Avec le soleil brûlant qui tape sur nos têtes, depuis le trottoir adjacent à la maison du Premier ministre Benjamin Netanyahu, nous essayons de digérer le fait que 1890 jours ont passé et que tu n’es toujours pas avec nous.
Nous sommes ici, sur ce trottoir depuis maintenant plus d’un an, essayant de toutes nos forces et utilisant tous les moyens à notre disposition pour briser le mur de l’étanchéité qui se trouve entre nous et ceux qui doivent encore être convaincus, après tant de jours, de mois, d’années et d’erreurs, qu’il est temps pour toi de rentrer à la maison.
Nous sommes là. Nous n’avons pas renoncé, nous n’avons pas cédé, et nous n’avons pas été brisés. Et nous ne sommes pas seuls. Notre cher Gilad, beaucoup de gens qui te sont étrangers, que tu n’as jamais rencontré, pensent comme nous qu’il est inconcevable de parler de solidarité sociale, de force nationale et d’avoir foi en l’État alors que l’on t’a abandonné à ton sort. Jour après jour, seul et abandonné dans les donjons du Hamas pour plus d’une demi-décennie.
L’été dernier, des dizaines de milliers de personnes ont défilé pour toi, croyant qu’enfin les choses avançaient. Cet été, des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues en signe de protestation, appelant à la justice sociale, au droit des gens à vivre et gagner leur vie avec dignité. Et nous avons bien entendu rejoint cet appel pour réclamer ton droit de vivre avec le droit de l’homme le plus essentiel : la liberté.
Notre Gilad bien-aimé, nous savons que chaque jour qui passe est un autre jour cauchemardesque, un jour de souffrance impossible, des jours et des nuits de solitude étouffante et infinie. Mais tu dois savoir que nous ne t’oublions pas, nous n’oublions pas le fait que dimanche prochain (ndlr : lettre envoyée le 24 août), tu auras 25 ans, nous n’oublions pas que c’est ton 6ème anniversaire en captivité, plus d’un cinquième de ta jeune vie a été passé dans un donjon, ou une cave du Hamas.
Nous savons que tu n’as pas la moindre idée de pourquoi ton cauchemar n’a pas pris fin et nous savons que nos nombreux efforts doivent encore porter leurs fruits. Nous essayons de rester en vie malgré le fait qu’elle soit devenue méconnaissable.
Ton frère Yoel a déjà obtenu un diplôme universitaire du Technion, et Hadas ta petite sœur est en train de terminer son service militaire ces jours-ci. Et tandis que ces jours sont censés être heureux, notre cœur est lourd car tu n’es pas là pour fêter cela avec nous.
Avec chaque instant qui passe, nous essayons de chercher une réponse, des conseils sur ce que nous pourrions faire d’autre. Ce qui reste à être jugé. Comment pouvons-nous convaincre les gens que tu n’es pas simplement une photo, une image en carton ou même une photo visible à tous les coins de rues, tant ici en Israël et qu’à l’étranger ? Comment expliquer que tu es toujours là ?
Ils ne cessent de nous offrir des lambeaux d’espoir, nous disent qu’ils ont fait des progrès dans les négociations, mais à chaque nous voyons, encore et encore, des prisonniers de haute sécurité renvoyés des prisons israéliennes pour rentrer dans leurs foyers.
Nous voyons l’argent et les biens qui continuent d’affluer dans les mains de ceux qui t’emprisonnent depuis des années, nous réalisons que les conditions attribuées aux détenus du Hamas (oui, c’est la même organisation cynique qui te garde comme une arme secrète) ici en Israël, sont toujours améliorées et que personne ne change vraiment quoi que ce soit malgré tous les discours. Pour combien de temps?
Et à mesure que les jours passent, nous nous inquiétons pour ta santé, par ta vie même. Les déclarations recyclées vont une fois de plus se frayer un chemin depuis le bureau du Premier ministre et l’on pourra lire ici et là des éditoriaux publiés par des experts en contre-terrorisme au nom du gouvernement, mais de manière indépendante.
Des déclarations qui diront « nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir » (cinq ans de tout faire en leur pouvoir) vont continuer à inspirer la peur dans le public israélien, comme si ta libération pourrait semer de la terreur en Israël. Comme si en te laissant seul face à ton sort à Gaza permet d’éviter des dizaines, des centaines de victimes à venir.
Malheureusement, même quand tu es là-bas, les attaques meurtrières et terroristes continuent sans cesse ici.
Ton sacrifice ne change rien à la situation sensible et instable dans notre petit État. Par ailleurs, avec le temps qui passe, nous voyons comment le sens de sécurité de notre pays va décadent, de la jeune génération qui s’enrôle aux parents qui les envoient, tous s’affaiblissent à la lumière de la violation du pacte non-écrit (et pas pour la première fois) qui promet de faire revenir chaque soldat à la maison.
Pourtant, nous ne désespérons pas, et tu dois tenir car nous allons trouver un moyen de te ramener ici, bientôt, demain !
Avec beaucoup d’amour et d’espoirs sans fin,
Maman et papa
Photo : D.R.