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Comme le notait l’un des observateurs présents, la délégation du CRIF était la plus importante de toutes celles présentes.
Le Cardinal Walter Kasper, président de la commission du Saint-Siège pour les relations religieuses avec le judaïsme a ouvert la cérémonie par un message du Pape Benoit XVI, qui a salué cette « nouvelle ère de contacts fructueux avec les juifs » que constitue Nostra Aetate, qui a renouvelé l’amitié entre les deux religions. Le nouveau souverain pontife a fait part de sa « détermination à continuer dans les pas de Jean-Paul II ».
« Nous célébrons une déclaration qui marque le début du début d’une réconciliation entre juifs et catholiques » a souligné le cardinal Kasper, qui n’a pas fait l’impasse sur « les blessures et les malentendus » rencontrés dans « ce processus qui n’est pas toujours facile ». Le président de la commission du Saint-Siège a cependant clairement signifié son credo : « Un non décisif à toutes les formes d’antijudaïsme et d’antisémitisme, un oui à la redécouverte des racines juives du christianisme». Walter Kasper ajouté : « Nous avons avec les Juifs un rapport que nous n’avons avec aucune autre religion ». Il a appelé à aller de l’avant : « Notre avenir est dans la collaboration sociale et culturelle, contre le terrorisme, et dans le développement d’une culture de la paix et de la justice ». Le cardinal Walter Kasper a souhaité que chacun des deux fois se penchent sur une théologie de l’autre.
« Le 40ème anniversaire de la déclaration Nostra Aetate coïncide avec le 60ème anniversaire de l’arrivée des troupes soviétiques au camp d’Auschwitz. Alors que se manifestent de nouvelles formes d’antisémitisme, cette double commémoration nous permet de mesurer l’énorme poids de douleur et de honte que fait peser sur les consciences la mémoire de la Shoah », a fait remarquer le cardinal Jean-Marie Lustiger. L’ancien archevêque de Paris a insisté sur « la commune responsabilité » des juifs et des chrétiens « à l’égard de la civilisation et de l’ensemble des hommes », car ils portent ensemble la charge de la révélation biblique ». Le cardinal Jean-Marie Lustiger a noté que « la réconciliation » ou « encore mieux, les retrouvailles entre les Juifs et l’Eglise catholique » interviennent « en cette période critique et magnifique de grands bouleversements aux conséquences imprévisibles ». Malgré les « différences » qui sont loin d’être « négligeables », « la convergence des Juifs et des chrétiens leur permettent d’assurer avec plus de force et de respect leur mission propre de vigilance et de témoignage ».
Selon Jean-Marie Lustiger « juifs et catholiques, ont à la fois en partage ces racines communes et un conflit… L’urgence de l’appel reçu aux origines oblige les frères séparés, le frère aîné et le puîné à répondre, chacun pour sa part, à la mission qui lui est assignée. Aucun ne peut la remplir sans l’autre ». Concluant son intervention, le cardinal a déclaré : « Le lien commun aux juifs et aux chrétiens fonde leurs retrouvailles en ce siècle, garantissant l’œuvre qu’ils doivent accomplir sous peine de manquer à l’humanité. L’équilibre et la paix du monde y sont en cause ». Jean-Marie Lustiger estime que « l’avenir commun entre juifs et catholiques ne se réduit pas à limiter le contentieux possible. Il ne peut se contenter d’une pacifique compréhension mutuelle, ni même d’une solidarité dans le service de l’humanité. Cet avenir demande un travail sur ce qui est connu, comme sur ce qui sépare, travail de savoir possible car fondé sur la certitude d’une amitié voulue par D. ».
Le chemin qui reste à parcourir a été au cœur de l’intervention du Rabbin David Rosen, directeur international pour les questions inter-religieuses de l’American Jewish Committee. Dans une intervention qu’il a qualifié lui-même d’ « impertinente », le président de l’IJCIC, comité de liaison des organisations juives avec le Vatican, a rappelé que Nostra Aetate rendu public le 28 octobre 1965 était « tombé bien loin » du texte imaginé par le pape Jean XXIII qui avait convoqué le concile du Vatican. Mais cette déclaration a pris tout son sens, grâce aux directives venues de Rome, aux différentes conférences épiscopales, et surtout grâce aux « paroles » de Jean-Paul II.
Le Rabbin David Rosen a estimé que « la position de l’Eglise concernant la conversion des Juifs doit être éclaircie ». Il a indiqué que certains théologiens, résidents en particulier dans des pays arabes, avaient pris leurs distances avec Nostra Aetate, dont ils ont attribué la publication à « la culpabilité » de l’Eglise après la Shoah. Pour éviter les « ambiguïtés », le rabbin américain a souhaité que l’enseignement de Nostra Aetate entre dans la formation des prêtres pour prévenir toute forme d’antisémitisme : « Les évêques doivent promouvoir une attitude de respect parmi les fidèles ». Ne faisant pas l’impasse sur les difficultés à promouvoir le dialogue judéo-catholique dans certains milieux juifs conservateurs, David Rosen a insisté sur la centralité d’Israël, qui a une conséquence sur les relations entre juifs et catholiques. Depuis l’établissement des relations diplomatiques entre le Vatican et Israël et le pèlerinage du Pape à Jérusalem en 2000, une progression fondamentale a été enregistrée.
Malgré toutes ces difficultés, David Rosen a salué ces « quarante ans de redécouverte et de renouveau ».
« Nous sommes à un moment où les relations entre juifs et catholiques sont véritablement fraternelles, ce qui, après vingt siècles de persécutions, crée une sérénité que nous apprécions particulièrement » a commenté Roger Cukierman à l’issue de la commémoration.