Plus de 1000 invités se pressaient dès 19h, allée de Longchamp, à l’entrée du Pavillon d’Armenonville. La présence exceptionnelle du chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy et de la quasi totalité des membres du gouvernement réunis autour du Premier ministre, François Fillon et du maire de Paris, Bertrand Delanoë, donnait un lustre prestigieux à cet événement retransmis en direct par plusieurs chaînes de télévision françaises et étrangères.
Arrivé vers 19h30, le président Sarkozy, tout droit rentré d’un voyage officiel en Guyane, a été accueilli par le président du CRIF, Richard Prasquier, entouré des membres du Bureau Exécutif.
Après un cocktail comme toujours animé, les discours, très attendus, de Richard Prasquier et de Nicolas Sarkozy ont constitué le clou de cette soirée présentée par le directeur général du CRIF, Haïm Musicant, comme ayant un caractère exceptionnel.
Parmi les thèmes développés par le président du CRIF, la laïcité, les rapports inter religieux, les discriminations et l’antisémitisme, la mémoire de la Shoah, les relations franco-israéliennes, les otages, l’Iran, Durban II, l’Union pour la Méditerranée ou encore la mémoire oubliée des Juifs originaires des pays arabo-musulmans.
Sur la laïcité qui fait débat depuis quelques semaines dans notre pays, Richard Prasquier a été très ferme : « Aux Juifs, la loi de séparation a apporté la neutralité bienveillante qui a garanti l’égalité et inventé des solutions empiriques aux problèmes ponctuels. Bien sûr, la situation a changé et la bienveillance ne se décrète pas. Mais, pour nous, cette loi fait partie du surmoi identitaire qui nous lie à la République. Je suis un partisan résolu de la laïcité, je ne suis pas un adepte de la religion laïque ». Les rapports avec les Musulmans se développent harmonieusement. Après un passé tragique, les relations avec les Catholiques sont exemplaires. Celles avec les Protestants et les Orthodoxes doivent être approfondies.
Pour ce qui est de l’antisémitisme, si le nombre d’actes répertoriés est en baisse, la situation est néanmoins inquiétante. « Le discours antisémite s’est banalisé » regrette le président du CRIF, qui, au passage, rappelle les propos scandaleux tenus en Algérie par le ministre algérien des Anciens Combattants. En toute chose « le Juif est un révélateur », un baromètre en somme de l’état moral d’un pays. Rappelant le discours « magnifique » de François Fillon au Vel’ d’Hiv, Richard Prasquier a vanté les mérites du devoir de mémoire.
Très applaudi quand il a rappelé l’amitié constante du président Sarkozy pour Israël qui fête cette année son soixantième anniversaire, le président du CRIF considère que « L’image de la France en Israël s’est complètement transformée ». Néanmoins l’Etat juif demeure « le seul Etat membre de l’ONU menacé de destruction ». Et, à propos des otages israéliens, cette supplique : « Ne les abandonnez pas ! ».
L’Iran d’Ahmadinejad, le nouveau Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, Durban II ont été fermement montrés du doigt. « A fréquenter l’infréquentable, ne risque-t-on pas de concilier l’inconciliable ? », s’est exclamé, très applaudi, Richard Prasquier.
A propos des Juifs originaires de pays arabes, le président du CRIF considère que « les pays qui revendiquent de la France la repentance au nom de la mémoire seraient bien inspirés de ne pas effacer toute mémoire de présence juive.
Pour ce qui est du projet d’Union pour la Méditerranée, Richard Prasquier a fait remarquer que certains voudraient en exclure Israël.
En conclusion, le président du CRIF a énuméré les actions exemplaires de Condorcet et de l’abbé Grégoire, d’Hugo et de Péguy, de Dreyfus et de Zola, de Jean Moulin et de Pierre Brossolette, d’Eboué et de Manouchian, du père Benoît et du pasteur Trocmé, de Blum et de Cassin, de de Gaulle et de Mendès France, un trésor, dont la communauté juive à l’unisson de la nation, entend assurer la garde.
Une standing ovation a salué ce discours immédiatement suivi par celui du président de la République qui a noté qu’il commence à être un habitué du dîner du CRIF. Pour Nicolas Sarkozy, « la contribution du judaïsme à l’histoire de l’humanité, a été majeure ». Pour lui, un monde sans Dieu n’est pas la bonne voie. L’exemple du nazisme et du stalinisme le montre bien. « Il n’y a pas, affirme-t-il, une ligne de la Torah, de l’Evangile ou du Coran, restituée dans son contexte et dans la plénitude de sa signification, qui puisse s’accommoder des massacres commis en Europe au cours du XXème siècle au nom du totalitarisme et d’un monde sans Dieu. Pour le président de la République, les deux morales, la laïque et la religieuse, sont complémentaires. « On ne peut ignorer qu’il existe une immense demande de spiritualité ». C’est pourquoi, conclut-il sur la question, non sans humour : « Je persiste et j’ai le plaisir de signer ».
A propos d’Israël, le président réaffirme : « Je suis un ami d’Israël ». Et il en donne une preuve d’actualité : « J’ai voulu que la première visite d’Etat d’un président étranger en France soit celle que va effectuer en mars prochain, Shimon Peres ». Et encore : « La France souhaite de toutes ses forces l’entrée d’Israël dans la Francophonie ». Pour ce qui est du conflit israélo-palestinien, Nicolas Sarkozy a rappelé la position de la France : compromis historique, création d’un Etat palestinien, frontières sûres et reconnues, arrêt de la colonisation, cessation des tirs de roquettes et des attentats meurtriers, ajoutant : « Je ne serrerai pas la main de gens qui refusent l’existence de l’Etat d’Israël ». En prononçant cette phrase, le président français pensait au dirigeant iranien à propos duquel il considère que l’enrichissement de l’uranium est inutile dans ce pays. Toutefois, il précise que « ce serait une grave erreur de croire que le nucléaire civil soit réservé à l’Occident ». Quant aux sanctions internationales, elles doivent être maintenues, voire élargies : « Je n’accepte pas que nos entreprises commercent avec l’Iran ». Après avoir évoqué en termes fermes Durban II et l’Union pour la Méditerranée, Nicolas Sarkozy est revenu sur l’antisémitisme : « La lutte contre l’antisémitisme n’est pas seulement l’affaire des Juifs, mais celle de la communauté nationale dans son ensemble ».
A son tour, le président de la République est chaleureusement applaudi par un public conquis.
Il est bien entendu impossible de citer les nombreuses personnalités présentes au Pavillon d’Armenonville. Outre les membres du gouvernement, les représentants éminents de la plupart des partis politiques, les dignitaires religieux, les dizaines d’ambassadeurs dont ceux de Tunisie et du Maroc, très entourés, on pouvait croiser des vedettes de la chanson comme Régine ou Rika Zaraï et des hommes de plume, tels Marek Halter.
Compte tenu du succès remporté cette année, nul doute que le prochain dîner du CRIF devra compter sur la pérennisation du cap mythique des 1000 invités. Rendez-vous en 2009.