière juif à des peines allant de 18 mois à 3 ans de prison ferme ou encore la condamnation, le 20 janvier dernier, par le tribunal correctionnel de Lyon, de l'auteur de propos et violences antisémites à une peine de 6 mois d'emprisonnement ferme.


Par ailleurs, la vigilance et la fermeté des parquets s'exercent régulièrement et c'est ainsi que des poursuites pénales ont été récemment exercées à l'encontre, d'un soi disant humoriste, qui devra répondre de ses propos devant le Tribunal correctionnel de Paris, et que les déclarations de M. Latrèche ont immédiatement donné lieu à une enquête pénale qui est en cours.

Fidèle à ses engagements, Dominique PERBEN a désigné des magistrats référents dans les ressorts de toutes les cours d'appel pour coordonner l'action des parquets en matière de lutte contre le racisme et l'antisémitisme et être les interlocuteurs attitrés des victimes et des associations sur le terrain.


C'est un véritable progrès dans la conduite de notre combat commun contre l'intolérance. II faut en effet que tous les services de l'Etat soient clairement identifiés et immédiatement disponibles pour les victimes.


Le Gouvernement doit également veiller à l'adaptation de la législation dans le cadre de laquelle s'inscrit son action.


A cet égard, vous avez évoqué la question de la durée trop courte de prescription des infractions racistes prévues et réprimées par la loi sur la liberté de la presse.


Je partage cette préoccupation et le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité y répond directement en faisant passer le délai de prescription de ces délits de trois mois à un an.


C. L'éducation


S'agissant de l'éducation, j'appelle tous les membres de la communauté éducative à la plus ferme vigilance. Ils doivent réagir au premier signe d'antisémitisme, sans attendre : le mal n'est pas toujours frontal, il sait se faire banal.


Le comité interministériel du 27 janvier a décidé, sur la proposition de Luc FERRY, d'améliorer la coordination opérationnelle des services de l'Etat sur le terrain.


Cette coordination concernera non seulement les incidents survenant à l'intérieur des établissements mais visera également à mieux assurer la sécurisation de leurs abords et des transports qu'empruntent les élèves.


Les représentants de l'Etat doivent être en mesure de travailler rapidement et en direct avec les membres de la communauté scolaire sur ces sujets.


Enfin, en matière scolaire, je suis préoccupé par plusieurs dérives éditoriales qui ont conduit le Gouvernement à demander le retrait de deux publications pédagogiques dont le contenu était de nature à susciter des attitudes anti-juives chez les élèves.


Pour éviter ces graves dérives, Xavier DARCOS a reçu le 28 janvier les éditeurs de manuels scolaires et d'ouvrages pédagogiques et les a fermement invités à mettre en place des instances internes de vigilance. Par ailleurs, l'inspection générale de l'éducation nationale a été chargée par les ministres de veiller avec une extrême attention au contenu de toutes les publications pédagogiques.


D. La communication


La diffusion de l'antisémitisme emprunte, hélas, les voies les plus modernes et vous avez évoqué, monsieur le Président, la diffusion par voie satellitaire d'un feuilleton dont le contenu est violemment antisémite.


J'ai considéré de mon devoir, avec plusieurs de mes ministres, de prendre le temps de regarder ces images, insupportables à la vue, brûlantes au coeur, révoltantes à la raison. La scénarisation de la haine est de retour.


Évidemment, notre réaction doit être sans complaisance sur la diffusion par quelque moyen que ce soit, et quelle que soit leur provenance, de documents à teneur antisémite ou raciste, ou appelant à la haine raciale ou religieuse. Les pouvoirs publics ont d'ailleurs immédiatement réagi : le Garde des sceaux et le CSA ont saisi le parquet de Paris et le Président d'Eutelsat sera très prochainement auditionné par le CSA.


Si la responsabilité pénale de l'éditeur est certainement engagée, la poursuite d'une personne morale à l'étranger dépend de l'existence d'accords internationaux de coopération judiciaire dont l'application n'est, au demeurant, pas automatique. Nous sommes là devant une faille de notre dispositif juridique.


J'ai donc demandé à Jean-Jacques AILLAGON d'agir rapidement sur les moyens à mettre en oeuvre pour répondre à ce défi. Je souhaite le remercier tout particulièrement de son efficacité car je suis en mesure de vous annoncer ce soir le dispositif que nous allons mettre en oeuvre.


Dès le 10 février prochain, le Gouvernement proposera d'amender la loi du 30 septembre 1986 dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.


Les nouvelles dispositions législatives qui seront proposées au Parlement permettront au CSA d'intenter une action devant le juge des référés administratifs pour faire cesser la diffusion d'une chaîne non conventionnée dont les programmes porteraient atteinte aux grands principes au nom desquels la liberté de communication peut être limitée au nombre desquels figure à l'évidence l'antisémitisme.


