Je pense que la démarche engagée par M. Abbas est une fausse solution au problème du blocage du processus de paix. Parce que les conditions d’une reconnaissance de l’Etat palestinien ne sont pas remplies, et que son caractère d’urgence n’est pas démontré. Et surtout parce que le caractère unilatéral et maximaliste de la démarche de l’Autorité palestinienne, contraire aux accords d’Oslo et aux déclarations du Quartette, rend celle-ci parfaitement contre-productive.
C’est tout de même extraordinaire : chaque fois qu’Israël agit unilatéralement, le monde entier lui tombe dessus ; et aujourd’hui l’Autorité palestinienne agit unilatéralement, et le monde entier applaudit !
La création d’un Etat, c’est quelque chose de sérieux en droit international. Cela doit répondre à des critères précis : un territoire défini, une population permanente, un gouvernement effectif. Or aucune de ces conditions ne sont remplies.
Le problème de la définition du territoire de l’Etat palestinien reste entier. L’Autorité palestinienne nous parle de l’exemple du Kosovo, mais celui-ci n’a rien à voir. Il existe bel et bien une population palestinienne, mais dans quelles limites ? Qui bénéficierait de droit de la future nationalité palestinienne ? Quant au gouvernement, on sait ce qu’il en est : si du point de vue économique, l’Autorité palestinienne est effectivement en mesure d’administrer le futur Etat, il n’en va pas de même du point de vue politique. Et comme vous le savez le pouvoir palestinien reste profondément divisé : la réconciliation avec le Hamas n’est que de façade. A supposer même qu’une authentique réconciliation puisse se faire, l’intransigeance du Hamas sur la légitimité de l’Etat d’Israël affaiblit l’argument utilisé par M. Abbas, qui dit « nous reconnaissons Israël, ils doivent reconnaître la Palestine ».
J’aurais ainsi préféré que M. Abbas s’adresse plutôt au Hamas : la reconnaissance d’Israël par ce mouvement me semble autrement plus urgente que la reconnaissance de la Palestine par la communauté internationale !
Mais surtout, la démarche palestinienne risque d’être contre-productive. Elle crée des attentes, et celles-ci ne seront pas satisfaites. Son échec prévisible va attiser les frustrations. D’ailleurs, même une admission à l’ONU ne conduirait à aucune évolution positive tangible pour la population palestinienne. Loin d’amener Israël à assouplir ses positions, la démarche unilatérale de M. Abbas risque d’amener le pays à se raidir et à se refermer sur lui-même. Au lieu de déboucher l’horizon politique, elle pourrait bien l’obscurcir encore un peu plus. On peut regretter la dureté des positions du gouvernement de M. Netanyahou – c’est mon cas et je sais que vous êtes nombreux à partager cet avis – mais il faut tenir compte des réalités.
La seule chose qui sera satisfaite, ce sera l’ego de M. Abbas, qui pense sans doute à la trace qu’il veut laisser dans l’Histoire en engageant une épreuve de force diplomatique. Une fois de plus, c’est le peuple palestinien qui paiera le prix de l’incurie de ses dirigeants.
Le refus de négocier sans conditions est un choix de l’Autorité palestinienne qui ne saurait justifier la recherche d’une illusoire option alternative. L’impasse dans laquelle se trouve le processus de paix est de la responsabilité des deux parties.
Pour toutes ces raisons, en tant qu’« ami d’Israël pour la paix », je souscris pleinement au slogan choisi pour cette soirée : pour la paix à travers la reprise immédiate des négociations, sans condition ni d’un côté ni de l’autre.
Photo (Bruno Tertrais) : D.R.