Par ailleurs, la loi pourra ouvrir au CSA la faculté de se faire communiquer, par les opérateurs de satellite, des informations sur les chaînes qu'ils transportent. II sera également habilité à prendre des sanctions financières à l'encontre des opérateurs qui ne respecteraient pas leurs obligations.


Au-delà de ces décisions importantes et urgentes, je crois profondément que notre lutte contre la haine doit prendre une dimension nouvelle.


Comme l'écrit Lionel Stoléru : « Un pays qui a mal aux juifs à mal ailleurs ». La société a un mal d'amour. Face à la mise en scène du racisme, il nous faut réfléchir à la mise en scène de la fraternité.


Je demande aux créateurs, aux artistes, aux intellectuels, à tous ceux qui pensent que « l'avenir c'est l'autre » de se rassembler dans une sorte de collectif « la fraternité contre la haine » pour engager des actions fortes et populaires de résistance à la haine. A eux de choisir la nature de cet engagement.


En déclarant « année 2004, année de la fraternité », l'État s'est donné les moyens d'accompagner cette nécessaire mobilisation nationale pour que le respect et l'amour chasse la haine.


Mesdames et messieurs,


L'antisémitisme est un fléau qu'il faut combattre sans cesse. Le Gouvernement a entamé depuis près de deux ans un collaboration exemplaire avec le C.R.I.F. car ce n'est qu'ensemble et en, pleine transparence que nous pourrons agir efficacement.


III - Laïcité et judaïsme


A. Une façon de vivre ensemble



J'avais évoqué l'an dernier devant vous la conception que je me fais des rapports entre religion et politique. Depuis, les débats sur la laïcité ont été nombreux : ils attestent la vivacité et l'importance de cette idée pour nous aujourd'hui.


Je l'ai dit l'année dernière ici même. Je le redis aujourd'hui. La laïcité, ce n'est pas l'hostilité aux religions, tout au contraire. Emile POULAT le dit avec justesse : « la laïcité, ce n'est pas simplement un esprit d'émancipation par la philosophie-- mais aussi une politique de pacification par le droit ».


Autrement dit, la laïcité est la grammaire, le code qui permet à l'ensemble des religions de vivre et de dialoguer paisiblement au sein de notre Etat républicain.


La laïcité trouve ses racines dans notre histoire et notre tradition. Les Juifs de France ont vécu cette histoire en acteurs : la laïcité leur a donné toute leur place.


Depuis 1790 et l'affirmation par la République de leur pleine citoyenneté, ils ont vécu au rythme de la République, de ses périodes heureuses et de ses périodes noires. Je le dis avec force : les drames des Juifs ont été les drames de la République.


Aujourd'hui, je le crois profondément, la laïcité est un concept éminemment moderne, qu'il faut faire vivre en regardant l'avenir qu'elle nous ouvre. Je sais d'ailleurs que la communauté juive est consciente de la nécessité pour tous de respecter cette valeur qui fonde notre vivre ensemble.


Parce qu'elle fait partie de nos traditions, la laïcité ne saurait être remise en cause. C'est bien pourquoi dans les débats actuels il est apparu nécessaire de rappeler un certain nombre de règles simples.


B. L'application concrète


A l'issue des travaux de la Commission Stasi, le Président de la République a annoncé le 17 décembre dernier sa volonté de mettre en oeuvre un ensemble de mesures pour rappeler l'importance de la laïcité.


Le projet de loi que je présenterai au Parlement la semaine prochaine vise à préserver au sein des établissements scolaires publics du premier et du second degré un espace de neutralité républicaine. II vise également à assurer l'égalité entre les hommes et les femmes-, conquête fondamentale pour nous tous.


C'est pourquoi, le port de tenues et de signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, y compris la kippa, sera interdit dans les écoles, les collèges et les lycées publics.


Je sais que la communauté juive comprend.


II ne s'agit pas de remettre en cause la liberté de conscience des élèves. II s'agit simplement de préserver, les élèves qui ont choisi l'école publique, du prosélytisme religieux et de permettre le fonctionnement harmonieux, de la communauté éducative du service public de l'éducation nationale.


Vous le voyez, la laïcité, c'est à la fois des principes qui donnent leur place à tous. C'est aussi une exigence qui nécessite parfois d'être réaffirmée.


Dans certaines circonstances, le silence de la république est une absence.


IV - Je vous maintenant vous parler de la France


Vous le voyez, les débats que nous avons actuellement portent sur le coeur des valeurs communes de notre cher et vieux pays. Au coeur de ces valeurs, se trouve l'idée de nation et d'identité nationale qui doit être au coeur des réflexions de tout responsable politique aujourd'hui.


A. Une multiplication d’identités


Le débat que je viens d'évoquer sur la laïcité nous a invité, tous, collectivement, à nous interroger sur les évolutions de la société française, à prendre conscience aussi de sa diversité tout en mettant des limites à des pratiques qui ne sont pas acceptables.


Mais, la question de l'identité est posée aussi par les identités locales. Les Français souhaitent aussi que leur identité régionale soit prise en compte, à travers une tangue ou des traditions populaires par exemple.


L'identité nationale doit aussi être revisitée à l'aune des transformations de l'Europe et de la mondialisation. Le citoyen doit gérer plusieurs identités : un Français aujourd'hui, c'est aussi un Européen, un Français aujourd'hui est aussi partie prenante de l'évolution du monde.

II faut également prendre en compte les évolutions de l'identité individuelle. Dans une société en évolution constante, où il n'y a plus de positions établies, les hommes, les métiers cherchent leur place.


Ce questionnement identitaire tend à troubler les repères collectifs. Au nom des droits des individus et de l'individualisme, trop nombreux sont ceux qui ne comprennent pas leur responsabilité collective, ce qui fragilise la démocratie elle-même.


Face à ces questions, c'est la responsabilité des politiques de donner des réponses pour la sphère publique.


B. Les valeurs de la nation sont transcendantes pour le citoyen


Je crois qu'il faut proposer au citoyen des principes qui les dépassent à travers une ambition collective.


Le politique a recherché des principes supérieurs qui allait au-delà du simple pouvoir : un sens donné à la vie commune, un sens fondé sur des valeurs transcendants l'individu comme la liberté, l'égalité, la fraternité.


Avec la Révolution française, cette ambition est devenue commune à tous les Français.


Où se trouve aujourd'hui la transcendance, où se trouve la capacité pour l'individu d'aller au-delà de ce qu'il est, tout en préservant ce qu'il a de plus cher, je veux parler de sa liberté ? Les religions apportent leurs réponses.


En ce qui concerne la réponse publique, une partie se trouve à mon sens dans l'Europe qui est une manière pour la France d'aller au-delà d'elle-même. Mais, en même temps, l'identité européenne ne saurait constituer une identité de substitution. L'Europe a besoin d'une France qui sait ce qu'elle est.


C'est pourquoi je pense qu'aujourd'hui, dans l'espace du politique, la transcendance réside toujours à mon sens dans la nation. Pour le citoyen, la France nous transcende.


C. Ce que n'est pas la nation


Je pense que la République doit se réapproprier ce débat et ces valeurs.


L'idée de nation est trop belle pour être dénaturée en repli sur soi. Elle ne doit pas être un nationalisme d'exclusion, celui que propose l'extrême-droite, qui n'a jamais été capable d'énoncer une grande ambition pour la France.


D'autres pensent que l'on peut dépasser la nation dans l'internationalisme, au nom de la solidarité entre les peuples qui serait sans frontière. Ce serait à mon sens priver les individus d'une force collective pour les dissoudre dans un environnement sans finalité.


D. La confiance en la nation


La nation, c'est d'abord savoir qui l'on est. La laïcité, c'est une part de notre identité nationale : c'est pourquoi nous avons voulu réaffirmer son actualité.


La nation, c'est aussi donner une place pour le citoyen dans le monde. Parce que le mal est un non sens, son premier contraire, avant le bien, c'est le sens.


C'est pourquoi la France ne prétend pas dire le Bien, mais travaille plutôt à apporter une réponse au désordre mondial et oeuvre pour la paix.


La nation, c'est aussi la capacité pour le citoyen de se penser comme membre du collectif, pour faire vivre la solidarité entre les Français.


Je ne crains pas par exemple de solliciter cette part de dépassement que chacun détient.


Quand il faut travailler un peu plus longtemps pour sauvegarder les retraites de tous, quand il faut donner un jour de son travail pour assumer la fraternité que l'on doit aux personnes dépendantes, quand il faut changer ses habitudes sur les routes, je n'hésite pas à demander aux Français un effort individuel au service du collectif.


Je sais qu'ils le comprennent, parfois avec difficulté mais sans véritable acrimonie.


La France, Renan l'affirmait déjà en 1882 dans ce texte essentiel Qu'est-ce qu'une nation, avant d'être une histoire commune, une géographie, une langue, c'est une âme, un principe spirituel, une volonté de vivre ensemble.


Je veux le rappeler, je veux consolider cette volonté et je dis aux Juifs de France : n'ayez pas peur, ne soyez pas tentés par ceux qui voudraient vous séparer de la communauté nationale. Vous pouvez avoir confiance en la France parce que vous êtes la France, parce que chacun d'entre vous détient une partie de ce bien commun qu'est notre pays.

Je veux conduire la société française à reconnaître ce qu'elle est, je veux qu'elle ait le goût de l'avenir.


C'est, je le crois profondément, le rôle du chef du gouvernement. Allons chercher ce qui nous rassemble plutôt que ce qui nous sépare. Et, ce qui nous rassemble, c'est l'amour de la France.


Je vous remercie.